Clément Baloup est un dessinateur et scénariste très particulier dans l’univers de la Bande-Dessinée française. Son œuvre est centrée sur la diaspora vietnamienne issue de la guerre qui lui tient à cœur : les Viet Kieu. Quitter Saigon s’inscrit dans cette optique comme le premier volume d’une série en construction, Mémoire de Viet Kieu.
D’abord sorti en 2006, Quitter Saigon s’est vu augmenté d’un nouveau témoignage en 2011. Il fait suite à Un Automne à Hanoi où l’auteur découvrait avec émerveillement le Vietnam, pays de ses parents qu’il n’avait pas connu. Cette fois, il part interviewer des Viet Kieus, des Vietnamiens qui ont fui leur pays durant la guerre d’indépendance et qui ne l’ont parfois jamais revu. Clément Baloup retranscrit en mots et images dans quatre récits des entretiens qui dévoilent des expériences ô combien différentes.
Si Baloup s’était associé au dessinateur Jiro dans d’autres œuvres (La Concubine Rouge, Le Chemin de Tuan), il a préféré prendre lui-même la plume et le pinceau dans ces ouvrages plus personnels. Nous sommes à la frontière de la bande dessinée et de la peinture. Le dessin prend des accents naïfs, parfois avec un soupçon de maladresse qui touche et rappelle l’enfance.
Il s’agit bien de souvenirs d’enfance et d’adolescence qui dépeignent un Vietnam colonisé par les Français ou envahi par les Américains ou les Japonais. Baloup montre la vie actuelle de ces Vietkieus tantôt nostalgiques, tantôt résignés. Il montre les dérives de ces « libérateurs » qui emprisonneront et tortureront les leurs dans des camps de rééducation, les promesses non tenues des colonisateurs… Mais dans ce récit sensible et coloré, ce qui frappe est la rupture violente de l’insouciance de l’enfance, les sacrifices des parents pour protéger leurs enfants. Souvent en vain.
Un livre petit format et un témoignage-clé pour des millions d’hommes et de femmes qui un jour ont quitté leur pays. Ces 4 témoignages en appellent évidemment d’autres. À venir dans un second volume, mais aussi dans une collection de ce petit éditeur atypique. La bande dessinée y montre, une fois de plus, sa richesse, autant dans le style que dans les sujets.
Quitter Saigon de Clément Baloup, Edité par La Boite à Bulles dans la collection Contrecœur : 96 p., 17€