Pour son premier roman, Sébastien Rutés frappe fort : un style remarquable, un humour décapant, une fresque historique plus vraie que nature, une intrigue menée tambour battant.
Résumé :
Paris, 1899 : la révolte gronde, les anarchistes fomentent des complots, et Oscar Wilde attend son heure de gloire… Dans cet univers baroque, Nino Bucchieri mène l’enquête sur une affaire de mœurs bien étrange : des femmes meurent des suites de piqûres d’aiguilles faites à leur insu dans les tramways.
Mon avis : Un coup de cœur ! À offrir aux amateurs de belles lettres… et aux anarchistes.
Sébastien Rutés a une plume bien affûtée, en témoigne ce premier ouvrage. Certes, la lecture est ardue tant le style est dense, riche, foisonnant. L’auteur en rajoute en usant et abusant du langage populaire propre au milieu ouvrier du XIXe siècle, au détriment parfois de la sérénité du lecteur. Mais diable : quelle prose ! Sébastien Rutés fait preuve d’une véritable richesse stylistique qui séduira les amateurs de littérature et les poètes.
Pour autant, l’auteur ne néglige pas l’intrigue et plonge le lecteur dans un vrai polar haletant, dont les évènements se succèdent sans temps mort, le tout porté par des personnages hauts en couleur. Cependant, l’histoire pâtit à la longue de ce rythme effréné et du nombre de protagonistes : il devient difficile de suivre la trame du récit.
On savoure le mélange d’éloquence et de gouaille parisienne qui pimentent le roman, particulièrement l’humour désopilant et la verve inénarrable d’Oscar Wilde…
Voilà un jeune auteur à découvrir et à suivre!
À conseiller si…
… vous aimez rire. Oscar Wilde est magistral, chacune de ses phrases est un bijou humoristique et on se plait à rire à gorge déployée aux sorties truculentes du vieux poète.
… vous avez envie de renouer avec la belle littérature.
Extraits :
On vous aura prévenu :
“- Mézigo, je t’valdingu’rais ces gavés, pis les arguches par-’sus l’marché ! Pou’ tapé s’rait tapé!” a conseillé un vieux dynamitard barbu, nostalgique des années de terreur.
Oscar Wilde en grande forme :
– […] Je suis marié, figurez-vous, et si la pierre de touche du mariage est le malentendu mutuel, je vous assure que le mien fut des plus conformes. Ce cher Abraham, un homme dont la plus grande qualité est de s’en trouver de nombreuses, a d’ailleurs toujours entretenu de meilleures relations avec ma femme qu’avec moi-même, ce qui est le premier dévouement que l’ont peut attendre d’un ami dans mon cas… Ils ont essayé de m’enrôler, mais j’ai trouvé trop inélégants leurs costumes rituels. Ces gens professent une doctrine qu’ils supposent héritée de je ne sais quel ordre teutonique, matinée d’un fatras de croyances cabalistiques, celtes, rosicruciennes, égyptiennes, hermétiques, maçonniques, et Dieu seul sait quels autres iques propres à griser de vieilles comtesses férues d’histoires de fantômes écossais, de fées à la Conan Doyle et de sexualité de groupe…
– Et quel rapport avec notre affaire?
– Aucun je crois, mais vous me demandiez…
[stextbox id= »info » color= »000066″ bgcolor= »ffff00″] Sébastien Rutés, Le linceul du vieux monde, Atinoir / L’Ecailler du Sud, octobre 2008, 173 pages, 12 €[/stextbox]