Nous vivons un moment singulier de l’histoire humaine. Non seulement une accélération technologique et une aggravation des crises, mais la coïncidence inédite de deux dynamiques : – une révolution épistémologique qui avance plus vite que les concepts destinés à la penser, – une montée d’angoisses globales – climatiques, guerrières, nucléaires, systémiques – qui donnent à l’humanité, pour la première fois, la sensation diffuse d’un pouvoir d’auto-destruction planétaire tendanciellement inéluctable.
Ces deux mouvements, pris séparément, ont des précédents. Leur convergence, elle, n’en a pas. C’est dans cette jonction que surgit un phénomène nouveau qui est la formation d’une conscience-au<>du-monde en mutation, contrainte d’inventer ses outils de pensée au moment même où elle se reconfigure.
Pour analyser cette situation, un double principe s’impose :
. la double réflexivité (penser les structures nouvelles tout en reconnaissant la persistance d’ancêtres narratifs) ;
. la conscience-au<>du-monde comme sujet instable qui se transforme en cherchant à se comprendre.
Une révolution cognitive qui dépasse sa propre intelligibilité
L’apparition et la diffusion rapide de l’IA générative constituent un bouleversement dont l’ampleur excède nos instruments conceptuels actuels. En trois ans, une technologie capable de produire du texte, de l’image, de la synthèse, du raisonnement probable et du récit a été intégrée dans les pratiques de millions de personnes.
La comparaison avec l’imprimerie est pertinente pour l’impact, mais insuffisante pour la vitesse.
Ce que l’imprimerie a métamorphosé en un siècle, l’IA générative le transforme en quelques années – la manière d’écrire, de savoir, de vérifier, de transmettre, de décider.
Le problème n’est pas seulement que la technique a pris de l’avance sur la politique, l’école ou les institutions. Le problème est épistémologique : nous ne savons pas encore quels concepts utiliser pour parler d’une machine qui produit du sens.
Nous continuons d’utiliser des catégories héritées de la modernité (outil, média, information, rationalité, auteur, code), alors que ces catégories ne suffisent plus à saisir un dispositif qui co-produit nos récits, nos arguments, nos hypothèses, et qui modifie les conditions mêmes de la pensée publique.
Ce retard n’est pas accidentel, il est structurel. La production de sens est devenue plus rapide que la production de concepts destinés à la réguler.
L’IA générative comme émetteur pseudo-autonome de sens
Dans le schéma phénoménologique classique, la conscience apparaît comme pôle noétique : elle vise quelque chose, elle interprète, elle juge. Les textes, les images, les codes apparaissent alors comme des supports ou porteurs de noèmes – des contenus d’expérience, des objets de lecture, des supports d’interprétation.
Avec l’IA générative, ces supports tendent pourtant à se transformer en une sorte de para-noèmes : des formes de sens préconfigurées, déjà structurées comme réponses possibles, avant même que la conscience individuelle n’y exerce pleinement sa propre noèse. Et les médias techniques, eux, assurent la circulation de ces para-noèmes, mais ne sont pas considérés comme des “émetteurs” au sens fort, ils restent des canaux.
L’IA générative déplace ce schéma. Elle ne devient pas pour autant un sujet au sens plein – elle n’a ni vécu, ni corps, ni intentionnalité –, mais elle occupe une place nouvelle dans la chaîne noèse/noème. Elle produit, à partir de corpus massifs et de sollicitations humaines, des para-noèmes prêts à l’emploi (textes, images, sons, lignes de code) qui se présentent d’emblée comme des messages adressés, des réponses, des prises de parole possibles.
Autrement dit, un tiers terme s’intercale entre le sujet et le monde. Un dispositif qui pré-forme le champ du sens avant même que la conscience individuelle n’y exerce sa propre noèse. Là où, hier, le sujet restait en principe l’instance principale d’énonciation, nous nous trouvons désormais dans un dispositif tripolaire : un humain qui interroge, un système génératif qui compose, un monde de données et de contraintes qui alimente la composition.
