Lamaindonne, une maison d’édition photographique généreuse

Éditions lamaindonne
Livres des éditions lamaindonne

C’est un nom qui interpelle : lamaindonne, un joli titre énigmatique pour une maison d’édition d’ouvrages photographiques qui, peu à peu, se fait une place de choix dans un unidivers éditorial difficile. David Fourré, son créateur, nous dit comment il anime et fait vivre sa société.

C’est une petite commune de l’Aveyron à une vingtaine de kilomètres de Rodez. Calme et sereine, elle s’anime le dimanche lors des marchés estivaux où habitants et touristes se retrouvent autour du tonneau géant, dévolu chaque semaine à un viticulteur différent. Il y fait bon vivre mais on ne s’attend guère à ce qu’une maison d’édition photographique nationale s’y installe. C’est pourtant à Marcillac-Vallon, blotti autour de vignes en étages, qu’a été créée en 2011 lamaindonne, sous la direction de David Fourré. Cet autodidacte en matière d’art photographique a accepté de répondre à nos questions pour nous aider à comprendre ce qui fait qu’en 2023, douze ans après sa création, sa maison d’édition tient le choc et renferme dans ses cartons de nombreux projets, dont une nouvelle collection que nous vous présenterons prochainement. Questions-réponses au cours d’un quartier de maisons de grès rouge avec une seule exception à notre petit jeu: ne pas répondre totalement à la demande concernant le choix de ce nom, lamaindonne, « juste dire que LaMaNoDa était le nom que je prévoyais, en relation avec le début des prénoms de chaque personne de ma famille, et que cela est devenu lamaindonne dans une traduction approximative de l’espagnol ». Pour le reste aucune restriction.

David Fourré
David Fourré

Unidivers – Une question incontournable pour débuter: quand et comment sont nées les éditions lamaindonne ?

David Fourré – Les Éditions lamaindonne sont nées en 2011 avec la parution du livre Chats lunatiques de Joseph Charroy et Florence Cats. Cela faisait déjà 16 ans que je travaillais dans l’édition et plus spécifiquement pour une maison qui avait un très beau catalogue d’albums jeunesse, les éditions du Rouergue. En 2010, j’ai aidé un ami à réaliser son livre de photographie. Cela m’a tout de suite donné l’envie de continuer l’aventure. C’est à ce moment que lamaindonne est née. Quand j’ai rencontré Joseph Charroy et Florence Cats, j’étais prêt.

U – Quel était votre objectif avec cette création ?

David Fouré – Avant tout j’avais envie de faire mes propres livres et pas seulement ceux des maisons d’édition pour qui je travaillais. Je ne connaissais pas grand chose à la photographie à ce moment là. J’ai appris avec les livres photos que j’ai lus de façon boulimique…

U: Comment choisissez-vous vos photographes?

David Fouré – Je ne publie que trois livres monographiques par an, donc le planning est déjà plein pour les deux à trois années à venir. Il y a les photographes que j’ai déjà publiés, qui reviennent avec de nouveaux projets, d’autres photographes que je suis depuis plusieurs années déjà, souvent un peu de la même famille que les auteurs déjà publiés et quelques nouveaux auteurs que je découvre sur le net ou dans la presse. Mais la photographie d’auteur est un petit milieu et on est amenés à rencontrer rapidement beaucoup de photographes.

editions lamaindonne
Photographie tirée d’Oreille coupée de Julien Coquentin

U – Quels sont vos projets justement ?

DF – Parmi les projets à venir, je vais retravailler avec Gabrielle Duplantier, Gilles Roudière ou Martin Bogren. Il y aura également de nouveaux venus : Lorenzo Castore et Damien Daufresne qui sont un peu de cette même “famille”, Nolwenn Brod dont j’adore le travail et… Bernard Plossu. Il faut qu’à chaque fois, le projet soit un véritable coup de cœur.

U – Comment qualifieriez-vous votre ligne éditoriale ?

DF – Même s’il n’y avait pas à la base de ligne éditoriale précise, je me rends bien compte qu’a posteriori, nombre de mes livres convergent dans une même direction.

U – C’est-à-dire ?

DF – Une photographie de l’intime, qui laisse entrevoir, au-delà de l’image, les émotions ou les ressentis du, ou de la photographe. J’aime quand l’image est “sale”, pas fabriquée, qu’elle donne à ressentir l’humain, la femme ou l’homme qui appuie sur le déclencheur. Et puis toujours chercher la forme qui permettra de mieux présenter et faire vivre la série photographique. Trouver à chaque fois la bonne “grammaire”, la bonne écriture photographique, en y associant une forme qui ait du sens et qui en fasse un bel objet. J’aime imaginer que chaque livre est un véritable terrain de jeu.

