Rennaise d’adoption, l’illustratrice et graphiste Anaïs Rallo livrera prochainement le fanzine Légendes Sylvestres, une balade artistique entre prose poétique, de la plume de Mathieu de Kiss, et dessins qui révèlent une ode au monde végétal teintée d’érotisme. Elle dévoilera ce nouveau projet lors d’une soirée de lancement festive jeudi 16 juin 2022 à la ferme de Quincé, de 18 h 30 a 23 h.
Son travail graphique a marqué l’identité visuelle de l’édition 2018 de la biennale OFF des Ateliers de Rennes. Son style a laissé sa trace sur nombre d’affiches, principalement pour des événements musicaux, milieu dans lequel elle baigne, comme pour La Garden Partie l’été 2021. Cette fois, c’est avec le fanzine Légendes Sylvestres que l’on retrouve Anaïs Rallo, Rennaise d’adoption depuis près de 10 ans. Un ouvrage édité en mini série, seulement 100 exemplaires, qui reflète avec douceur son style actuel et se fait le témoin de son évolution artistique.
Depuis ses débuts, le travail de la jeune graphiste se développe au croisement de l’art et du design. Sa pratique s’est déployée au fil des années avec une formation en design tandis que, parallèlement, elle perfectionnait ses compétences en dessin en autodidacte. Après un baccalauréat en Arts-Appliqués dans les Landes, à Saint-Paul les dax, elle enchaîne avec un BTS en design graphique à la Souterraine (La Creuse) avant de se découvrir de véritables atomes crochus professionnels pour le dessin pendant son master en design graphique à Rennes. C’est d’ailleurs à cette période qu’elle adopte la capitale bretonne comme terre d’accueil. « Une de mes profs qui est aussi illustratrice, Eva Offredo, m’avait conseillé de limiter mes outils et d’essayer d’autres techniques », se rappelle-t-elle en nous invitant vivement à découvrir le travail de ladite professeure. « C’est important de pouvoir s’adapter et de faire des choses très simples. »
Habituée à multiplier les techniques (aquarelle, feutres, etc.), Anaïs a cultivé son style au rythme de ses expérimentations plastiques. Suite à ce conseil, le stylo et l’encre sont rapidement devenus ses outils de prédilection. Son trait s’est peu à peu affiné jusqu’à aboutir à des dessins construits autour de la lignes, des vides et des pleins. « J’adore dessiner juste en noir et blanc, avec des aplats très sombres et des lignes fines. Le contraste entre les pleins et les vides est devenu super important pour moi. » Les aplats de couleurs viennent ensuite s’ajouter à la composition et donnent vie au dessin.
De ses heures passées à travailler son trait est né un univers graphique familièrement proche de celui que l’on trouve dans le milieu du tatouage : une touche très contemporaine dans laquelle des formes figuratives prennent vie dans des lignes délicates. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il lui arrive de collaborer avec des artistes tatoueurs. « J’ai essayé de m’y mettre, mais j’ai vite arrêté », s’amuse-t-elle à raconter. Son travail d’illustration est par ailleurs régulièrement enrichi d’une touche typographique, réminiscences de sa formation qu’elle cultive avec plaisir.
La touche à tout qu’elle est multiplie les expériences autant dans son approche du dessin que dans les projets dans lesquels elle se lance. Elle préfère néanmoins dissocier ses différentes activités pour ne pas que l’une prenne le pas sur l’autre, que son public se perde. « J’ai créé un projet il y a peu, l’atelier Miseliom, dans l’idée de créer une complémentarité dans mon travail. Je voulais présenter mon travail plus “graphique”. » Née de sa passion pour le support graphique imprimé et de son envie de créer un espace ouvert en termes d’images, cette nouvelle entité s’inscrit dans une démarche de graphisme éthique, technique, organique et poétique. À termes, elle espère créer une entité aux multiples facettes qui regroupe plusieurs designers, un vivier de créatifs et de structures.
Sa nouvelle aventure graphique se matérialise cette fois dans la création d’un fanzine, Légendes Sylvestres qu’elle définit comme une parenthèse dans son travail professionnel, malgré le temps faramineux que la conception d’un tel ouvrage demande.
