C’est en août que la rentrée littéraire dévoile ses beaux atours. De la mi-août à la mi-octobre, 521 romans débarqueront en librairie. Sans retrouver le niveau de 2019, c’est toutefois une très légère hausse par rapport à l’an dernier. Cette année, la rentrée littéraire s’équilibre entre valeurs sûres et découvertes. Parmi les 379 romans français, vous trouverez des auteurs confirmés, mais aussi 75 premiers romans. La rentrée étrangère est un peu réduite avec 142 romans traduits.
Pas de rentrée littéraire sans Amélie Nothomb qui publie chez Albin Michel son trentième roman. Premier sang se résume par la phrase habituellement énigmatique de la quatrième de couverture « Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. »
Parmi les ténors de la littérature française, vous aurez plaisir à retrouver Sorj Chalandon avec Enfant de salaud (Grasset, 18 août 2021). Le narrateur a toujours pensé que son père était un résistant, mais il apprend qu’il a porté l’uniforme allemand pendant la guerre. C’est au cours du procès de Klaus Barbie que ce fils devenu journaliste apprend le passé de son père, un traître quatre fois déserteur de quatre armées différentes. L’homme devra enfin s’expliquer sur ses mensonges.
David Diop a rencontré un franc succès avec son roman Frère d’âme en 2018. La porte du voyage sans retour (Seuil, 19 août 2021) est le surnom donné à l’île de Gorée, d’où sont partis des millions d’Africains au temps de la traite des Noirs. S’inspirant de la figure de Michel Adanson, naturaliste français (1727-1806), David Diop signe un roman éblouissant, une quête obstinée d’un botaniste à la recherche d’une jeune Africaine évadée promise à l’esclavage.
Chaque roman de Nathacha Appanah est une promesse de découverte sous une belle écriture sensuelle et poétique. Après la mort de son mari, Tara plonge dans le chagrin et la solitude. Mais elle est aussi rattrapée par les démons de son passé avec la résurgence d’une histoire qu’elle croyait étouffée. Rien ne t’appartient (Gallimard, 19 août 2021) est un roman fort, implacable dans lequel Tara devra aller au plus profond d’elle-même pour préserver son intégrité.
Avec Pleine terre (Actes sud, 19 août 2021), Corinne Royer, dans une langue poétique et vibrante rend hommage au monde paysan. Jacques Bonhomme, intelligent, travailleur, engagé pour une approche saine de la terre et des bêtes est contraint par l’administration à dénaturer son savoir-faire pour une production de masse. Dépossédé de ses rêves, il oscille entre désespoir et révolte. Inspiré d’un fait divers dramatique, ce roman aussi psychologique que politique pointe les espérances confisquées et la fragilité des agriculteurs face aux aberrations d’un système dégradant notre rapport au vivant.
Couronnée de nombreux prix pour son premier roman, Là où les chiens aboient par la queue (Liana Levi, 2018), Estelle Sarah-Bulle confirme son talent avec la reconstitution de l’histoire du film Orfeu Negro, Palme d’or à Cannes en 1959. Les étoiles les plus filantes (Liana Levi, 26 août 2021) se déroule en 1958 dans les quartiers pauvres de Rio de Janeiro. L’auteur recrée la vie de l’époque, faisant la part belle à la création artistique avec le travail des acteurs et des musiciens, mais s’attache aussi à dévoiler l’envers du décor en inventant des intrigues en pleine guerre froide. Un grand roman sous le signe de la Nouvelle Vague et de la bossa nova.
Autres romans très attendus : Femme du ciel et des tempêtes (Actes Sud) de Wilfried N’Sondé, Au printemps des monstres (Mialet Barrault, 19 août 2021) de Philippe Jaenada, Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance (Viviane Hamy, 19 août 2021) de Céline Lapertot. Parmi les auteurs moins connus ou les primo-romanciers, voici quelques titres qui méritent le détour. Avec Ouvre ton aile au vent (Phébus, 19 août 2021), Eloi Audoin-Rouzeau propose un conte post apocalyptique autour d’un lâcher de canards qui ne manque pas de nous faire réfléchir sur la solidarité nécessaire face aux foules sauvages.
