Le musée de Pont-Aven, dans le Finistère, présente Femmes chez les Nabis, de fil en aiguille du 22 juin au 3 novembre 2024. Avec le partenariat exceptionnel du musée d’Orsay, l’exposition d’intérêt national rassemble une centaine de tableaux et porte un nouveau regard sur le mouvement postimpressionniste Nabi, en caressant la figure féminine.
La nouvelle exposition du musée de Pont-Aven s’ouvre sur la reproduction de la peinture Hommage à Cézanne de Maurice Denis (1900). Tableau représentant essentiellement des hommes, l’oeuvre détonne au premier regard au vu du titre de l’exposition : Femmes chez les Nabis. Pour autant, l’oeuvre manifeste du groupe Nabi a un statut particulier. Aux côtés des pères fondateurs du mouvement (Odilon Redon, Paul Sérusier, Édouard Vuillard, Maurice Denis, entre autres) apparaît en arrière plan sur la droite, Marthe Denis, née Meurier, épouse du peintre. Bien qu’en retrait, son importance fait nul doute : elle est la seule qui regarde le spectateur. Épouse, modèle de prédilection de son mari, artiste, son rôle multiple révèle l’enjeu de l’exposition présentement au musée, car c’est de ce sujet dont elle parle : le mouvement Nabi par le prisme féminin.
C’est en Bretagne, à Pont-Aven en 1888, que l’on voit se profiler le mouvement postimpressionniste Nabi. De passage dans la région armoricaine, l’artiste Paul Sérusier rencontre Camille Bernard et, surtout, Paul Gauguin. De cette rencontre naît le Talisman, l’Aven au Bois d’Amour. Guidé par Gauguin, Sérusier réalise une petite huile sur toile aux couleurs vives qui s’éloigne de la peinture en tant qu’imitation de la réalité… De retour à Paris, il montre la création à ses camarades d’école et ensemble ils fondent le mouvement Nabi. On y retrouve notamment les jeunes peintres symbolistes de l’époque : Pierre Bonnard, Maurice Denis et Édouard Vuillard. Ce nouvel élan artistique apparaît comme une réponse aux autres mouvements d’avant-garde de l’époque, plus académiques. « Le terme Nabi , qui signifie prophète en hébreu, tient autant de la blague collégiale que du besoin de se réunir autour du Talisman. » Les artistes s’éloignent du trait réaliste au profit d’une sensibilité forte pour la spiritualité et l’ésotérisme. Leur peinture se caractérise par de grands aplats de couleur et une absence de perspective.
Dans la subtilité des mots choisis pour le titre, vous trouverez le contenu de l’exposition. Cette dernière ne montre pas de femmes Nabies, mais aborde la thématique des femmes chez les Nabis. Dans un bel équilibre entre peintures, sculptures, photographie, arts décoratifs, textile et théâtre, l’exposition Femmes chez les Nabis prend en effet le parti inédit de regarder ce mouvement mineur en s’intéressant à son entourage féminin. Elle donne à voir l’omniprésence des femmes et révèle qu’elles agissent à bien des niveaux.
« Pénétrer dans l’entourage féminin de ces artistes, peuplé de femmes, de SŒURS, de m√ères, de belles-m√ères, d’amantes, c’est donc porter un regard inédit sur les conditions de réalisation, les logiques d’influence et les processus de création à l’oeuvre chez les Nabis. »
De leur place dans le couple aux rôles dans le foyer, elles apparaissent au grand jour en hôtesses d’accueil, maîtresses de maison, gardiennes de la vie familiale . « Le motif du couple permet de donner à voir la diversité des esthétiques et des représentations », explique la commissaire d’exposition. Alors que Paul Sérusier représente le bonheur conjugal dans une ambiance édénique, Henri-Gabriel Ibels met en évidence différentes couches sociales (soldats, agriculteurs, etc.) et Félix Valloton retranscrit toutes les émotions que l’on peut traverser dans un couple. Si l’on se fie aux préceptes du groupe qui les bannit solennellement de leurs réunions, la frontière est nette : elles n’ont aucune existence réelle dans le cœur du collectif d’artistes, les femmes évoluent en périphérie.
Certaines se distinguent néanmoins par leur contribution artistique dans les tapisseries, à l’image de Femme à la robe rouge, une tapisserie majestueuse réalisée par József Rippl-Rónai et Lazarine Baudrion. Dans ces collaborations hommes/femmes prime toutefois une division sexuée des rôles dans l’’invention du sujet et sa première exécution graphique revient aux hommes, le tissage est confié aux femmes. « On la présente souvent comme étant uniquement l’oeuvre de József Rippl-Rónai, mais l’idée de l’exposition, c’est aussi de montrer qu’il y a des femmes présentes dans la réalisation de ces tapisseries. »
Dans le parcours de l’exposition, la création sonore de Charlotte Foucher Zarmanian et Thomas Debeugny met également en valeur les liens tissés entre ces femmes par la lecture de lettres qu’elles se sont envoyées.
Du 22 juin au 3 novembre 2024, Femmes chez les Nabis, au musée de Pont-Aven
Mardi 2 juillet 2024 à 10h30 : Découvrez le nouveau rendez-vous destiné aux adultes et aux adolescents « Expo – Philo ». Un temps fort ludique pour remuer ses méninges et philosopher, avec l’association Philament de Concarneau. Avec Inès Dinant, anthropologue et formatrice, les échanges se nourriront des axes thématiques développés dans l’exposition pour l’aborder sous un nouveau regard réflexif, inspiré et personnel. durée : 1h. Tarif : 3€ (après acquittement du droit d’entrée). Réservez votre place dans l’espace billetterie.
Musée Pont-Aven
Place Julia
29 930 Pont-Aven
Ouvert tous les jours de 10h à 18h (sauf le jeudi)
Juillet et août : Ouvert du 10 à 19h tous les jours
Tarif plein : 8€ / Tarif réduit : 6€ / Tarif groupe (+10 personnes) : 5€ (plus d’infos)