Vigile, premier roman d’Hyam Zaytoun, touche en plein cœur tant par sa force que sa fragilité. L’auteure raconte la nuit qu’elle a vécue 5 ans plus tôt, cette nuit où le cœur de son compagnon a cessé de battre. La détresse qui s’est emparée d’elle, l’urgence de la situation et la nécessité qu’elle a ressentie d’agir, de tenir bon pour deux.
Mon cœur bat la chamade. Mes mains tremblent. Je me lève, essaye de rassembler mes pensées, juste agir, faire les bons gestes dans le bon ordre. La peur, elle est là, mais je dois agir.
Cette nuit, c’est Hyam Zaytoun qui l’a vécue et c’est ce qui rend si intense ce témoignage. Alors que son compagnon vient de faire un arrêt cardiaque, elle lutte corps et âme à ses côtés pour qu’il revienne et « aime(r) pour deux ». Le lecteur apprend à connaître l’homme qui partage sa vie, Antoine, à travers les yeux de ses proches. Hyam Zaytoun, à travers la voix du narrateur, ne livre que peu de détails sur elle-même ; elle ne semble exister qu’à travers la relation qu’elle a tissée avec son compagnon. Depuis qu’il est plongé dans le coma, elle se sent incapable de (sur)vivre sans lui, malgré le soutien que lui apportent enfants et proches. Tous ses doutes quant à sa capacité d’être une bonne mère sans lui la hantent.
Il y a, outre la douleur incommensurable de te perdre, que je refoule au plus profond, la mère en moi qui tremble.
Sa vie, à elle aussi, a été mise en suspens ce soir-là. Le temps paraît même s’être arrêté depuis ce soir-là. C’est malgré tout pleine d’espoir qu’elle continuera de se battre pour que l’homme qu’elle aime se réveille de ce coma.
Hyam Zaytoun raconte avec une étonnante douceur le drame qu’elle a vécu cette nuit où la vie de son compagnon, la sienne, mais aussi celle de tous leurs proches, a basculé. Comme dans un dialogue sans réponse, la narratrice remplit la scène de mots pour arriver à tenir debout les jours qui suivent le drame et donner un sens aux différentes émotions qui l’assaillent : la détresse, la culpabilité de s’être trop reposée sur lui, la peur de la perte, l’épuisement moral, la reconnaissance et la tristesse.
Il parle très bien pour son âge, mais les mots, on dirait qu’il n’en veut pas. Sent-il combien j’essaye de m’en servir pour tenir debout et combien aussi, au tréfonds, une autre en moi, plus primitive, panique absolument ?
Elle tente de maintenir et même de renforcer le lien menacé qu’elle entretenait avec Antoine en lui parlant, en le rassurant : « je suis ta vigile, ton garde du corps ».
Plutôt que d’abandonner, elle puisera dans ses dernières forces, dans l’amour qu’elle porte pour cet homme, et dans l’espérance indéfectible qui la définit pour trouver le courage de ne jamais baisser les bras.
Tout au long de l’histoire, Hyam Zaytoun offre une place au lecteur au cœur de ses ressentis, de ses sentiments et de ses souvenirs, évoquant des réminiscences des moments qu’ils ont vécus ensemble, moments auxquels elle a besoin de se raccrocher pour continuer d’espérer le réveil de son compagnon.
Il est difficile d’interrompre la lecture de Vigile tant le lecteur est emporté par l’émotion et la justesse du ton de ce récit à la fois court et précis.
À mi-chemin entre le théâtre, le roman et la poésie, le texte d’Hyam Zaytoun est d’une intensité rare et les mots d’une sincérité remarquable. Malgré l’expérience traumatique que représente cette nuit, « Vigile » est une ode à la vie et à l’amour, laissant lentement la douceur prendre le pas sur la douleur.
Puissant témoignage, Vigile est éminemment « une histoire de pulsation », qu’elle soit celle de l’organe vital ou celle de l’amour qui se dégage du récit. À lire de toute urgence.
Vigile
Récit
128 pages
9782370551856
Prix: 13 €
Parution: 3 janvier 2019
Agathe Renault