Villemin, projet solo de la musicienne Laure Villemin, est une des invitées de Paysages Imaginaires, nouveau festival de musiques instrumentales à Rennes. Aux Champs Libres, vendredi 28 mars 2025, elle invite à découvrir son monde musical où piano et synthétiseurs analogiques créent une valse qui emporte le public dans des sonorités immersives et vivantes.
Les musiques instrumentales vivent une période d’épanouissement et se démocratisent, notamment grâce à leur présence dans les bandes originales de films. Qu’elles soient contemporaines, minimalistes ou tirent vers l’ambient, ces musiques sont plus répandues et invitent à une approche différente dans l’écoute et dans la vibration qu’elles procurent. Elles sont à l’honneur dans le nouveau festival de musique du cru Paysages Imaginaires, créé par le musicien Sylvain Texier. Parmi les artistes invités, Villemin, vendredi 28 mars aux Champs Libres. « Quand j’étais ado, dans les années 90, cette scène n’existait pas. Ce n’était pas très bien vu dans le milieu classique et contemporain d’en écouter, c’était considéré comme trop facile par certains. »
Violoniste de formation, Laure Villemin fait de la musique depuis petite. Si elle joue du violon depuis ses sept ans, son premier instrument est néanmoins un petit orgue hérité de son arrière-grand-mère. « Ma mère donnait ses cours de chant avec cet instrument », raconte la musicienne. « J’ai passé beaucoup d’heures dessus avec un casque à faire de la musique drone », un genre musical minimaliste qui utilise des sons maintenus et répétés. La petite fille se créait une bulle sonore avec ce son qui l’apaisait. Elle passe ensuite au piano en jouant sur celui mis à disposition à l’école où elle étudiait. « Quand on en a eu un à la maison, ça a été un choc », confie-t-elle. « L’orgue permettait de tenir des sons sans interruption, de les faire évoluer et de rajouter des harmonies alors qu’au piano, on joue un son et il s’arrête. J’ai cherché à reconstruire ce magma sonore qu’offrait l’orgue. »
Devenue professeure de musique, elle forme en 2017 le duo Pleine Lune avec le chanteur Nicolas Gasparotto, également professeur. Dans cette formation, elle y jouait des synthétiseurs analogiques et enregistrait des morceaux de violon qu’elle utilisait ensuite. Proche de l’ambient, le duo a développé des sonorités dream pop et shoegaze dans la même veine que le groupe américain Cigarette after sex. « C’est un son qui m’a beaucoup nourri. J’ai pu faire un lien entre la musique instrumentale que je pratiquais déjà depuis longtemps et des sonorités plus modernes. » Enrichie des univers éclectiques qu’elle a traversés au cours de ses collaborations, la musicienne développe aujourd’hui un projet solo : Villemin. « J’ai eu besoin à un moment de chercher ce qui m’était propre. » Elle est repérée par le label Doorway à Amsterdam, crée par Dorothée Meyer qui continue à soutenir sa musique.
Si Villemin a toujours écrit des compositions de piano, elle s’est intéressée de plus près aux synthés avec Pleine Lune. Elle en possède aujourd’hui deux : un mini de la marque Logue et un de la marque Moog, qu’elle utilise comme un violon. « Les violons ont leur petite personnalité et leurs imperfections, j’ai un peu ce rapport avec les synthés. Je vais chercher à exploiter le maximum de choses dans l’instrument. »
Inspirée par l’écriture des compositeurs minimalistes tels Philip Glass et Steve Reich, elle développe une musique épurée dans laquelle le classique du piano se marie à la modernité des musiques électroniques. Villemin livre une musique qui se ressent et s’éprouve, dont l’énergie singulière se répand dans la pièce et imprègne le public. « Ce qui est un peu paradoxal dans mon travail, c’est que j’essaie de mettre beaucoup de bruits dans mes sons », précise-t-elle avant d’ajouter, amusée : « On me demande parfois si je veux qu’on nettoie mon son, mais il est propre, je recherche juste ce grain-là ».
Nuit, premier EP sorti en 2022, a été composé autour de deux lignes directrices : elle a travaillé exclusivement avec son synthé Logue et au piano, et a souhaité créer des sons qui rappellent la voix humaine. « En langage contemporain, on appelle ça de la microtonalité, c’est parfois juste et parfois volontairement faux. » Villemin offre un univers immersif et mystérieux et donne une humanité à ses sonorités qui imitent d’autres sons que ceux produits par l’instrument. « Quand je travaille le violon, j’essaie d’imiter le synthé ; quand je joue du synthé, j’essaie d’imiter la voix ou le violon », raconte-t-elle. « Je pense que les musiciens ont toujours eu ce désir intrinsèque d’essayer de reproduire la voix humaine avec leur instrument. Sur les orgues d’église, un bouton s’appelle « voix humaines ». »
La musicienne a travaillé avec l’ingénieur son Alix Ewald pour reconstituer artificiellement la sensation d’immersion. « Quand on transforme ces sons, on est un peu magicien », exprime-t-elle. « J’admire les ingénieurs son pour ça, ils peuvent nous faire aller où ils veulent et arrivent à transformer notre paysage mental. »
Dans le prolongement de cette sensibilité pour le vivant, la musicienne capture des bruits urbains du quotidien pour son nouvel EP en cours de création. « Quand on habite en ville, on peut avoir cette pression sonore, j’aime bien transformer ces sons urbains, les adoucir. » Ces musiques environnantes de la ville intègrent une nouvelle forme de vie à ses compositions musicales. « Quand on habite dans une ville entourée de collines, on peut monter et la surplomber. Ces sons deviennent naturellement diffus. On prend de la hauteur, mais on est en même temps complètement immergé. C’est quelque chose que j’ai toujours gardé dans mes procédés d’écriture. » Elle a par exemple enregistré des bruits de métro en allant à Paris. « J’ai aussi acheté un sampler pour enregistrer mes propres morceaux de violon. » Cet instrument de musique électronique lui permet d’enregistrer des échantillons sonores, les reproduire, les modifier et les transformer. « Je travaille à la frontière du souvenir, de l’environnement qui nous entoure, dans une sorte d’introspection. »
Infos pratiques :
Villemin, concert aux Champs Libres, 10 cours des Alliés, à Rennes, vendredi 28 mars à 17h30. Gratuit.
Site Paysages Imaginaires
Site Villemin
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