Remarquée à Mettre en Scène 2011 avec Habi(u)ation, Anne-Cécile Vandalem, grande personnalité du théâtre belge francophone, poursuit son exploration du quotidien. À sa façon, drôle et cruelle. Dans un spectacle magistralement servi par le comédien Vincent Lécuyer.
2012 quelque part en Europe. Sur fond de crise économique et en réponse à la problématique du logement, un architecte crée After The Walls. Un programme pilote d’habitat collectif à vocation sociale qu’il expose durant une conférence dédiée à des investisseurs et habitants potentiels. Seul sur scène, habillé sobrement (pas en noir, ce n’est donc pas un architecte parisien…) il commence par alpaguer des spectateurs, en fait monter une sur scène, lui demande de vider son sac (au propre !) et décide de le garder. On pense bien sûr à une complice, mais non. Vincent Lécuyer va occuper seul la scène – et, de temps en temps, la salle – pendant 1 h40 en nous captivant. C’est la première démonstration d’une série d’échanges avec le public pour lui faire éprouver/approuver son entreprise forcément révolutionnaire. Il bouscule non seulement les rangs, mais aussi les codes, et glisse doucement vers une folie jubilatoire. Premier symptôme : la question de l’expulsion. Non pas celle du logement ou du territoire (c’est pour plus tard), mais celle du ventre de la mère. Il marche ainsi d’une certaine manière dans les pas de Peter Greenaway qui s’exerçait déjà à l’analogie entre le premier habitacle de l’être humain et la recherche de ce refuge perdu. Il lance une diatribe sur les dé-conctructions de barres de béton qui tirent les larmes de leurs occupants, mais font la joie des urbanistes et des cinéastes. C’est d’ailleurs avec ces images que le fiévreux acteur nous sidère dans une scène finale post-apocalyptique. Si la société idéale imaginée par Thomas More n’est étymologiquement en aucun lieu (u-topos), la vision du monde de Vandalem est indubitablement sur scène, totalement habitée par Lécuyer.
After the Walls, Utopia, concept, texte et direction Anne-Cécile Vandalem, Vincent Lécuyer a reçu le Prix du meilleur seul en scène aux Prix de la Critique 2013. Spectacle donné du 13 au 15 novembre 2013 au Théâtre de La Paillette de Rennes dans le cadre du festival Mettre en scène (durée 1h40).
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A mettre en scène UTOPIA de Vandalem : More, please !