La salle Jarry, petit espace situé sous les sols de l’Université Rennes 2, a vu beaucoup d’essais, d’expériences, de tentatives théâtrales. C’est un lieu où les connaissances des étudiants se confrontent aux problématiques du plateau : « ça donne quoi, en vrai » ? Les étudiants se lancent, s’envolent ou s’écrasent, mais la plupart du temps il s’est « passé quelque chose ».
« Chien jaune un peu rongé, par ailleurs neuf » n’est pas une perle de lolannonces.fr : c’est le titre du spectacle présenté par le laboratoire d’expériences théâtrales étudiantes T.A.R.T.E. À travers cette présentation, le public a pu (re)découvrir les écrits de Witold Gombrowicz. Les extraits choisis de son journal interrogent le spectateur sur sa relation à autrui, mais aussi à la nature et au monde animal. Conscience de la bestialité, conscience de l’animal qui fait face à l’être humain, angoisse de l’homme face à des théières (pardon ?) : autant de questions que l’auteur et l’équipe créatrice traitent avec gaieté et sincère étonnement. Quitte à avoir peur du regard d’une vache, autant en parler avec humour…
La mise en scène et la scénographie placent le jeu et le combat au centre du spectacle. Peu d’éléments plastiques sont présents sur le plateau et pour la plupart, ils suggèrent la confrontation. Ainsi lorsqu’un combat de boxe entre Science et Art nous est proposé (double K.O à la clef), son espace est dessiné par un simple pylône du ring. De même, c’est au court d’une partie d’échecs qu’un personnage choisit son moment pour déplorer l’idée de l’homme montant à cheval (un animal sur un autre animal, n’est-ce pas, au fond, quelque chose d’absurde ?).
Ainsi les acteurs ont beau déclamer des extraits d’un journal (et donc de réflexions d’un auteur), le public a bien en face de lui des protagonistes, des personnages qui disputent l’agon. Les scènes se répondent, résonnent les unes avec les autres. Certaines propositions sont drôles, mais on rit peu : même traités avec humour, il est toujours un peu angoissant de réfléchir à des sujets dotés d’une forte charge existentielle. Doit-on ressentir de l’empathie pour l’animal ? A-t-il une conscience ? À quel point l’homme doit manipuler ses congénères ? Est-ce inévitable ? Si l’homme est le seul animal doté de conscience, alors est-il le seul témoin de la réalité ?
Dans ce vivier de questions, l’une se distingue : il s’agit de l’affrontement entre art et science. La scène a beau être bien traitée en elle-même, elle fait sortir le spectateur de son introspection. Mis à part ce hors-sujet un peu récréatif, les mots de Gombrowicz ont été dits et entendus, pour le plaisir du spectateur et de l’être humain.
La salle Jarry a une date de vie limitée, mais Rennes 2 restera longtemps un lieu d’expériences artistiques. Les prochains événements théâtraux y auront lieu du 11 au 23 mars 2013 pendant le festival « Entrez dans l’Arène » qu’Unidivers Mag ne manquera pas de relayer. Parmi les spectacles proposés, on retrouvera des réflexions sur les rapports humains dans Pour rire pour passer le temps avec le collectif de la Foule qui Vrille ou encore avec Je suis venu vous voir de Tanguy Birot.
Elsa Borrel