La saison 2014-2015 du Centre Européen Théâtral et Chorégraphique, dit Théâtre national de Bretagne (TNB), a été dévoilée. Si la direction de la scène rennaise n’a pas fait le choix d’une rupture avec une ligne programmative et idéologique trop auto-centrée depuis des années, elle entame toutefois une certaine ouverture à l’autre contemporain. Tour d’horizon des neuf créations et quatorze coproductions présentées.
Sous l’œil attentif du nouvel élu à la Culture, Benoit Careil, François Le Pillouër, directeur du TNB, a présenté les grandes lignes de la saison 2015 le mardi 17 juin, rue Saint-Hélier. C’est un habitué des planches rennaises qui l’ouvrira, du 30 septembre au 12 octobre : Phlippe Decouflé revient avec une création nommée Contact.
De fait, la majeure partie des artistes programmés cette année sont déjà connus du TNB et de son public. « Celui-ci c’est la quatrième fois que le TNB le programme, celui-là c’est la deuxième fois… » se gargarise François Le Pilouer. Une continuité de l’offre qui réjouira un certain gotha mais finira de lasser une partie du public.
Le gros de la programmation tourne autour de quelques grands classiques, avec un espace réduit pour les auteurs de théâtre contemporain. Shakespeare sera joué deux fois avec la reprise d’Henry VI par Thomas Jolly en novembre (la pièce dure 17 heures avec 7 entractes) et La mégère apprivoisée par la Rennaise Mélanie Leray avec Philippe Torreton en janvier. Quant à la reprise de La vie de Galilée de Brecht par Jean-François Sivadier, elle aura lieu au mois de décembre. On trouve aussi Tchekhov (avec la reprise d’Oncle Vania par Eric Lacascade, nouveau directeur des comédiens du TNB), Racine, Balzac, Marivaux, Molière.
Quelques innovations contemporaines sont heureusement présentes. Il en va ainsi notamment du Projet Luciole qui mêle théâtre et philosophie : en s’appuyant sur des textes célèbres, les deux interprètes, Nicolas Bouchaud et Judith Henry, développent une pensée qui s’annonce tourbillonnante. Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, mis en scène par Julien Gosselin en 2013, sont elles aussi attendues. Quant à l’actuel et à l’ancien directeurs des comédiens du TNB, autrement dit Stanislas Nordey et Éric Lacascade, ils dirigeront ou joueront dans deux créations, Affabulazione de Pasolini et l’inattendue Revue rouge : « des chansons rouges, prolétariennes, engagées, militantes »…
De fait, la saison 2014-2015 du TNB continue à privilégier une grille de programmation à visée idéologique, en l’occurrence cette année la montée du fascisme dans les années 30. Bien sûr, toute ressemblance avec la période contemporaine en France et en Europe ne serait que pure coïncidence… La pièce Hinkemann mise en scène par Christine Letailleur (avec Charline Grand et Stanislas Nordey, ancien directeur de l’école des comédiens du TNB, passé par Nancy et récemment nommé à Strasbourg) sera jouée en octobre et traite le fascisme à travers le prisme d’un soldat blessé durant la Première Guerre mondiale qui tente de se reconstruire. Rhapsodie démente mêle, dans un autre genre, danse, musique, théâtre et arts plastiques afin d’aborder la période de l’entre-deux-guerres également en résonance avec l’époque contemporaine.
À noter que le TNB fait montre cette année d’une attention à l’endroit des artistes bretons – manière d’encourager la création locale, comme le souhaite une partie du public et de la classe politique. Ainsi Chloé Moglia, installée du côté de Landerneau, viendra présenter un spectacle circassien de trapèze dans le cadre de Mettre en Scène. Yann-Fañch Kemener proposera, quant à lui, un concert-spectacle en juin 2015 intitulé Nous irons pleurer sur vos tombes traitant du ressenti des soldats de la Grande Guerre.
Eu égard aux années précédentes, la saison 2015 du TNB s’annonce moins dévolue à une répétition du même, voire du « m’aime ». On ne peut que se réjouir de cet infléchissement. Sans tomber dans un naricsisime de la modernité, la découverte de jeunes talents devrait constituer une priorité. Notamment pour des équipements culturels qui reçoivent d’importantes subventions afin d’assurer le rôle d’intermédiaire entre le public et de nouveaux créateurs, dont les oeuvres sont en attente d’être découvertes, partagées, critiquées, commentées, conspuées, aimées. Une médiation culturelle curieuse et audacieuse. L’imagination au pouvoir, en somme.
La programmation complète est disponible sur www.t-n-b.fr La présentation de saison au public a lieu aujourd’hui à 19 h au TNB. Ouverture des abonnements le 24 juin.
Chloé Rébillard et Nicolas Roberti
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Programme de la Saison du TNB 2015 : Une certaine évolution