Dans le cadre de la saison culturelle France-Portugal organisée par l’Institut de France, le commissaire d’exposition Miguel Amado a été invité à Nantes pour organiser Une communauté imaginée. Visible jusqu’au 5 juin 2022 au Frac des Pays de la Loire, cette exposition représente une scène artistique portugaise singulière, où cinq artistes dialoguent tant avec l’histoire de leur pays qu’avec celle de la France.
Le titre de l’exposition, Une communauté imaginée, inspiré d’un ouvrage du sociologue Benedict Anderson, nous renvoie à cette idée qu’au-delà de la notion de pays, ce sont les réseaux et les échanges qui font véritablement la richesse de nos vies (contemporaines). Un constat rendu sensible dans cette exposition où les artistes, qu’ils soient basés ou non au Portugal, ont développé une relation complexe à leur pays natal et à son identité. Des problématiques qui, loin de s’enfermer dans le contexte national, débordent de son seul cadre pour toucher celui de la France, de l’Europe ou de plus loin encore.
Tous les artistes ont, au cours de leur périple, fait l’expérience de quelque chose qui, en France, est venu émoustiller leur intérêt pour donner naissance à une nouvelle œuvre. C’est ainsi qu’au volant de sa voiture, Sérgio Carronha est parti de chez lui pour rejoindre Carquefou, son chemin croisant moult grottes et sites préhistoriques tant au Portugal qu’en France et en Espagne. Fasciné par les formes de la nature et l’usage que l’on en fait, il récolte roches, bois, mais aussi constellations, rencontres et impressions. Toute l’expérience d’un voyage qu’il retranscrit sous la forme d’une installation poétique. Une symbolique archaïque à l’œuvre ici, mais bien différente chez Rita Sobral Campos. Passionnée de fictions spéculatives, celle-ci décèle dans les fresques de Luca Signorelli comme dans les chapiteaux de l’abbaye de La Sauve-Majeure des pulsions homo-érotiques, en particulier dans les représentations du jugement dernier. Là où la souffrance trahit l’extase s’ouvre une porte pour de nouvelles histoires subversives.
Des narrations qui, dans l’ensemble des pièces exposées, délaissent la figuration au profit de l’abstraction, du son, des documents et des plantes. C’est le cas de Mónica de Miranda dont les archives sonores mêlent diverses lectures de textes engagés, parmi lesquels des extraits de la conférence de Casablanca de 1961 contre l’impérialisme portugais. Une histoire qui évoque en filigrane celle de la France en Algérie. Considérant l’agriculture des colons portugais comme un appauvrissement des sols africains, entraînant des problèmes d’érosion, la terre devient un matériau précieux pour l’artiste qui l’utilise comme un symbole de lutte et de régénérescence.
A contrario des artistes précédents, le duo Musa Paradisiaca est venu sur un temps très bref et intense d’entretiens en France, avant de repartir travailler en studio au Portugal. Intitulés Rêve topiaire, ces enregistrements sont découpés comme ces arbustes que l’on taille de manière fantaisiste dans les jardins à la française, que l’on appelle justement topiaires. La bande-son hallucinatoire des Nantais interviewés vient alors hanter l’exposition quatre fois par jour, à l’instar de la face B d’un vinyle.
Depuis la révolution des Œillets et la chute du régime salazariste en 1974, la scène culturelle portugaise a bien évolué. Sa nouvelle génération d’artistes a dépassé la modernité et ses questions formelles au profit des problèmes de société, de culture, d’identité et d’histoire. Dès lors le Frac propose une vision singulière de cette jeune création moins pour brosser un portrait du Portugal, que pour questionner notre histoire commune. Un héritage parfois difficile qui jette néanmoins une lumière indispensable sur notre époque présente.
INFORMATIONS PRATIQUES
L’exposition Une communauté imaginée est visible jusqu’au 5 juin 2022 au Frac des Pays de la Loire au 21 Quai des Antilles 44200 Nantes.
Ouvert du mercredi au vendredi de 13h à 18h et du samedi au dimanche de 13h à 19h. Fermé le lundi et le mardi.
Tél : 02 28 01 50 00