Firenza Guidi présente Bianco aux Tombées de la nuit 2014

Depuis sa création en 1986, le Nofit State Circus, s’est imposé comme pionnier du cirque nouveau. Sise à Cardiff au Pays de Galles, la troupe joue la carte de l’insertion dans la ville et la vie urbaine. Elle ne cesse d’interroger la relation entre pratique circassienne et implication territoriale. Après TABU en 2008 la compagnie, forte d’une quarantaine de personnes (artistes, musiciens, techniciens, partageant une volonté authentique de vie en commun) investit à nouveau avec BIANCO Les Tombées et installe son chapiteau argenté pour onze représentations sur l’esplanade Charles de Gaulle. (Voir toutes les dates de ce spectacle.)

Bianco, Nofit State, Firenza Guidi

Le spectacle BIANCO « grand voyage à l’intérieur et à l’extérieur de nous-mêmes » oscille entre concert de rock, théâtre contemporain et haute voltige. Jouant sur le gigantisme, les mouvements incessants et le chaos organisé de ce maelström circassien interroge nos rapports aux espaces paradoxaux de la modernité, toujours plus vastes et mouvants, quand bien même ils semblent réduire les distances…

Cette arche anarchique et virevoltante a été mise en scène par Firenza Guidi. Rien de mieux pour appréhender la spectaculaire et singulière réalité de ce spectacle que de s’entretenir avec son maître d’œuvre…

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Unidivers – Firenza Guidi, vous avez déjà dirigé le Nofit State Circus dans trois productions (dont TABU, représenté à Rennes en 2008), qu’est-ce qui vous a motivé à travailler encore une fois avec cette troupe singulière ?

Firenza Guidi – Ma première rencontre créative avec Nofitstate a eu lieu en 1995, quand j’ai pris la direction d’Autogeddon, une production communautaire dans un grand entrepôt sur la Cardiff’s Dumballs Road. Huit ans plus tard, l’aventure Immortal a commencé : c’était la première tournée de NoFit State dans leur nouveau chapiteau.

firenza guidi, nofit circus
Firenza Guidi

Après ça, en 2003 j’ai développé mon propre style de performance basé sur deux croyances fondamentales : d’une part, que le performeur est une créature tous azimuts, en fonction du temps, avec de la mémoire, du désir et beaucoup d’autodérision dans sa performance. D’autre part, que l’espace et le public sont les co-acteurs dans le processus artistique. Pour cette raison, la recherche et la vision pour chaque spectacle visent à créer un univers que les spectateurs ne regardent pas simplement de loin, mais dans lequel ils entrent.

De ces croyances et de la collaboration avec des artistes brillants et créatifs qui travaillent avec Nofitstate, sont venus toutes les incarnations de Immortal, Tabú, Labirynth (et bien d’autres) et maintenant Bianco.

 Dès le début, de cette collaboration est né un produit artistique désirable avec un cadre, de l’audace, de l’intégrité, du plaisir et du style. En partant des idées, des images et des mots sur une page, on obtient toute une machinerie complexe, faite de personnes et de camions, de remorques et de caravanes ; de hauts et de bas, de bons jours et des mauvais jours – des gens qui voyagent et vivent ensemble avec un objectif commun : réaliser et partager leur spectacle avec les autres : les nombreux visages qui se pressent à chaque spectacle me disent que cette étrange « créature » a encore une fois touché le cœur des gens.

Nofit State circus

U. – Le cirque et les arts qui le composent ont considérablement évolué, le Nofit State Circus contribue largement, depuis sa création, a repoussé encore les limites de ces pratiques. Qu’est-ce qui vous a attiré vers le cirque contemporain et quel est le moteur de votre engagement toujours actuel ?

Firenza Guidi – J’aime repousser les limites dans mon travail. Aller au-delà de l’ordinaire. Oser. C’est tout ! Le cirque me permet d’oser.

Au fil des années, le NoFitstate m’a donné l’occasion d’inventer et diriger de nouveaux mondes. Pour réaliser des photos et des exploits qui semblaient même impossibles à imaginer. Pour créer quelque chose de plus grand que les tapisseries de la vie ressemblant à des rêves rugueux, bruts, réels, sensuels.

En ce moment, je fais des recherches pour un spectacle sur le livre de rêves de Federico Fellini : la phrase qui résume ce spectacle pourrait être utilisé comme un manifeste pour l’ensemble de mon travail et de celui créé pour et avec NoFit State : “Il  ya des rêves que je peux toucher, sentir et ressentir. Comment osez-vous les appelez irréels !”