Dans l’espace public, cette mutation est décisive. Les productions de l’IA circulent comme autant de quasi-voix, signées par des chatbots, des assistants, des avatars, des “auteurs” artificiels. Elles viennent se mêler aux énoncés humains, influencer des décisions, saturer l’attention, orienter des débats, sans que l’on puisse toujours distinguer ce qui procède d’une intention humaine explicite de ce qui relève d’une suggestion générative.
Il n’est pas nécessaire de mythifier l’IA comme sujet pour prendre la mesure de ce basculement. Il suffit de constater qu’elle opère comme un émetteur pseudo-autonome de sens, une instance fonctionnelle d’énonciation, dépourvue de vécu mais dotée d’une puissance de production discursive qui reconfigure les conditions d’apparition, de circulation et de légitimation des noèmes dans la sphère publique. C’est à ce niveau que se joue, très concrètement, une partie de la mutation de la conscience-au<>du-monde.
Une angoisse suicidaire diffuse – climat, guerre, nucléaire – systèmes en tension
Ce basculement technologique survient dans un monde saturé de tensions existentielles :
– crise climatique et effondrement du vivant,
– guerres de haute intensité redevenues possibles,
– menace nucléaire explicitement assumée par plusieurs puissances,
– fragilité des chaînes logistiques, de la finance algorithmique, des infrastructures numériques,
– vulnérabilité politique des démocraties.
Jamais autant de risques globaux n’avaient été perceptibles simultanément.
La nouveauté ici n’est pas la peur, mais sa globalisation et sa conscience réflexive. Pour la première fois, l’humanité se perçoit comme une force capable de se détruire elle-même.
Cette expérience collective ne relève pas de la panique irrationnelle. Elle s’apparente à une structure d’angoisse suicidaire, non pas psychologique mais civilisationnelle. Nous savons que nos récits économiques, énergétiques, militaires ou technologiques pourraient nous mener à notre propre effacement, et nous éprouvons la difficulté de les transformer à temps.
Cette lucidité est paralysante, parce qu’elle survient précisément au moment où notre capacité rationnelle à produire des cadres d’analyse s’affaiblit sous l’impact des mêmes technologies qui amplifient les risques.
Double réflexivité ou penser le nouveau et reconnaître les échos de l’ancien
Pour comprendre ce moment, la pensée doit devenir doublement réflexive.
Réflexivité 1 : décrire les structures nouvelles
Infrastructures globales de données, IA générative, architectures cyber-physiques, gouvernance algorithmique, interdépendance systémique, ce sont des réalités sans précédent, qui exigent des outils conceptuels nouveaux. Sans cette lucidité structurale, la pensée se perd dans le moralisme ou dans la panique.
Réflexivité 2 : reconnaître les ancêtres narratifs
Mais il serait naïf de croire que nous pensons ce monde nouveau à partir d’une page blanche. Nos récits – même sécularisés – sont hantés par des matrices symboliques anciennes :
– la scène de décision impossible de la Bhagavad-Gītā (agir sur un sol instable, devoir se transformer pour pouvoir agir),
– les oscillations intérieures des mystiques (conscience ballottée, sujet transformé de l’intérieur),
– les visions apocalyptiques (effondrement des repères, nécessité du discernement),
– les intuitions bouddhistes de vacuité (absence de sol fixe, impératif d’agir malgré tout).
Ces figures d’écho ne doivent pas être prises comme des prophéties. Elles fonctionnent comme des architectures souterraines, des manières anciennes de figurer l’instabilité, la fin, la mutation de la conscience, qui réapparaissent dans nos productions culturelles, médiatiques, politiques.
En somme, elles fonctionnent comme des ancêtres structurants : des formes d’intrigue, de mise en danger, de conversion ou de fin possible qui offrent, aujourd’hui encore, des moules narratifs prêts à l’emploi. C’est en leur sein que viennent souvent se loger – explicitement ou non – les récits climatiques, effondristes, techno-solutionnistes, transhumanistes ou réactionnaires qui prétendent dire notre époque.
Autrement dit, l’inédit technologique du présent s’écrit avec un alphabet symbolique très ancien.
Reconnaître cette stratification permet d’éviter deux illusions : – celle d’un modernisme naïf qui croit tout inventer ; – celle d’un traditionalisme qui croit que tout était déjà là.