U – Pouvez nous présenter en quelques mots votre catalogue ?

DF – Le catalogue est encore assez modeste avec quasiment une trentaine de titres. Certains ont été décisifs pour lamaindonne parce qu’ils ont marqué une étape importante dans le développement de la maison. Je pense bien sûr à Volta de Gabrielle Duplantier, Saisons noires de Julien Coquentin, Trova de Gilles Roudière, Passenger de Martin Bogren ou le livre de textes de Guillaume Geneste, Le Tirage à mains nues. Siempre que bien sûr de Celine Croze qui a reçu le prix Nadar l’année dernière. Tous ces titres retracent une belle aventure. Aujourd’hui je continue à publier trois à quatre nouvelles monographies par an.

U – Quelques mots sur la collection Le Château d’Eau ?

DF – Je l’ai créée à Toulouse avec Magali Blenet et Christian Caujolle. Elle fait le pont avec les expositions de cet endroit merveilleux qu’est la galerie du Château d’eau. Cependant il s’agit de créer à chaque évènement choisi, un ouvrage qui ne soit pas un catalogue mais bien un livre à part entière. Deux titres ont déjà été publiés: Laurent Lafolie et Francesco Jodice. Le prochain sera signé par Arno Brignon.

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Photographie tirée de l’ouvrage After the West, Francesco Jodice

U – Mais ce n’est pas tout…

DF: J’ai également lancé une nouvelle collection avec Guillaume Geneste, tireur du laboratoire La Chambre noire : « Poursuites et ricochets ». C’est une collection en laquelle je crois très fort, une collection qui fait dialoguer photographies de famille et littérature. Guillaume Geneste et Marie-Hélène Lafon sont les premiers auteurs mais il y a déjà de nombreux candidats pour la suite.

U – Nous y consacrerons notre prochaine chronique. Votre maison d’édition se situe dans une petite commune de l’Aveyron. Pourquoi ce choix ?

DF – Ce n’est pas un choix. J’habite avec ma famille à Marcillac-Vallon depuis longtemps. C’est un endroit merveilleux. Pourquoi aller ailleurs ? C’est un endroit où j’aime recevoir les photographes, passer quelques jours avec eux, travailler, mais pas que. Se balader, se rencontrer en famille. Il y a souvent un lien qui se crée alors, qui est, j’en suis sûr, bénéfique pour la création du livre.

U – L’édition d’ouvrages photographiques est un véritable challenge. Quel bilan éditorial dressez-vous après 12 ans d’activité ? Mais aussi quel bilan économique ?

DF – Difficile de répondre en quelques mots… Pour l’instant, la maison d’édition ne me permet pas de vivre. Je doute qu’elle le permette un jour d’ailleurs… Il faut donc avoir un second métier… Ça fait beaucoup mais personne ne m’oblige à faire tout ça. Ce qui est compliqué, pour tous les éditeurs, c’est de trouver des financements. Par définition, un livre de photographie est très coûteux à produire et n’est pas rentable. Il faut donc aller chercher des aides auprès des collectivités. À ce titre, la région Occitanie aide d’ailleurs très régulièrement les publications de lamaindonne. C’est un soutien extrêmement important.

U – Existe-t-il une forme de solidarité entre éditeurs ?

DF – Oui, avec France PhotoBook, une association de 29 éditeurs français de livres de photographie, c’est assez historique un tel regroupement, on travaille ensemble pour mieux faire connaître le livre photo. On agit ainsi auprès des librairies avec la création d’un prix et d’une revue, auprès des institutions, des étudiants. À moyen ou long terme, j’espère que cela nous permettra d’être plus visibles et soutenus.

U – Vous avez obtenu en 2019 le prix HiP dans la catégorie « éditeur de l’année ». Que représente cette distinction pour vous ?

DF – Les prix sont toujours très agréables et flatteurs à recevoir mais il faut relativiser. Pourquoi un titre est récompensé plus qu’un autre ? Tous les livres ne sont pas comparables… Mais c’est une belle visibilité à un moment donné qui permet de mettre en avant le travail d’une maison d’édition et de ses photographes. Après, il ne faut pas trop en rêver et continuer sa route sans en tenir compte. Disons que cela contribue à donner du sens à ce qu’on fait quotidiennement.

U – Merci beaucoup et nous revenons vers vous pour présenter plus en détails votre nouvelle collection « Poursuites et Ricochets ».

À SUIVRE …

Éditions Lamaindonne. 16 Avenue des Prades. 12330 Marcillac-Vallon

Site lamaindonne.fr

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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