U. – Pouvez-vous nous dire comment s’est déroulée l’élaboration de ce « grand voyage à l’intérieur et à l’extérieur de nous-mêmes », de ce projet qui semble, une fois encore, « colossal » ?

Firenza Guidi – Quand je commence à créer un spectacle, ma tête est pleine de photos, comme un diaporama avec de la musique. La façon dont la performance se rassemble relève de la coupure du film. Séquence après séquence. Photo après photo. Les spectateurs regardent un film en direct. Les mots sont des images aussi, ils me tirent. Ils sont un oreiller sur lequel je dors et je rêve.

bianco

Je vends des rêves. La plupart des choses dans la vie sont aléatoires. Comme une séquence d’images dans un rêve. Mais par-dessus tout, j’aime ces animaux appelés humains. Bruts, rauques, joueurs, séduisants : des adultes vilains et des bébés héros.

Il y a tout un vocabulaire de mauvaise conduite dans mon langage de la performance. La première chose que les artistes apprennent à faire. Je peins de grandes images, pas avec de la peinture mais avec des gens. Et je tombe amoureuse d’eux.

Voilà, Bianco n’est pas différent de tout ce que je viens de dire. Il n’y a pas de justaucorps verts, de plumes, et de faux-nez. Bianco utilise des fragments de la mémoire réelle et le désir, comme les moyens de l’artiste et de l’interprète pour emmener le public dans un voyage de découverte.

U. – Bianco, le nouveau spectacle de Notfit State, démarre une tournée européenne, la première française aura lieu à Rennes, pour les Tombées de la Nuit. Comment percevez-vous ce festival breton, vous qui êtes galloise ? Comment appréhendez-vous les représentations du spectacle dans ce cadre ?

Firenza Guidi – J’aime beaucoup cette phrase : « On n’est pas des programmateurs de spectacles. On se demande plutôt comment et où raconter au mieux l’histoire apportée par l’artiste ». Même s’il faut pour cela sortir des cadres.

Bianco

À bien des égards ce que je fais à travers mes spectacles et avec NoFitstate en particulier, est précisément ceci : nous arrivons à Rennes pour vous raconter notre histoire, mais nous vous plaçons, les spectateurs, au centre de notre scène ! La création ne dit pas : alors, venez, asseyez-vous, on éteint les lumières et voilà regardez devant vous ce qu’on a créé pour vous.

Alors la création dit : on a créé ça. Rentrez dans ce monde avec nous et découvrez avec et presque en même temps que nous, ce qu’on va faire. C’est ça, pour moi, la magie du spectacle. Inclure le spectateur sans recourir aux formules du théâtre de rue ou de la participation du public. Inclure l’arrêt complet. Les accueillir dans le monde.

Je ne peux pas parler au nom de toute la compagnie. Je suis une Italienne qui suis d’abord allée en Irlande du Nord (je suis restée 7 ans) puis au Pays de Galles, (il ya 25 ans). La compagnie est basée au Pays de Galles, mais a de nombreux artistes et des collaborateurs internationaux. Je suis toujoursBianco, Nofistate Circus fière d’être issu d’une terre inexplorée, un endroit bilingue où l’identité est montée avec des contradictions.

Here be Dragons (Voici des dragons) est le sous-titre que j’ai donné cette année à Bianco. L’expression  Voici des dragons faisait référence à un territoire dangereux et inexploré qui a été marqué sur les anciennes cartes avec un dragon. J’aime l’idée que les spectateurs qui viennent voir Bianco, viennent dans un territoire inconnu où tout peut arriver. Il n’est pas possible de lire le spectacle de gauche à droite. Pour être dans une zone sure et délimitée où je suis assis sur les sièges de velours rouge. Comme dans de nombreuses régions du pays de Galles ou en Bretagne ou en Irlande ou en Écosse il ya des zones sombres où la civilisation ou les règles du théâtre naturaliste peuvent s’arrêter pour céder la place à un nouveau territoire inconnu pour explorer et apprécier, et nous faire sentir que nous faisons partie d’une aventure extraordinaire.

Propos recueillis, traduction et article par Yulizh Bouillard et Thierry Jolif 

 Nofit State Circus, BIANCO (première française), du 28 juin au 29 juillet (relâche le lundi), Esplanade Charles de Gaulle. Tarifs : 20/16€, carte sortir 8€. 

Voir toute la programmation des Tombées de la nuit 2014

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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