Avec La bedondaine des tanukis publié aux éditions Zulma, le maître du divertissement populaire Inoue Ishashi nous emmène dans une aventure incroyable, un conte entre fourberie et humanité inspiré du folklore japonais.
Connaissez-vous les tanukis ? Très présent dans la culture japonaise, le tanuki (mot japonais pour chien viverrin) est un mammifère carnivore ressemblant au raton laveur. Dans les bandes dessinées ou les jeux vidéo, il est un animal magique capable de se métamorphoser.
Inoue Isashi (1934-2010) s’empare de cet imaginaire et nous emmène dans la province d’Awa pendant l’ère Tenpo ( 1838). Cette région est célèbre pour sa production de l’indigo. Yamatoya ( alias Moémon) est teinturier à Komatsushima. Il détient le secret de l’indigo. Mais il y a ajouté sa touche personnelle et peu orthodoxe. Un pèlerin lui a montré comment faire des motifs avec de la cire sur l’étoffe indigo. Cette technique lui permet d’augmenter ses ventes et d’exporter vers la riche ville d’Edo.
Hamashima Shôbei, l’intendant général qui contrôle la production d’indigo s’en offusque. De plus, il veut prendre Yoshino, la fille de Yamatoya pour épouse. La jeune fille de dix-huit ans refuse l’offre de ce vieillard prétentieux. Alors le rusé Hamashima use de tous les coups bas possibles.
« Les hommes se marchent les uns sur les autres, tu sais, tant ils désirent réussir. »
La province d’Awa est aussi peuplée de tanukis. Les habitants sont parfois lassés de leurs métamorphoses, surtout quand ils se changent en pont de pierre, en bouilloire ou en humain. Et il en est un qui va jouer plus d’un tour à l’horrible intendant.
Chôkichi, un petit tanuki déguisé en humain, se fait engager comme comptable chez Yamatoya. Il s’éprend de la belle Yoshino. Il est alors prêt à tout pour aider le teinturier à déjouer les pièges d’Hamashima. Mais pour vivre son amour avec Yoshina qui l’aime en retour, il doit non seulement vaincre le fourbe Hamashima mais aussi devenir humain. Car l’accouplement entre un tanuki et une humaine entraîne la mort immédiate de la mariée. Et croyez-moi, cela va nous entraîner très loin dans cet univers fantastique.
C’est une merveille d’évoluer dans ce monde peuplé de tanukis dont la peau des testicules mesure l’équivalent de huit tatamis. De suivre leurs transformations permanentes, leurs facéties, de prendre le thé dans des bouilloires magiques, de jouer au pelball avec les tanukis et les vulpins. On se délecte de ces « turlupinades », des joutes verbales « d’une belle et riche verdeur ».
Ce roman est d’une folle originalité. Dépaysement, addiction et sourire garantis. Certains peineront peut-être à entrer dans cet univers, d’autant plus que l’auteur n’est pas avare de digressions mais il est assez rare de lire un conte d’une telle truculence.
« Inversement parlant, les êtres vivants qui ont découvert la notion d’individu sont des êtres supérieurs. Ce faisant, plus ils privilégient l’individu et moins ils ont le souci de l’espèce. »
Si l’auteur passe quelques messages sur le respect des espèces, sur le rôle de la famille, sur la dualité entre culture et instinct, on se laisse surtout embarquer par cette histoire rebondissante et dépaysante.
La bedondaine des tanukis est un roman plein d’humour, rebondissant, riche de la culture et de l’histoire du Japon. Une fantaisie loufoque maîtrisée de main de maître.
Romancier, nouvelliste, dramaturge, scénariste, INOUE Hisashi (1934-2010) écrit d’abord des sketches de cabaret, avant d’opter pour une forme plus touffue, un style plein de fantaisie, allant jusqu’au fantastique et la science-fiction. Maître du divertissement populaire, INOUE Hisashi fut aussi un ardent militant antinucléaire. Avec notamment Kenzaburo Oe, Prix Nobel de littérature, il lance en 2004 un mouvement de défense de la Constitution pacifiste du Japon.