La Ville de Ploërmel annonce la fin de la première partie des travaux du Sacré-Cœur suite à l’incendie de 2006. Il aura fallu treize ans de réflexion sur la restauration du bâtiment (désigné comme étant l’ancien couvent des carmélites) et d’importants travaux entrepris fin 2019 pour entrevoir le bout du tunnel… Retour sur quatre siècles d’histoire qui racontent l’ancien couvent des carmélites.
La première partie des travaux du Sacré-Cœur de Ploërmel s’achève : elle concerne la chapelle qui accueillera des concerts, le chœur des moniales qui devient une salle d’exposition, le retable, la sacristie qui sera dédiée aux loges, aux vestiaires et aux sanitaires pour le public, l’aménagement des jardins et celui d’une liaison urbaine. Actuellement, et après la pose du carrelage, les dernières finitions sont à l’ordre du jour, notamment l’achèvement des installations électriques et la mise aux normes en rapport avec la sécurité. L’ouverture au public, tant attendue par les Ploërmelais, est prévue après les fêtes de fin d’année, fin janvier 2023 au plus tard.
Dans la nuit du 1er au 2 mars 2006, une allumette criminelle vient effacer 400 ans d’histoire et de patrimoine ploërmelais. Le Sacré-Cœur brûle ! Les sirènes retentissent et les pompiers accourent. Le bilan est lourd : 75% des 4 500 m2 de l’établissement sont ravagés par les flammes.
Une aide inattendue mais précieuse est venue encourager la municipalité à démarrer les travaux de restauration fin 2019. Sélectionné au loto du patrimoine, le Sacré-Cœur, pour le département du Morbihan, fait partie des 103 sites choisis pour la Mission Patrimoine en Péril confiée puis orchestré par Stéphane Bern.
Après la démolition du bâtiment, le chantier a demandé une maçonnerie exigeante afin de réhabiliter la chapelle et du chœur des religieuses. La chapelle, dont les murs s’élèvent à 11 m et le pignon central à 17, sera consacrée à l’organisation de concerts. « Son mur nord en maçonnerie enduite repose sur un soubassement de granit en partie basse. Pour la partie haute, les compagnons qui restaurent la chapelle emploie de la pierre de tuffeau, qui provient des carrières de Maquignon (commune de Haims dans la Vienne) », explique Jacques Mikusinski, adjoint au maire chargé des finances, mais surtout passionné par le patrimoine notamment sur ce projet.
La porte d’accès au nord est surmontée d’un fronton cintré orné et d’un blason en tuffeau. Le pignon occidental s’inscrit quant à lui dans la tradition des façades baroques jésuites.
L’enduit disgracieux du registre supérieur a disparu au profit d’un enduit à la chaux et le frontispice retrouve sa forme cintrée d’origine. On note la présence de quatre pilastres couronnés de chapiteaux ioniques qui encadrent un grand portail en plein cintre. Jacques Mikusinski ajoute : « La magnifique et impressionnante charpente est réalisée en chêne massif et on retrouve en action la société Cruard Charpente de Simplé (Mayenne). Elle était déjà intervenue en 2007 après l’incendie pour limiter au maximum les détériorations sur les charpentes qui risquaient à ce moment-là d’emporter l’ensemble de l’édifice ».
La toiture en ardoise a été posée au clou par une équipe spécialisée et compétente avec un savoir-faire comme l’exigent les monuments historiques. Sur la façade sud, on constate la présence d’une croix cimentée dans l’emplacement qui fût autrefois le cimetière des religieuses.
Quatre siècles de péripéties et de changements
En 1627, quatre carmélites du couvent de Nazareth de Vannes s’installent au nord de la rue des Forges dans une maison à l’angle de la voie menant au Bignon. Elles sont en charge de l’édification du couvent. Le monastère des Carmélites est construit à Ploërmel sur un terrain vague inoccupé entre 1630 et 1645.
Les bâtiments sont regroupés autour d’un cloître carré avec huit arcades en plein cintre de chaque côté, séparés par des piliers de granit. Au rez-de-chaussée se trouvent la cuisine, le réfectoire, la salle capitulaire et les parloirs. Le premier étage est réservé aux cellules des religieuses, à la lingerie et à l’infirmerie. L’intérieur reste très simple, fidèle aux vœux de pauvreté de ses occupantes. Seul le réfectoire offre de magnifiques boiseries avec un lourd poutrage au plafond. Au-dessus se trouvent les greniers avec les fenêtres des mansardes en granit massif.
En 1649, les ailes Est et Nord sont achevées à leur tour et la date est inscrite sur le linteau de la porte de la maison du chapelain.
En 1680, la chapelle dédiée à Notre-Dame des sept douleurs est construite en forme de croix, bâtie dans le style renaissance par l’architecte rennais Jean Gruau. Sa façade en pierres blanches sculptées est remarquable. À cette époque, le monastère est prospère. Il compte 59 religieuses en 1729. Les Carmélites vivent des dons des fidèles et des dots apportées par les nouvelles religieuses.
