La Ville blême donne à voir de courts instants arrachés à la vie de quelques jeunes stoppeurs russes. Ces dernières découvrent leur vaste pays mais aussi la manière personnelle avec laquelle ils perçoivent la vie et l’orientation qu’ils souhaitent leur donner. La Ville Blême d’Igor Saveliev est une road-story aux teintes crépusculaires mais pleines d’espoirs.
La Ville blême, c’est ici Oufa, capitale de la République de Bachkirie. C’est la grande Russie, la Sibérie, les traces antiques des pèlerins et des déplacés, des nomades et des exilés… Les histoires de route vont bien aux vastes contrées. Aux pays qui semblent presque ignorants de leurs limites. Dont l’ampleur semble rendre flous les contours. Pour nombre de jeunes Russes, c’est l’ivresse d’un pèlerinage sans fin et sans but autre que la découverte et les sensations qui l’accompagnent.
Sans nulle grandiloquence, dans la ville blême, des existences se croisent. Et, dans l’éclat d’un instant s’éclairent mutuellement de leur mutuelle singularité. Elles se reconnaissent mais ne se laissent pas arraisonner. Malgré l’éclair de l’affection naissante, c’est toujours dans l’arrachement et le détachement que se poursuit la route. Igor Saveliev nous promène donc de route en route, de personnage en personnage. L’hôte Skvaer, en rupture familiale et scolaire, Nikita et Vadim, à la fois naïfs et aguerris stoppeur, et puis Nastia, impétueuse voyageuse solitaire… Tous grands enfants déraisonnables et courageux.
Dans un style détaché, empreint de tendresse et non dénué d’ironie, Saveliev (lui-même grand adepte du stop) lève un tout petit coin sur les vies voyageuses et la rencontre de ces êtres en recherche, sans grandes ambitions, mais déterminés à arpenter la terre qui les a faits et les porte. Et à en mesurer les possibles. C’est un coup d’oeil furtif, prestement dépeint avec une allégresse détachée que nous offre Igor Saveliev. Un coup d’oeil sur cette jeunesse qui n’a pas désespéré de l’enchantement toujours renouvelé du voyage le plus simple, le plus rudimentaire et le moins touristique possible.
Igor Saveliev, La Ville Blême, (traduit du russe par C. Firoux et I. Sokologorsky), éditions de l’Aube, 2013, 139 pages, 7€
Igor Saveliev est né en 1983 à Oufa où il a étudié la philologie et l’histoire de la littérature. Il est aujourd’hui journaliste et enseignant. Son texte La Vile Blême à reçu le prix de la Fondation Début pour la nouvelle littérature russe.