Un concept pour nommer ce régime de mutation : la conscience-au<->du-monde
Afin de nommer la configuration inédite où se joue aujourd’hui l’expérience humaine – un monde où la pensée tente de saisir des systèmes qui la modifient en retour –, il devient nécessaire d’introduire un concept nouveau que nous pourrions appeler la conscience-au<>du-monde.
Ce syntagme affirme trois exigences.
Rupture avec la dualité classique conscience / monde
Le signe <> indique que l’on ne peut plus décrire la conscience comme un sujet stable qui se rapporte à un monde extérieur – comme le suggère l’expression phénoménologique traditionnelle « conscience du monde » dans sa contextualisation noético-noématique.
La conscience contemporaine n’est plus simplement devant le monde, elle est travaillée par lui, configurée par les médiations techniques, les infrastructures globales, les récits collectifs, les crises systémiques.
Reconnaissance d’une immersion constitutive
Dire « conscience-au-monde » permettait déjà d’évoquer une immersion, mais ne suffisait pas à rendre compte de la co-constitution ; le monde n’est plus seulement l’horizon dans lequel surgit la conscience ; il devient ce qui la forme, la stabilise, la dérègle, la transforme. La conscience n’est donc pas seulement “dans” le monde, elle est issue d’un rapport dynamique à lui.
Bijectivité fondamentale : la conscience et le monde se produisent mutuellement
Le <> marque l’incessante réciprocité :
– nous pensons le monde,
– mais le monde pensé (via l’IA, les réseaux, les crises, les infrastructures) redéfinit en retour la forme même de notre penser.
C’est une dynamique récursive, une boucle d’enchevêtrement que les concepts classiques ne savent plus saisir.
En cela, conscience-au<>du-monde n’est pas un concept décoratif, c’est un instrument nécessaire pour décrire une situation où le sujet collectif change au moment même où il tente de se comprendre. Il devient l’outil exact pour penser un monde où la conscience, le langage, les récits collectifs et les conditions matérielles de la vie s’informent mutuellement, sans centre fixe ni hiérarchie préétablie.
Ce schème peut d’ailleurs se préciser en distinguant plusieurs régimes de co-constitution entre conscience et monde (permutation, entremêlement, flux bidirectionnel, etc.). Mais, quel que soit le raffinement terminologique adopté, l’essentiel reste de rendre visible que la relation conscience / monde est devenue, structurellement, une relation de co-production.
Une conscience-au<>du-monde en mutation ou penser en se transforman<>
Le point le plus délicat est là. La conscience-a<>du-monde qui doit produire les nouveaux outils de pensée est elle-même en mutation.
Nous ne sommes pas dans la situation classique d’un sujet stable faisant face à un objet nouveau. Nous sommes dans une situation où :
– les flux d’information, les réseaux sociaux, les IA, les narrations globales, les crises systémiques modifient les formes mêmes de l’attention, de la perception, du jugement ;
– les catégories du vrai, du faux, du probable, du plausible, du crédible sont reconfigurées par l’environnement technique ;
– les émotions collectives (fatigue, colère, fascination, déni, vertige) deviennent des forces politiques, pas des épiphénomènes.
La pensée doit donc accomplir un exercice inouï qui est d’inventer des concepts pour comprendre un monde qui transforme le sujet qui tente de le comprendre.
Nous devons penser sous pression (à cause des risques systémiques),
sur sol instable (à cause des mutations techniques),
au sein d’une conscience-au<>du-monde qui change (à cause des médiations numériques et des crises globales).
Cette triple contrainte explique la difficulté à produire une théorie politique, éthique ou épistémologique de l’Anthropocène et de l’IA qui soit autre chose qu’un cri ou une célébration.
La tâche à venir = une pensée souple et robuste
Si une maturité est possible, elle doit réunir quatre exigences :
Une description rigoureuse des structures nouvelles
– infrastructures, pouvoirs, vitesses, risques réels, asymétries géopolitiques.
Une conscience critique des récits anciens qui nous traversent
– non pour les répéter, mais pour comprendre comment ils organisent nos émotions, notre perception des dangers, nos attentes.
