L’attente de Catherine Charrier, c’est celle d’une femme amoureuse. L’attente de Marie commence le jour où son amant évoque la possibilité de tout quitter pour construire un couple avec elle, mais pas tout de suite, dans un an. Marie va vivre sa passion adultère jusqu’au bout, dans sa grandeur comme dans ses petitesses. Elle nous livre ici son histoire et l’éclairage sans complaisance d’une femme sur sa propre infidélité et sur le mensonge. Un très beau texte, où la force émotionnelle le dispute à la délicatesse des sentiments, jusqu’à nous questionner sur notre propre conception de l’amour.
En apparence, quoi de plus banal qu’une histoire d’adultère ? Belle réussite professionnelle, famille heureuse, confort bourgeois… et l’ennui qui s’installe. À cette langueur d’une vie sans heurt succèdent la passion, la flamme, le désir, un amour fou et déchirant d’une femme pour son amant. Et la promesse que dans un an, Roch quittera sa femme pour épouser sa maîtresse. Ainsi débute une attente qui n’en est pas vraiment une : au fond, Marie espère-t-elle encore quelque chose d’une vie qui lui a déjà tout donné ?
Car L’attente n’est pas un roman de plus sur ces amours impossibles, torturés et un brin irritants d’adultes trop gâtés. Ça pourrait y ressembler dans la première partie de ce récit dont l’écriture maîtrisée aspire le lecteur dans un tourbillon de sensations d’une rare intensité. La chaire vibre, la sensualité des amants est palpable. Les deux amants apprennent avec une facilité déconcertante à vivre dans la trahison et le mensonge. Ils jonglent entre les soirées torrides et les week-ends en famille, les réunions professionnelles et les cinq à sept charnels.
La très belle surprise de ce roman, c’est qu’il raconte moins la banale histoire d’un adultère au long court que le mal-être tapi au fond d’une femme au bonheur tranquille. Combien sont-elles, ces femmes qui ont fait de grandes études, se marient, fondent une famille tout en réussissant brillamment leur vie professionnelle ? Ces femmes fortes, indépendantes, frondeuses ? Et combien de temps se contenteront-elles d’un bonheur créé sur mesure pour une génération de femmes aisées et brillantes qui se retrouvent en pleurs chez un psychanalyste, enfermées dans une insondable dépression ?
L’attente est un roman brillant sur une vie qui ne fait plus rêver. Le bonheur passe à côté de l’essentiel : la sincérité des relations, la connaissance de soi, le respect de ses besoins. Et ce n’est certes pas le piment d’une relation extra-conjugale qui sauvera des individus au vide intérieur effrayant. Catherine Charrier signe un premier roman coup-de-poing, et s’impose avec un style époustouflant. Le récit cinglant et magistral d’une lente descente aux enfers.
À conseiller si…
… à 35 ans, vous avez une carrière professionnelle brillante, deux beaux enfants et un mari adorable. L’attente sonne comme avertissement qui résonne longtemps après qu’on a reposé ce livre.
Extrait :
Une génération de femmes brillantes, belles, spirituelles… et seules.
Une immense tendresse m’est venue pour ces amies-là, celles à qui la pilule et la liberté de choisir un garçon n’avaient jamais fait défaut, ces filles de la chance nées dans les années soixante, qui avaient porté les espoirs de leurs parents sur les bancs de l’école, plus brillantes que leurs frères, plus diplômées. Celles à qui leur mère n’avait pas appris la cuisine parce que “tu as mieux à faire, ma chérie”, celles qui étaient entrées dans des réunions d’hommes et s’étaient assises à côté d’eux, celles qui avaient inventé des prodiges d’organisation pour tenir maison et enfants haut et fort, coûte que coûte. Elles étaient là échouées sur une rive inconnue[…].
Hélène
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L’attente, Catherine Charrier, Kero, mai 2012, 210 pages, 16€
Catherine Charrier est née à Alençon dans les années soixante, dernière salve du baby-boom. Ancienne élève de l’Ecole du Louvre et diplômée d’HEC, elle vit et travaille à Paris dans la publicité. Elle est impliquée sur de nombreux sujets ayant trait à la cause des femmes. Elle publie avec l’attente son premier livre.
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