Amateur éclairé ou nouveau bédéphile, les parutions exceptionnelles de fin d’année sont l’occasion de découvrir ou d’approfondir les bandes dessinées mythiques qui ont fait l’histoire du neuvième art. Pour tous les goûts et toutes les bourses.
Octobre et novembre sont pour les éditeurs de BD une période d’intense activité avec souvent plus de 250 publications par semaine. À l’approche de Noël, la politique éditoriale change et ce sont souvent des fins de cycle attendues des passionnés qui sortent ainsi que des Bd de référence qui se voient doter d’éditions spéciales ou intégrales. Bref de beaux ouvrages à la fabrication soignée qui méritent leur place au pied du sapin. Et dans les rayons incontournables d’une bibliothèque.
Deux séries appelées à devenir des classiques trouvent leur conclusion en cette fin d’année. La première « Madeleine Résistante » (1) a fait le bonheur des festivals, expositions, Prix depuis la sortie du tome 1 à l’été 2021. Fruit d’une rencontre des auteurs avec l’exceptionnelle Madeleine Riffaud, ces quatre tomes sont l’aboutissement de centaines d’heures d’enregistrement. sous la plume de JD Morvan, ils disent et montrent avec le dessin exceptionnel et unique de Bertail le refus d’une jeune fille de 17 ans qui a « reçu un coup de pied au cul d’un nazi » de se soumettre.
Prévue à l’origine dans un format plus réduit, cette série a reçu de multiples prix et figure dans la liste du Hors série de le Nouvel Obs, élisant les cent meilleures BD du XXI ème siècle. Une suite indépendante est attendue car Madeleine qui deviendra une « emmerdeuse professionnelle », décédée à l’âge de 100 ans en 2024, eut après guerre une vie aussi riche de reporter de guerre, de poétesse. Une exceptionnelle exceptionnelle qui ne demande qu’à être racontée, dans un autre cycle à venir.
Une autre série en quatre tomes vient de s’achever, le fameux « Château des animaux » (2), cette fable animalière politique dont le titre s’inspire directement du roman de La Ferme des Animaux de Orwell. Mais contrairement au pessimisme de l’écrivain britannique, le prolifique scénariste Dorison essaie de proposer des solutions optimistes.
Directement inspiré de ses modèles, Gandhi, Martin Luther King, Lech Walesa ou encore Nelson Mandela, il donne à espérer la victoire contre toute dictature grâce à une révolte non-violente. Ce dernier tome nous dévoile si cet optimisme fut vain ou réaliste. Le succès de la série tient aussi incontestablement au talent graphique de Delep, choisi par Dorison, alors que le dessinateur n’avait encore rien produit et sortait de ses études. Les files d’attente aux séances de dédicaces montrent combien ce choix fut judicieux. Une série majeure des dernières années.

L’immédiat après guerre coïncide avec le développement exceptionnel de ce qui s’appelle alors les « illustrés » et va devenir la Bande Dessinée. C’est à cette époque qu’apparaissent nombre de figures essentielles du neuvième art et leurs créateurs. L’année 2025 et les années à venir vont être l’occasion de fêter ces anniversaires avec des ouvrages historiques de référence. La formule la plus courante est la publication des « Intégrales », ces sommes éditoriales qui ont pour objectif de reconstituer l’histoire des BD mythiques.
La première d’entre elle est consacrée à Spirou et Fantasio par Franquin. Tome 1. L’intégrale 1946-1950 (3) avec un ouvrage sublime à la fois sur le fond et dans la forme, bénéficiant d’un tirage limité à 2000 exemplaires. Spirou est né avant guerre notamment sous le crayon de RobVel mais va prendre son ampleur historique avec le génial Franquin. Ici les premiers récits du groom apparaissent dans une version inédite restaurée et découpée depuis les planches originales. Ces pages devenues mythiques sont présentées dans leur découpage d’origine, pensées pour le journal Spirou, avec nombre de strips et de cases laissés de côté lors de l’édition en album. Ces dessins sont complétés par un grand dossier revenant sur les débuts de Franquin. Incontournable livre pour mieux connaitre le petit homme en rouge et son acolyte qui furent repris par tant et tant de scénaristes et dessinateurs après 1970. Feuilleter
Puisque nous sommes avec Franquin, restons-y avec un autre aspect moins connu de ce créateur dépressif, auteur des Idées Noires (4) publiées en 1977 et objet d’une exposition lors du dernier Quai des Bulles de Saint Malo. Ces planches en noir et blanc, regroupent des mini histoires, souvent d’une page, d’un humour … noir et grinçant. En exergue de l’exposition figurait cette phrase de Gotlib: « Lorsqu’après avoir lu une page d’Idées noires de Franquin, on ferme les yeux, l’obscurité qui suit est encore de Franquin ». Tout un programme que démontre un ouvrage ultime de Fluide Glacial, dans la collection Les Tirages Canal BD, qui regroupe des éditions précédentes des Idées Noires et un livre consacré aux origines des sketches. Un bijou collector, onéreux mais complet.