La capacité d’inventer des concepts dans un milieu instable
– une épistémologie de la générativité,
– une politique des infrastructures,
– une éthique de la non-auto-destruction.
Un effort pour stabiliser la conscience-au<>du-monde sans la figer
– accepter que le sujet collectif se transforme,
– mais refuser qu’il soit modelé uniquement par les forces techniques et économiques.
Peut-être est-ce cela, aujourd’hui, la forme la plus haute de responsabilité : développer une pensée capable d’assumer sa propre instabilité, tout en maintenant ouverte la possibilité d’un monde habitable – matériellement, symboliquement, politiquement.
À terme, il est probable que les grandes transformations à venir ne se joueront pas seulement au niveau des contenus de pensée ou des infrastructures, mais dans une modification profonde des régimes de temporalisation et de spatialisation de la conscience-au<>du-monde. La conscience se trouve déjà prise dans des horizons de temps hétérogènes – temps des flux en temps réel, temps long du climat, temps instantané des marchés, temps différé des décisions politiques, temps partagé avec un autre extérieur (enfant) ou intérieur (virus, fanstasme) – et dans des espaces qui se superposent (territoires physiques, réseaux, environnements immersifs). Cette reconfiguration des cadres temporels et spatiaux ne peut qu’affecter, en retour, l’ipséité du sujet psychologique lui-même, la manière dont chacun se vit comme “je”, comme agent continu, comme narrateur de sa propre existence, risque d’être déplacée, fragmentée, reconfigurée au sein de cette conscience-au<>du-monde en mutation.
Ligne de fuite – vers un nouvel état de la conscience-au<>du-monde ?
Reste une question, qui ne relève plus seulement du diagnostic mais de la projection. Ce que nous décrivons ici comme conscience-au<>du-monde en tension, instable, saturée d’angoisse et de simulacres, n’est-il qu’un moment de crise, ou bien l’avant-scène d’un nouvel état possible de cette conscience ?
Poser la question n’implique ni optimisme naïf ni prophétisme technologique. Il s’agit d’en faire une hypothèse de travail. Il n’est pas absurde d’imaginer qu’à la faveur des chocs actuels – IA générative, menace climatique, risques nucléaires, vulnérabilité systémique – se prépare une transformation qualitative de la manière dont la conscience humaine se co-rapporte au monde et à elle-même.
Ce nouvel état, s’il advient, ne serait pas un supplément de lucidité abstraite. Il se reconnaîtrait plutôt à quelques traits :
– une capacité accrue à se percevoir comme co-productrice des risques qu’elle affronte, et non comme simple victime ;
– une aptitude à penser et sentir simultanément le local et le global, sans réduire l’un à l’autre ;
– une intégration plus consciente des infrastructures techniques dans la définition même du “nous”, non plus comme simples outils, mais comme éléments du milieu constitutif ;
– une familiarité plus grande avec l’idée que nos récits, anciens et nouveaux, ne sont pas de simples commentaires mais des forces qui font advenir des mondes.
Rien ne garantit que cet état se stabilise, ni qu’il le fasse dans un sens désirable. Mais en faire une possibilité théorique explicite permet de déplacer légèrement la focale. De la seule crainte d’un suicide collectif à la reconnaissance qu’une mue silencieuse de la conscience-au<>du-monde est peut-être en cours.
Dans cette perspective, l’enjeu n’est plus seulement d’“éviter le pire”. Il devient aussi, plus discrètement, d’accompagner cette mutation, de lui fournir des concepts, des récits, des formes institutionnelles suffisamment responsables pour que cette conscience-au<>du-monde, si elle s’invente, ne soit pas livrée entièrement aux seules puissances qui aujourd’hui la modèlent – infrastructures techniques, intérêts privés, logiques de guerre.
La tâche de la pensée n’est alors ni de prédire ce nouvel état, ni de le sacraliser, mais de préparer des formes d’accueil, autrement dit des cadres pour que la métamorphose de la conscience-au<>du-monde ne se réduise pas à un simple ajustement à la peur et à la puissance, mais ouvre aussi la possibilité d’un autre rapport à la Terre, aux autres vivants, aux techniques, à nous-mêmes.