Mais sous la Révolution française il ne reste que seize carmélites accablées par les charges et couvertes de dettes. La question d’utiliser cet établissement pour l’État se pose alors. Les religieuses quittent le couvent le 28 septembre 1792. Elles n’emportent avec elles que leur linge et le mobilier de leur cellule. Certaines rejoignent Taupont, Gaël et Campénéac (Morbihan), d’autres s’éloignent à Nantes (Loire-Atlantique) et Lannion (Côtes du Nord). Des changements de résidents s’opéreront année après année : en 1793, le monastère sert de garde-meubles et de magasins à grains ; en 1794, on y installe l’école des jeunes citoyennes ; en 1798, c’est au tour de la gendarmerie de s’y poser et dès lors les chevaux envahissent la cour.
L’arrivée des Ursulines :
En 1811, sous Napoléon 1er, une vingtaine de religieuses dites les Ursulines emménage et crée un lieu d’éducation pour jeunes filles. Les bâtiments sont rénovés grâce aux dons. On assiste à d’importantes transformations : un étage supplémentaire dans la maison du Chapelain, le rajout d’un prolongement à l’aile nord du cloître qui accueille un pensionnat. Les cellules deviennent des dortoirs et des salles de classes.
En 1821, 130 jeunes filles y suivent l’enseignement des religieuses. Tout au long du 19ème siècle, des dépendances et des annexes sont construites
Mais entre 1880 et 1900, les Ursulines sont inquiétées par les nouvelles lois sur la gratuité des écoles et la laïcité. L’établissement est fermé le 1er octobre 1904. Les dernières religieuses qui résistaient encore en demeurant au couvent sont expulsées le 13 novembre 1906 par la loi de séparation de l’Église et de l’État.
Sept ans plus tard, le lieu est en vente et trouve un acheteur bienfaiteur, un ami des Ursulines. Ce dernier crée le pensionnat du Sacré-Cœur, en 1913, dans lequel les élèves sont demi-pensionnaires ou pensionnaires. Dix ans plus tard, les portes s’ouvrent aux élèves externes.
Les Filles de Jésus de Kermaria :
Pendant la Première Guerre mondiale, les soldats français et américains se partagent une partie des bâtiments. En 1919, la communauté des Ursulines se reforme, mais elle est de nouveau dissoute en juillet 1932. Elles cèdent la place à une nouvelle fondation : celle des Filles de Jésus de Kermaria. La rentrée scolaire de 1932 se fait avec 38 internes.
Arrive la Seconde Guerre mondiale et, avec elle, les réfugiés de l’Est de la France et ceux de la région parisienne. Ils trouvent à se loger au Sacré-Cœur. En 1941, malgré l’occupation de plusieurs bâtiments par l’ennemi, un cours secondaire est ouvert. En 1943, on totalise 130 internes. Le 6 juin 1944, jour du débarquement allié, toutes les élèves quittent l’école, car des rumeurs annoncent un bombardement sur la ville. Il a lieu le 12 juin et le Sacré-Cœur est bien touché… Les dernières religieuses doivent fuir.
Elles intègrent à nouveau les lieux le 22 août suivant pour pallier aux dommages causés, tout nettoyer et assurer la rentrée scolaire de 1944/45. Le réfectoire est remplacé et aménagé dans une baraque.
De l’après-guerre jusqu’à l’incendie de 2006 :
Les années d’après-guerre sont prospères. En 1950, on crée des chambres et des sanitaires. Quatre cours primaires sont enseignés à l’école Saint-Joseph, juste de l’autre côté de la rue. Les cours de la 8ème à la classe de philosophie sont donnés dans l’enclos du Sacré-Cœur. De nouveaux programmes voient le jour : enseignement commercial, sections industrielles et ménagères.
En 1953 la chapelle, cruellement endommagée par les bombes en juin 44, est rénovée, voûte et vitraux également, mais son fronton occidental n’est pas restitué à l’original. L’année suivante, l’ancien stade fait place à des cours de tennis, de basket et de volley-ball. On ouvre aussi une école technique. À la fin des années 50 et au début des années 60, on construit de nouveaux bâtiments.
En 1974, le collège accueille les garçons pour la première fois ! C’est l’heure de la mixité de la classe de 6ème à la classe de 3ème. En 1996, la commune de Ploërmel rachète le Sacré-Cœur.
En 2009, deux ans après le terrible incendie, Les Filles de Jésus de Kermaria cèdent leur tutelle au diocèse de l’Enseignement catholique.
La chapelle ouvrira aux visiteurs courant janvier 2023. Son inauguration officielle avec la visite des jardins du Sacré-Cœur est prévue à la fin du premier trimestre 2023, en présence des élus et de la population.
L’accès à la chapelle pourra se faire depuis la mairie ou par la rue Sénéchal-Thuault, qui sera alors plus dégagée et équipée aux normes de sécurité actuelle, notamment avec une rampe PMR (Personnes à Mobilité Réduite). L’occasion de cette rencontre mettra l’accent sur l’étendue de la tâche qui restera à accomplir après cette date.
La seconde partie de la restauration commencera, une fois les fonds nécessaires collectés. Elle comprendra les travaux du cloître et de sa maison attenante, construits tous les deux en 1645 et rehaussés au 19ème siècle.
Pour d’autres renseignements :
Hôtel de Ville de Ploërmel : 02 97 73 20 73 ou https://www.ploermel.bzh/