MUR de Rennes. Swed Oner ou les portraits d’une ville

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swed oner
© Monique Sammut

Swed Oner est le nouvel artiste invité du MUR de Rennes. Depuis plus de 30 ans, le muraliste est piqué par le graffiti, et a développé une œuvre réaliste, toute de noir et blanc vêtue, dans laquelle il met en scène les habitants de la ville qui l’invite.

« Peindre des murs, c’est ma passion depuis maintenant 30 ans, elle ne m’a jamais lâché. » Le muralisme de Swed Oner, Mathieu Taupenas de son vrai nom, est à l’image de ce qu’il propose cet été sur le MUR de Rennes : une histoire de rencontre. Au 34 rue Vasselot, les coups de pinceaux réalistes donnent matière au visage de Patrick, en charge de la maintenance du MUR, et reflètent une démarche artistique profondément humaine, développée sur le long cours.

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Autodidacte, Mathieu Taupenas a développé une démarche artistique singulière et un style impressionnant de réalisme. « J’ai appris à dessiner et à peindre sur les murs de sa chambre, avec beaucoup de pratique et de passion », introduit-il. L’artiste est tombé dans la marmite de l’univers hip-hop, particulièrement dans celle du graffiti, dès 11 ans. Comme tout adolescent qui se respecte, il a été attiré par l’interdit et la subversion qu’apporte cette pratique qui donne la liberté d’écrire sur les murs de la ville. « Se retrouver face à un mur et pouvoir en faire quelque chose de grand m’éclatait. » Mais si le lettrage a été sa première forme d’expression, un univers plus personnel s’est ensuite ouvert à lui quand l’envie de donner un sens nouveau à sa pratique a émerger dans l’utilisation des bombes aérosol.

Le muraliste a choisi de transférer sur les murs ce qui l’intéresse : les gens, la rencontre. Et quoi de mieux que le portrait pour accrocher le regard des passants qui cohabitent avec ses œuvres ? Mais peindre qui ? Pourquoi ? Dans quelle mesure ? Comme un mur de street-art par essence éphémère, Swed Oner arpente les rues des villes inconnues à la recherche de la meilleure manière de parler à la population qui l’habite, de ses visages éphémères que l’on croise le temps de quelques minutes et auxquelles on ne prête pas toujours attention. « J’ai trouvé la source d’inspiration intarissable, je ne peux pas m’ennuyer. Les rencontres sont à chaque fois différentes, des gueules et des vies différentes. » Swed Oner cherche des visages qui le touchent et lui parlent, particulièrement dans les traits des personnes invisibilisées de la société. « Je ne sais pas vraiment si j’aime ce terme à la mode. C’est un jugement dur que l’on pose sur des gens même si c’est parfois une réalité », avoue-t-il avant de prolonger sa pensée : « Cette personne n’a peut-être pas beaucoup de lumière dans sa vie alors si je peux lui en apporter un peu avec mon travail. »

Son art se crée au gré des rencontres hasardeuses, guidé par l’instinct de celui qui tient le pinceau, son feeling et ses sensations. « Ça dépend de mon état d’esprit et de mon ouverture d’esprit du moment, dans quelle énergie je suis. » Il peut aussi s’agir d’une simple rencontre qui cache une autre destinée. « Je crois que ce n’est même pas moi qui décide. » À Rennes, Patrick est la première personne que Swed Oner a rencontrée, le premier visage familier qui l’a accueilli à la gare. Ce retraité s’occupe de la maintenance du MUR et est, au final, celui qui l’a le plus peint. C’est également lui qui a guidé l’artiste dans le centre, après que ce dernier soit revenu bredouille de sa première balade au milieu de la foule humaine due à la Grande Braderie. « Il a pris du temps avec moi, et les gens le font de plus en plus rarement. L’idée est venue avec nos échanges. »

« J’ai plaisir à retranscrire le monde tel que je le vois, d’abord avec mon appareil photo, puis avec mon pinceau. »

« Ce qui m’a le plus impressionné, c’est sa manière de travailler », souligne Patrick avec une expression admirative. « Il ne crée pas une grille pour les proportions, il regarde la photo et se lance. » Son expression habite la rue Vasselot dans un contraste de noir et blanc, les seules couleurs que Swed Oner utilise. Si ce choix s’explique par son côté « pratico-pratique », il confirme aussi le désir du muraliste de travailler autour de l’égalité, symbolisée généralement par une auréole, mais absente du portrait de Rennes, le chapeau en remplacement. « L’utilisation du noir et blanc gomme toutes les différentes couleurs de peau et permet de se concentrer sur une expression », exprime-t-il. « C’est une façon de traiter tout le monde de la même manière. »

Pour exprimer sa passion, Swed Oner part à la rencontre d’un autre type de public, celui qui adhère à la création d’oeuvres sauvages. « C’est dans ces moments que je prends le plus mon pied et la peinture qui m’intéresse », dit-il honnêtement. Dans cette création, il retrouve la liberté hors du cadre institutionnel et l’essence, quelque part, qui l’a amenée au graffiti. « On peut surprendre les gens et faire bouger certains a priori. Je me retrouve dans mon élément. Ce côté un peu subversif que j’avais avec le graffiti n’est pas complètement éteint en moi et heureusement », s’amuse-t-il.

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Photos prises par Monique Sammut