L’argent ne fait pas le bonheur, c’est bien connu… Et pourtant qui ne rêve pas de gagner au loto et d’empocher un gain exorbitant, une somme tellement faramineuse que l’on n’arrive même pas à imaginer ce qu’on pourrait faire avec ? Du coup on fait des plans sur la comète, on rêve à ce qu’on pourrait enfin s’offrir, aux voyages à organiser, à la nouvelle maison, la nouvelle voiture… La liste de mes envies…
Jocelyne ne rêve plus beaucoup. Elle a 47 ans, est mercière à Arras et a depuis belle lurette oublié ses fantasmes de prince charmant ou de mode, et les ambitions de sa jeunesse. Elle est mariée, mais son mari ne la regarde quasiment plus et un triste quotidien s’est installé entre eux. Leurs deux enfants sont grands, partis vivre leur vie au loin, et semblent bien peu se soucier de leurs parents, si ce n’est pour venir réclamer de l’argent.
Et puis un jour, la vie de Jocelyne bascule. Elle gagne au loto. Une grosse, grosse somme. 18.547.301 euros, rendez-vous compte ! (on ne cracherait pas dessus, hein !). Une somme qui lui permettrait de réaliser tous ses désirs les plus fous. Mais une sorte d’instinct la retient d’aller de suite déclarer son gain au buraliste du coin. Elle se demande comment ses proches vont réagir. Son mari qui craque pour les grosses voitures et les télés modernes, ses enfants, ses amies… L’argent lui rendra-t-il la tendresse de l’homme qu’elle a aimé, l’affection de sa progéniture ? Fera-t-il revenir sa mère décédée, redonnera-t-il la mémoire à son père ou ramènera-t-il l’enfant perdu ? Ses amies ne seront-elles pas jalouses ? En fait, elle se rend compte que cette somme gagnée peut lui acheter énormément de choses, mais uniquement du matériel, et pas l’essentiel. Ce gain n’est finalement peut-être pas un cadeau… Et il va bien sûr bouleverser la vie de Jocelyne, mais pas du tout de la façon dont elle s’y attendait…
La liste de mes envies de Grégoire Delacourt est un roman léger et, sans doute, pas impérissable dans l’univers littéraire de ces dernières années. Il a pourtant retenu mon attention et a permis des discussions passionnées en famille. Les enfants, les miens et sans doute les vôtres, chers lecteurs, veulent toujours tout, toujours plus. Le dernier Ipod ou Iphone avec l’abonnement qui va avec, des fringues à la mode, de l’argent de poche et j’en passe… Et ils ont un mal fou à se rendre compte de la difficulté avec laquelle nous, pauvres parents, gagnons notre croute. Ils n’imaginent pas une seconde les charges qui pèsent sur nos épaules, les emprunts pour les maisons ou les voitures, les écoles à payer, les sorties et activités diverses. Ils ont du mal à comprendre que oui, l’eau et l’électricité coûtent cher, et qu’on a une chance folle de vivre dans une maison bien chauffée, de partir en vacances, d’aller au cinéma ou au théâtre.
Alors je leur ai beaucoup parlé de ce petit roman que j’ai trouvé vraiment intéressant, car il soulève des questions à mon sens essentielles : quelle place l’argent a-t-il dans notre vie ? Quels sont nos rêves les plus fous ? Qu’est-ce qui nous rend heureux, nous donne envie de nous lever le matin, d’attaquer une nouvelle journée, de sourire et rire ? L’argent achète-t-il la santé, l’amitié, l’amour ?
Autour de cette histoire, nous avons recadré les priorités familiales et les désirs de chacun. Nous avons séparé la réalité de l’utopie, le concret du rêve. Nous avons fait des choix, aussi. Et puis bien sûr, nous avons rêvé, un peu… car une somme pareille, bien sûr que nous trouverions à l’utiliser ! (encore faudrait-il que je me mette à jouer au loto !).
Je vous conseille donc de lire ce roman, parce qu’il est sympathique, mais aussi parce qu’il vous permettra de faire le point sur vos priorités, vos désirs, vos impératifs. Une manière intelligente de prolonger la lecture !
La liste de mes envies de Grégoire Delacourt, JC Lattès (février 2012), 186 pages, 16 euros
Extrait
On se ment toujours. Je sais bien, par exemple, que je ne suis pas jolie. Je n’ai pas des yeux bleus dans lesquels les hommes se contemplent ; dans lesquels ils ont envie de se noyer pour qu’on plonge les sauver. Je n’ai pas la taille mannequin ; je suis du genre pulpeuse, enrobée même. Du genre qui occupe une place et demie. J’ai un corps dont les bras d’un homme de taille moyenne ne peuvent pas tout à fait faire le tour. Je n’ai pas la grâce de celles à qui l’on murmure de longues phrases, avec des soupirs en guise de ponctuation ; non. J’appelle plutôt la phrase courte. La formule brutale. L’os du désir, sans la couenne ; sans le gras confortable. Je sais tout ça. Et pourtant, lorsque Jo n’est pas encore rentré, il m’arrive de monter dans notre chambre et de me planter devant le miroir de notre armoire-penderie – il faut que je lui rappelle de la fixer au mur avant qu’un de ces jours, elle ne m’écrabouille pendant ma contemplation. Je ferme alors les yeux et je me déshabille doucement, comme personne ne m’a jamais déshabillée. J’ai chaque fois un peu froid ; je frissonne. Quand je suis tout à fait nue, j’attends un peu avant d’ouvrir les yeux. Je savoure. Je vagabonde. Je rêve. Je revois les corps émouvants alanguis dans les livres de peinture qui traînaient chez nous ; plus tard, les corps plus crus des magazines. Puis je relève doucement mes paupières, comme au ralenti. Je regarde mon corps, mes yeux noirs, mes seins petits, ma bouée de chair, ma forêt de poils sombres et je me trouve belle et je vous jure qu’à cet instant, je suis belle, très belle même.
Alix Bayart