Franquin est décidément incontournable. Créateur également de Gaston Lagaffe, on le retrouve avec Spirou dans les tomes 2 et 3 de la remarquable et très accessible collection des « Hors Série. Histoires de BD » édités par Le Parisien Libéré-Aujourd’hui en France. Un quatrième tome est consacré ce mois-ci à un autre monstre de la BD : Peyo, et ses fameux « Schtroumpfs » (5), créés il y a plus de 65 ans, petits bonshommes bleus écologistes avant l’heure destinés aux grands comme aux plus jeunes. Un signe de qualité.
Cette collection débutait en 2022 avec un tome 1 consacré à Lucky Luke qui va fêter en décembre 2026 ses 80 ans ! Un âge avancé pour ce légendaire cow-boy créé par Morris qui va quitter son allure de personnage de Walt Disney pour s’amincir au fil des albums et prendre une envergure supplémentaire quand Goscinny assurera les scénarios à partir de 1955. C’est GéoHistoire qui lui consacre cette fois-ci un bel ouvrage historique Lucky Luke. Les secrets du cow-boy légendaire (6). Très complet, dans un grand format, le livre raconte la fabrique du héros en s’attachant ensuite à décrire le « petit monde de Morris et Goscinny » mais surtout reproduit et commente les « cases mythiques » entrées dans l’histoire de la BD. On ne peut oublier la BD clin d’oeil Dakota 1880 de Appollo et Brüno parue le mois dernier qui dévoile la jeunesse du cow-boy.
Autre cow-boy qui s’apprête à fêter son anniversaire : Blueberry. Certes beaucoup plus jeune, puisqu’on célèbre cette année le soixantième anniversaire de la publication du premier album Fort Navajo (7, feuilleter) qui fait l’objet d’une réédition bibliophile ce mois-ci, à partir des pages originelles de Pilote, enrichies d’un cahier explicatif et d’illustrations rares. Un indispensable pour les amateurs du genre auquel on peut adjoindre l’inédit Sur la piste de Blueberry (8, feuilleter) composé de courtes histoires écrites par 29 scénaristes et dessinateurs en hommage à Jean Michel Charlier er Jean Giraud, les créateurs. Une récréation parodique, historique, réaliste ou humoristique qui permet de retrouver sous des formes différentes, la séduisante Chihuahua Pearl ou le brave homme aviné Mc Cure ou le compère Red Neck.


L’humour est la tonalité principale des deux derniers ouvrages qualifiés d’« Intégrale ». Unidivers vous avait présenté la dernière enquête de Palmer dans le rouge tirée d’un scénario inachevé de Pétillon, finalisé et dessiné avec brio par Larcenet. L’occasion était trop belle de ne pas honorer la mémoire du créateur du personnage en publiant en cinq tomes l’histoire du détective raté à l’imperméable mastic. Le premier ouvrage couvrant la période 1974-1984 est édifiant et montre l’intérêt de ces BD rétrospectives. Feuilleter
En reprenant toutes les publications où figure Jack Palmer (9), le lecteur découvre le chemin parcouru par Pétillon tant au niveau du dessin fouillé, voire surchargé des débuts, que des scénarios proches du surréalisme et de l’irrationnel. C’est complet, magnifiquement reproduit et très éloigné sur le fond et la forme de l’Enquête Corse. Le deuxième tome sort début décembre.
La dernière « Intégrale », et de taille celle-ci, est consacrée à l’iconoclaste Gotlib (10), avec un premier ouvrage qui ne couvre que la seule année 1967, année charnière où le dessinateur aux grosses lunettes, alors en tandem avec René Goscinny (décidément omniprésent), signe les Dingodossiers, prémices de son humour absurde, tout en continuant d’écrire Gai-Luron, personnage flegmatique devenu culte. Un régal d’humour en décalage avec son époque. De nombreux dessins et illustrations jamais publiés en album complètent ces pages magnifiquement reproduites.

Cette modeste sélection espère vous donner envie de découvrir ou de mieux connaitre des albums mythiques du 9 ème Art, indissociables de leurs créateurs. Mais n’oubliez jamais: rien ne vaut le libraire de votre quartier pour finaliser votre commande auprès du Père Noël.
- Editions Dupuis (Tome 4 : 25€).
- Editions Casterman, parution 21 novembre 2025 (Tome 4: 19,95€)
Ces deux superbes séries peuvent s’agrémenter de coffrets intégrant les quatre volumes chez les libraires Canal BD. - Editions Dupuis : 55€
- Editions Fluide Glacial. Edition Canal BD, parution novembre 2025 : 60€
- 12,95€
- Editions Geo Histoire. 19,99€
- Editions Dargaud – parution 21 novembre 2025 : 26,95€.
- Editions Dargaud – parution 14 novembre 2025 : 21,50€.
- Editions Glénat – Tome 1 : 3 septembre 2025 / Tome 2 : 3 décembre 2025. 35€.
- Editions Dargaud/Fluide Glacial – parution 13 novembre 2025 : 34,90€.
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