Journaliste, essayiste et spécialiste des sociétés post-soviétiques, Elsa Vidal est l’une des voix les plus fines et les plus fiables pour comprendre la Russie contemporaine. Elle était l’invitée des Champs libres de Rennes à l’occasion des Dialogues européens et de l’émission Faites-moi lire.
Diplômée de l’INALCO en russe et relations internationales, passée par Sciences Po et un séjour universitaire à l’université Keiō de Tokyo, Elsa Vidal a d’emblée inscrit son parcours à la croisée de la langue, de la diplomatie et du terrain. Elle commence sa carrière au tournant des années 2000, puis se spécialise dans l’espace ex-URSS au sein de Reporters sans frontières, où elle dirige le bureau Europe et ex-URSS. Cette expérience de défense de la liberté de la presse et des droits humains constitue une matrice décisive de son regard : Elsa Vidal ne se contente pas d’analyser les régimes, elle observe ce qu’ils font concrètement aux sociétés, aux journalistes, aux opposants.
Après plusieurs années dans le secteur humanitaire international et dans des institutions publiques, elle rejoint Radio France Internationale. Depuis 2022, elle est rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI, poste singulier qui la place au contact direct d’un public russophone en quête d’informations fiables. Elle intervient également comme éditorialiste sur les plateaux télévisés, où sa parole se distingue par sa précision, sa pédagogie et une forme de calme sans complaisance.
Avec cette double légitimité – expertise de terrain et exigence intellectuelle – Elsa Vidal s’est imposée comme une figure incontournable du débat sur la Russie, la guerre en Ukraine, les dérives autoritaires et les aveuglements européens.
« La Fascination russe » – Trente ans de complaisance passés au crible
Paru en 2024 aux éditions Robert Laffont, La Fascination russe est un essai lucide et implacable sur trente années de complaisance française vis-à-vis du pouvoir russe. Elsa Vidal y interroge cette attraction quasi hypnotique qu’a exercée Moscou sur une partie des élites politiques, économiques, diplomatiques et culturelles françaises depuis la fin de l’URSS.
Son point de départ est simple et dérangeant : comment avons-nous pu, si longtemps, surestimer les promesses de modernisation du régime et sous-estimer sa dimension prédatrice, impériale et violente ? L’ouvrage démonte les illusions partagées – l’idée d’une Russie partenaire « naturel » de l’Europe, d’un Kremlin rationalisable par le commerce ou la diplomatie, d’un pouvoir autoritaire mais prévisible – et montre comment ces grilles de lecture ont empêché de voir venir ce qui se préparait.
Elsa Vidal s’attache notamment à ce malentendu central. Nous projetons sur le pouvoir russe nos propres catégories (État de droit, compromis, rationalité économique), alors que les dirigeants du Kremlin se pensent en termes de puissance, de rapports de force, de revanche historique. Elle analyse les réseaux d’influence, les relais médiatiques, les affinités idéologiques – de la droite souverainiste à une partie de la gauche radicale – qui ont nourri cette fascination, y compris après l’annexion de la Crimée ou l’intervention en Syrie.
Sans régler de comptes ni céder au sensationnalisme, La Fascination russe propose une autopsie politique et morale : il ne s’agit pas seulement de dénoncer les erreurs passées, mais de comprendre pourquoi elles se sont si facilement reproduites, et comment éviter qu’elles ne se rejouent face à d’autres régimes autoritaires.
« Que pensent les Russes ? » (Gallimard, février 2026)
En février 2026, Elsa Vidal publiera chez Gallimard, dans la collection « En attendant le réel », un nouvel ouvrage intitulé Que pensent les Russes ?
Après avoir analysé, dans La Fascination russe, le regard que la France porte sur le Kremlin, ce nouveau livre annonce un déplacement du point de vue : il s’agit cette fois de se tourner en miroir vers l’intérieur de la société russe. Que se passe-t-il dans les têtes et dans les conversations d’un peuple plongé depuis des années dans la propagande, la guerre et l’isolement international ? Comment coexistent adhésion, peur, résignation, indifférence ou révolte silencieuse ?
Que pensent les Russes ? prolonge le travail de terrain et de décryptage d’Elsa Vidal qui est de donner à voir la diversité des attitudes face au pouvoir, interroger les continuités soviétiques et les ruptures post-soviétiques, distinguer ce qui relève du consentement, de la contrainte, de l’auto-censure. Un livre qui s’annonce comme une tentative de rendre à la société russe sa complexité et sa pluralité, au-delà des caricatures – et, en creux, une invitation à mieux penser notre propre rapport à ce voisin devenu adversaire. Présentation par l’auteure.