Pour son premier roman, Isabel Gutierrez met en scène l’Ubasute (La fosse aux ours, 19 août 2021), cette tradition ancestrale du Japon qui voulait qu’on abandonne en montagne une personne en fin de vie. Marie, en phase terminale, demande à son fils Pierre de la porter sur la montagne sous le Grand Rocher. En chemin, assise dans le dos de son fils, elle confie ses souvenirs. Un roman lumineux, hymne à la beauté et la cruauté de la vie.
Anne-Lise Avril nous conte les rencontres et séparations successives de Liouba, journaliste qui parcourt le monde à la recherche de reportages sur le changement climatique et Talal, un photographe qui suit les populations réfugiées. Les confluents (Julliard, 19 août 2021) est un roman grave et mélancolique autour de deux êtres que les enjeux du monde contemporain éloignent, déchirent et réunissent tour à tour. Un roman qui laisse une belle place à la nature et à la sauvegarde de l’environnement.
Vous entendrez peut-être parler de ces autres primo-romanciers : Alain Mascaro avec Avant que le monde ne se ferme (Autrement), Julie Ruocco avec Furies (Actes sud ), Antoine Dole avec Six pieds sur terre (Robert Laffont) ou Marie Vingtras avec Blizzard (Editions de l’Olivier).
En littérature étrangère, Lorsque le dernier arbre (Albin Michel, 18 août 2021, traduit par Sarah Gurcel) du Canadien Michael Christie est une grande fresque familiale. En 2038, les vagues épidémiques du Grand Dépérissement ont décimé tous les arbres transformant la planète en un désert de poussière. L’un des derniers refuges est une île boisée au large de la Colombie-Britannique, qui accueille des touristes fortunés venus admirer l’ultime forêt primaire. Jacinda y travaille comme guide. Lorsqu’elle apprend qu’elle est la descendante d’un magnat du bois à la réputation sulfureuse, elle nous entraîne dans le passé d’une famille au destin assombri par les secrets et intimement lié à celui des forêts. Un roman social et écologique qui fait écho aux bouleversements actuels.
Après l’obtention du prix Nobel de littérature en 2017, Kazuo Ishiguro nous offre un nouveau chef-d’œuvre. Klara et le soleil (Gallimard, 19 août 2021, traduit par Anne Rabinovitch) nous parle d’amitié, d’éthique et d’altruisme. Klara, robot de pointe ultra performant destiné à tenir compagnie aux enfants et adolescents, patiente derrière sa vitrine. En attendant que quelqu’un la choisisse, elle observe les passants. Lorsqu’elle entre dans une famille, elle utilise le soleil, son espoir d’enfant, sa confiance en la bonté pour tenter de sauver les humains du chagrin. Pourquoi les humains se sentent-ils si seuls ? Peut-on apprendre à aimer ? Autant de questions que nous nous poserons avec Klara au cours de sa mission.
Avec une plume plus incisive que jamais et un humour ravageur, Lionel Shriver nous donne Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes (Belfond, 19 août 2021, traduit par Catherine Gibert), un roman explosif sur un couple de sexagénaires en crise, dressant au passage un portrait mordant de nos sociétés obsédées par la santé et le culte du corps.
Pour les premiers romans étrangers, retenons celui de Cherie Jones. Et d’un seul bras, la soeur balaie sa maison (Calman-Levy, 18 août 2021, traduit par Jessica Shapiro) est le portrait poignant de deux femmes que tout oppose, blessées depuis des générations. Lala vit pauvrement dans un cabanon de La Barbade avec un mari violent. Son destin croise celui d’une femme qui perd son mari, à la suite d’un cambriolage dans sa luxueuse maison. Derrière des paysages caribéens de rêve, ce récit montre comment deux femmes vont pouvoir surmonter leurs traumatismes.
Parmi les sorties poche, on retrouve Nathacha Appanah avec Le ciel par-dessus le toit (Folio, 19 août 2021) et Corinne Royer avec Ce qui nous revient (Babel, août 2021), deux drames familiaux particulièrement sensibles.
Côté littérature étrangère, ne ratez pas la sortie d’Apeirogon (1018, 19 août 2021, traduit par Clément Baude). Ce grand roman de Colum McCann campe deux hommes, un Palestinien et un Israélien, ayant chacun perdu une fille dans le conflit israélo-palestinien. Dans cette oeuvre atypique, les deux hommes se confient et se réunissent pour faire vivre la paix.