Mais l’illustratrice n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’elle s’était essayée à l’exercice à ses débuts en tant qu’indépendante. « De fil en aiguille, j’ai voulu rendre un travail fini, ce qui a donné Légendes Sylvestres. Je voulais montrer ce qu’était ma pratique actuelle. » Elle est cette fois accompagnée de la plume de son compagnon, Mathieu de Kiss. « On avait envie de travailler sur un projet commun, dans un univers qu’on affectionne tous les deux. » Spécialiste des mots, experte des images, les deux artistes posent un regard aussi différent que complémentaire sur la thématique de la sensualité de la nature, sujet qui accompagne la jeune femme depuis ses années d’études. « Quand j’ai passé mon master, j’ai travaillé sur la communication des plantes, ce rapport d’échanges entre les végétaux », confie-t-elle.
En termes d’inspirations qui ont façonné son style, elle regarde volontiers du côté des artistes de l’estampe japonaise, tels Hokusai et Hiroshige pour citer les plus grands. « Dans leur représentation de la nature, on trouve des choses très fantasmées, ésotériques », précise-t-elle avant de poursuivre : « J’aime l’univers et les mouvements créés par les artistes qui s’approprient la nature. » Cette touche surnaturelle qu’elle affectionne particulièrement chez ces maîtres de l’estampe émerge dans ses œuvres et donne aux plantes la dimension humaine qui permettrait que l’on prête, peut-être, plus attention à elles.
Au regard de ses sensibilités, il paraît ainsi naturel que cette récréation artistique traite de la nature, mais également de l’érotisme, un autre thème omniprésent dans son travail, que l’on peut d’ailleurs aisément rapprocher de l’univers des estampes japonaises aussi. Dans un ancien fanzine imaginé avec une autre autrice, Anaïs abordait le thème de l’amour et du rapport entre les femmes. « L’autrice écrivait beaucoup sur ses amies et du rapport que peuvent entretenir les femmes entre elles, pas forcément amoureux, mais le lien fort qu’il peut exister entre elles. » Attirée par ce genre de thématique sans pouvoir réellement l’expliquer, l’illustratrice est plus largement intéressée par les relations entre les gens.
Légendes Sylvestres s’anime ainsi dans une prose poétique et une personnification sensuelle de la nature, sans jamais être vulgaire. Elle humanise ce monde avec lequel nous sommes en constante connexion et qui nous entoure au quotidien. « Y a tout un monde qui vit autour de nous, mais on ne prend pas le temps de le regarder, on ne le remarque pas trop », déclare-t-elle. « J’aime me dire qu’il y a des types de plantes qui se trouvent dans le même rapport que nous. » La nature vit autour de nous, s’échange des informations. Anaïs Rallo lui donne un visage, une âme.
Véritable kamasutra végétal, le fanzine s’épanouit dans des volutes colorés qui répondent aux vers poétiquement abstraits et fantaisistes de Mathieu de Kiss. « Le texte est là pour appuyer le propos, mais aussi pour divaguer et laisser parler l’imaginaire. » Dans ce rapport textes-images qu’elle apprécie particulièrement, on ressent les influences d’Anaïs. « Ce qui est chouette dans le fanzine, c’est que c’est toi qui impulse le projet. Je trouvais ça sympa de vraiment m’exprimer à travers un objet qu’on conçoit de A à Z. » Dans cette liberté totale de création, elle montre l’étendue de son travail sans restriction. S’attaquant au médium du livre, c’est une nouvelle proposition autant pour son public que pour elle. Une proposition qui ne sera d’ailleurs éditée qu’à 100 exemplaires pour la modique somme de 12 €.
À l’heure où l’article s’écrit, les exemplaires ont été imprimés à l’atelier R Dryer à Bruxelles et sont arrivés à Rennes. Anaïs et Mathieu se sont ensuite chargés du façonnage, très certainement achevé et prêt à être dévoilé jeudi 16 juin 2022 à la ferme de Quincé. La soirée sera animée par deux DJs. Le premier, résident de la Rennes des Voyous, Sanza diffusera des sonorités rock et psyché. Le second, de Future Tone Records, Lucien, anciennement Le Bon enfant, et aujourd’hui DJ Maguy, s’occupera de faire monter les décibels avec ses machines pour un set live.
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