Erich Von Stroheim n’est pas ressuscité… Mais l’ombre du génial acteur plane sur la pièce de Christope Pellet mise en scène par Stanislas Nordey. En fait, plus qu’elle ne plane, cette ombre s’immisce et participe du tissage des destins à géométrie sentimentale variable de trois possibilités de couples. Explications.
« Génie et mystificateur. » C’est ainsi qu’est décrit Eric Oswald Stroheim dit Eric von Stroheim, l’acteur rapace qui savait sortir de lui pour devenir autre, le metteur en scène qui jouait sans grande illusion et jouissait de la vie sans alibi. Troublant le réalisateur Eric von Stroheim, avec ses thèmes préférés que furent l’argent, le sexe et l’infirmité qu’il déclina à travers ses films comme un boulevard du crépuscule, jusqu’à faire de cette foire aux chimères l’envers du paradis. Troublante à l’instar est l’histoire écrite par Christophe Pellet.
Troublante histoire d’un trio amoureux, troublants les dialogues qui se succèdent, les corps qui se prêtent, s’échangent comme les mots qui s’inscrivent et resurgissent dans la bouche de l’un ou de l’autre. Comme les corps des acteurs qui sont avalés ou rejetés par la structure qui occupe une large partie de la scène. Trois panneaux formant une boîte, une boîte à images par la projection qui en fait une chambre ou un bureau, une boîte pour les images que les mots fabriquent. « Génie et mystificateur », c’est un beau couple de mots, mais « un couple égal un mort »…
Sans complaisance et subtilement, Christophe Pellet interroge les relations, toutes les relations. Les possibles du couple dans une société où les relations sont décuplées, où les rapports aux corps seraient libérés. Elle (Emmanuelle Béart), l’Un (Laurent Sauvage), l’Autre (Thomas Gonzalez) s’incarnent crûment dans un ballet de mots illustrant parfois les contacts, les mouvements chorégraphiques, les contredisant parfois, imageant les désirs paradoxaux, la dislocation des relations amoureuses et la constitution d’un couple : la formation d’un corps duel où l’autre n’aurait pas vraiment, pas tout à fait sa place.
Malgré quelques failles, la facile touche de provocation de Thomas Gonzalez – entièrement nu sur scène – sert un jeu remarquable. Laurent Sauvage convainc lui aussi malgré une interprétation quelque peu surjouée. Emmanuelle Béart est juste de bout en bout. Stanislas Nordey offre avec cet Erich Von Stroheim une pièce paradoxalement raffinée et agréablement déroutante. Ses trouvailles scéniques et sa mise en scène forment un écrin ajusté à l’écriture de Christophe Pellet qu’il définit lui-même comme pointilliste et impressionniste.
Erich Von Stroheim, une pièce de Christophe Pellet, mise en scène de Stanislas Nordey avec Emmanuelle Béart,Thomas Gonzalez, Laurent Sauvage/Victor de Oliveira, du 14 au 25 mars 2017 au TNB, Rennes
https://www.unidivers.fr/rennes/erich-von-stroheim-christophe-pellet-emmanuelle-beart/
https://youtu.be/WPRdwf1ySow
Collaboratrice artistique Claire Ingrid Cottanceau
Avec Emmanuelle Béart – ELLE Thomas Gonzalez – L’AUTRE Laurent Sauvage/Victor de Oliveira (en alternance) – L’UN
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumière Stéphanie Daniel
Son Michel Zurcher
Vidéo Stéphane Pougnand
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Production Théâtre National de Strasbourg
Coproduction Théâtre National de Bretagne – Rennes, Théâtre du Gymnase | Bernardines, Marseille
Avec le soutien de l’Odéon – Théâtre de l’Europe et du Théâtre de Gennevilliers – Centre dramatique national de création contemporaine, pour les résidences de création.
Avec l’autorisation de Swashbuckler Films.
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté
Création le 31 janvier 2017 au Théâtre National de Strasbourg
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez