Pauvreté, richesse, homme et bête… L’oeuvre qui se joue du 4 au 7 avril au TNB est exigeante et prenante ! Le titre ne ment pas, il peut effaroucher mais le théâtre de Hans Henny Jahnn porte en lui cette profusion. Déroutant ! Oui ! Inspirant ? Sans doute.
Hans Henny Jahnn est assez méconnu en France. Depuis 1993, les excellentes éditions José Corti ont pourtant entamé un fameux travail de traductions et de publications (grâce aux traducteurs passionnés Huguette et René Radrizzani). Heureusement, le théâtre est ce lieu qui rend possible, entre autres miracles, de découvrir un texte et son auteur rendus vivants. Pauvreté, richesse, homme et bête est un texte fort. Un long conte aussi intimiste qu’épique dont la profondeur des réflexions (où se côtoient un quasi panthéisme, philosophie stoïcienne, héroïsme tragique et penchants nihilistes) image à merveille la rudesse et la beauté du lieu de l’action.
Un petit village norvégien près d’une baie ceinturée par les montagnes mystérieuses et majestueuses. Dans une société rurale, la hiérarchie sociale est encore forte, elle domine les êtres. Certains s’en accommodent, la plupart en souffrent. C’est dans les montagnes que vit le paysan Manao Vinje, assez loin des considérations de ses semblables. Il a hérité d’un domaine prospère et d’une belle jument. La rumeur dit qu’une femme ensorcelée vit en elle…
Cette superstitieuse crainte, cette fascination d’une proximité charnelle avec le règne animal, est au centre du drame. Depuis le décès de son père, trois ans auparavant le paysan Manao n’a guère avancé, il mène – disent ses concitoyens – une existence stérile, plus proche des bêtes que des hommes. Ce n’est pas sain, il doit prendre femme et prospérer, une femme de son rang bien sûr.
Mais voilà Manao Vinje ne voit pas les choses comme tout le monde et l’amour, brûlant et sincère va faire irruption dans ce monde ordonné. C’est alors un déchaînement de passions, certaines froides, d’autres exaltés et ténébreuses. Ce sont des conceptions dramatiques de la condition des hommes et des femmes qui se confrontent avec, central, la question de l’amour, des amours… et de leurs déformations parfois monstrueuses – jalousie, concupiscence, avarice.
L’écriture en tension, empreinte de réalisme magique, de Hans Henny Jahnn est très bien rendu par une scénographie épurée. Des tables, des bancs, des tabourets pour seuls éléments de décors, déplacés et entassés selon les besoin des différents tableaux, rendent palpable l’environnement immédiat des personnages. Au début de la pièce, les spectateurs qui pénètrent directement sur le plateau sont invités à observer avec attention une maquette enneigée qui représente le paysage du récit et qui sera finement utilisé tout au long de la représentation. Les lumières froides et la disposition scénique renforcent et soulignent les aspects surnaturels présents dans le texte, apparitions fantomatiques, personnages ambivalents naviguant entre ce monde et un autre, le marchand à la fois homme et troll.
La présence et le réel engagement des acteurs alliés à une mise en scène sobre et acérée suffiraient amplement à la réussite du pari de conserver l’attention active des spectateurs trois heures durant sur un texte étrange et singulier. La présence d’un musicien sur scène, avec des interventions qui parfois couvre les voix, avec une musique qui ne sert pas toujours le texte, ne paraît donc pas très pertinente. Autre point faible, l’utilisation mal intégrée de projections vidéos (en dehors de celles extrêmement juste de la jument de Manao), elles distraient plus qu’elle ne servent l’ensemble.
Néanmoins, cette mise en scène de Pauvreté, richesse, homme et bête par Pascal Kirsch est une expérience théâtrale réussie.
Pauvreté, richesse, homme et bête, une pièce de Hans Henny Jahnn donne au TNB de Rennes du 4 au 7 avril 2017
TNB / Salle Serreau, durée 3h00
mercredi 05 avril 2017 à 20:00
jeudi 06 avril 2017 à 20:00
vendredi 07 avril 2017 à 20:00
PLEIN TARIF : 27,50 €, TARIF ETUDIANT ET MOINS 26 ANS : 14,00 €, TARIF LYCEEN COLLEGIEN : 14,00 €, TARIF DEMANDEUR D’EMPLOI : 14,00 €
Pauvreté, richesse, homme et bête, traduction Huguette Duvoisin et René Radrizzani
mise en scène Pascal Kirsch
avec Julien Bouquet, Mattias De Gail, Victoire Dubois, Raphaëlle Gitlis, Vincent Guédon, Loïc Le Roux, Élios Noël, Florence Valéro et François Tizon
scénographie et costumes : Marguerite Bordat assistée d’Anaïs Heureux
lumière : Pascal Villmen
vidéo : Sophie Laloy
musique : Richard Comte
production COLLECTIF 2 +, Studio-Théâtre de Vitry
Ce spectacle bénéficie du soutien de la Charte d’aide à la diffusion signée par Arcadi Ile-de-France, l’OARA, l’ODIA Normandie, Réseau en scène Languedoc-Roussillon, Spectacle vivant en Bretagne et l’Onda
Crédit photos : Hervé Bellamy