Lénaïc Brièro, adjointe à la Sécurité de Rennes, et Christophe Fouillère, adjoint au quartier Villejean-Beauregard, viennent d’annoncer la fermeture du commissariat de Villejean sine die. Le commissariat de proximité situé au 54 bis cours John Fitzgerald Kennedy sur la dalle Kennedy est fermé pour une durée indéterminée. Motif avancé : le manque d’effectifs de la Police nationale. Derrière cette formule administrative se dessine un problème plus ancien. La sous-dotation chronique de la circonscription de Rennes en policiers d’État (Police Nationale), malgré les alertes répétées de la maire auprès des ministres de l’Intérieur successifs. Résultat : les riverains se lamentent, les voyous se réjouissent.
Villejean n’est pas un quartier anodin. Il concentre une population nombreuse, jeune, souvent modeste. Il abrite l’université Rennes 2, des équipements de santé, des lycées, mais aussi des secteurs classés prioritaires où se mêlent difficultés sociales, économie informelle, tensions de voisinage et phénomènes de deals. La présence d’un commissariat sur la dalle Kennedy jouait un rôle bien au-delà du simple dépôt de plainte. C’était un point d’ancrage sécuritaire visible. Une porte d’entrée pour parler à un policier. Un repère pour les habitants, les commerçants, les travailleurs sociaux.
Depuis deux semaines déjà, ses portes étaient closes ; sa fermeture officielle retire crûment un maillon de proximité. Elle oblige les Villejeannaises et Villejeannais à se déplacer vers d’autres sites (Toour d’Auvergne) pour des démarches pourtant basiques. Elle donne surtout le sentiment que l’État recule dans un quartier qui aurait plutôt besoin de signes de présence et de continuité.
Le cœur du problème
Le communiqué le rappelle. Rennes est depuis longtemps considérée comme « sous-dotée » en effectifs de Police nationale au regard de sa démographie, de son extension urbaine et de l’évolution des trafics. La municipalité dit avoir multiplié les démarches. Entretiens avec les préfets. Courriers aux ministres. Demande de renforts pérennes. Rien n’y fait totalement. Quand les effectifs sont trop justes, l’administration d’État fait des choix. On maintient les services d’enquête. On alimente les unités mobiles ou les interventions de terrain. On ferme ce qui est jugé moins prioritaire, en l’occurrence un commissariat de quartier.
Pour la Ville de Rennes, c’est l’inverse qui devrait se produire. La lutte contre le narco-trafic et les réseaux ne peut fonctionner sans maillage de proximité. Il faut des enquêteurs pour remonter les filières. Il faut aussi des policiers visibles qui passent, qui parlent, qui recueillent des informations, qui rassurent. La fermeture produit donc une incohérence ressentie comme telle par les élus.
Des conséquences immédiates
- Accès plus compliqué aux démarches policières. Déposer plainte, signaler un fait, demander conseil devient moins simple. Or on sait que plus la démarche est éloignée, plus les victimes renoncent. Les personnes souhaitant déposer plainte doivent se rendre au commissariat du centre-ville, boulevard de la Tour-d’Auvergne.
- Mauvais signal symbolique. Dans un quartier qui connaît des difficultés, voir une institution fermer ses portes est perçu comme un désengagement. Les élus le disent. C’est « difficilement compréhensible ».
- Risque d’aggravation du sentiment d’insécurité. Même si les interventions de police continuent, l’absence de point fixe et connu peut renforcer l’idée que « la police n’est pas là ».
Ce qui reste en place
Les élus prennent soin de saluer les équipes. Brigade spécialisée de terrain de la Police nationale, police municipale, médiateurs, acteurs de la prévention. Autrement dit. Le quartier n’est pas abandonné. Des professionnels y travaillent chaque jour. Mais ce sont des forces mobiles, souvent tournées vers l’apaisement ou l’intervention. Ce n’est pas la même fonction qu’un commissariat de quartier où l’on pousse une porte. Le communiqué cherche donc à ne pas délégitimer les agents présents, tout en maintenant la pression sur l’État.
Un appel politique à l’État
Le texte est aussi une prise de position. Il dit que la commune ne peut pas, seule, compenser les manques structurels de la Police nationale. Il dit que la lutte contre les trafics et les « mafias nationales et internationales » suppose des effectifs d’enquête, du renseignement de terrain, une capacité à intervenir vite, mais aussi une présence quotidienne. En filigrane. La Ville annonce qu’elle continuera d’appuyer les demandes de renforts au niveau national pour obtenir la réouverture.
Remarque
L’actuelle ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur est Marie-Pierre Vedrenne, par ailleurs candidate MoDem annoncée aux municipales de Rennes de mars 2026. Cette fermeture intervient au moment où cette dernière multiplie les apparitions publiques à Rennes et en Ille-et-Vilaine (cérémonies, commémorations, rendez-vous institutionnels). Certains esprits forts pourront supposer, à tort ou à raison, que la majorité municipale socialiste pourrait chercher, en mettant en exergue cette fermeture, à montrer qu’une ministre « rennaise » ne parvient même pas à maintenir ouvert un commissariat de quartier dans la ville qu’elle ambitionne de conquérir.