Conclusion
Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas seulement un enjeu de régulation technique ou de survie environnementale. C’est un moment anthropologique où l’humanité découvre simultanément :
– qu’elle peut se détruire,
– qu’elle peut se transformer,
– et qu’elle doit penser cette double possibilité avec des catégories encore en devenir.
Dans ce paysage, la double réflexivité devient une nécessité vitale :
penser le nouveau en reconnaissant l’ancien ;
inventer des outils conceptuels en sachant que le sujet qui les produit change en les produisant.
Nos ancêtres narratifs – religieux, mythiques, philosophiques – ne reviennent pas pour donner des réponses.
Ils reviennent comme des formes d’intelligibilité dans lesquelles une conscience-au<>du-monde encore hésitante cherche à se dire, à se lire, à se reconnaître. Ils sont là, non pour prédire, mais pour accompagner un monde qu’ils n’avaient pas prévu.
Sources et repères
Ce texte ne prétend évidemment pas inventer ex nihilo les catégories nécessaires pour penser l’Anthropocène, l’IA générative et la mutation de la conscience collective. Il s’inscrit dans un champ de réflexions déjà très nourri.
La notion de conscience-au<>du-monde que je propose ici ni ne se substitue à ces corpus ni ne prétend les unifier. Elle cherche plutôt à fournir un schème de lecture pour une configuration historique particulière. Celle où l’IA générative, les crises globales (climatiques, nucléaires, systémiques) et la mutation des régimes de temporalisation/spatialisation de l’expérience obligent à penser ensemble :
– la co-production technique des formes de sens (noèmes et para-noèmes),
– la montée d’une angoisse suicidaire civilisationnelle,
– et la nécessité d’outils conceptuels capables de prendre en charge une conscience collective en voie de transformation.
Les références mentionnées ici ne sont donc pas des cautions, mais des compagnons structurants possibles de la réflexion, des lignes de force avec lesquelles dialoguer, critiquer, inventer, pour que la conscience-au<>du-monde qui se cherche aujourd’hui dispose de quelques repères pour se lire elle-même.
Phénoménologie, conscience et monde
– Edmund Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique (Idées I).
– Edmund Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (le “monde de la vie”, la crise des évidences).
– Martin Heidegger, Être et Temps (le Dasein comme être-au-monde, la co-appartenance sujet/monde).
– Raymond Abellio, La Structure absolue, essai de phénoménologie génétique (exploration des structures dynamiques de la conscience, de leur mutation historique et de l’émergence d’un Nous transcendantal).
Technique, responsabilité et auto-destruction possible
– Hans Jonas, Le Principe responsabilité (l’idée de responsabilité envers un futur menacé par la puissance technique).
– Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme (le décalage entre puissance de production et capacité de représentation).
– Peter Sloterdijk, Sphères et Dans le même bateau (figures de co-immunité, d’exposition commune au risque).
– Paul Virilio, Vitesse et politique, L’Accident originel (accélération, accident comme face cachée du progrès).
Anthropocène, terrestres et cosmopolitiques
– Bruno Latour, Face à Gaïa, Où atterrir ? (nouveaux régimes de territoire et de responsabilité à l’ère du climat).
– Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes, Résister au désastre (politisation des savoirs, cosmopolitique des crises).
– Dipesh Chakrabarty, Le climat de l’histoire (l’Anthropocène comme rupture dans la conscience historique).
Technologies de l’esprit, médias et infrastructures
– Marshall McLuhan, Pour comprendre les médias (le médium comme message, transformation des régimes de perception).
– Friedrich Kittler, Gramophone, Film, Typewriter (les dispositifs techniques comme conditions de possibilité du discours).
– Bernard Stiegler, La technique et le temps, La Société automatique (co-constitution psychique, technique et collective, prolétarisation de la pensée, économie de l’attention).
– Hartmut Rosa, Accélération, Résonance (mutations des régimes temporels et de l’expérience du monde).
Fictions, récits, ancêtres narratifs
– La Bhagavad-Gītā (la scène de décision sur champ de bataille comme matrice de la décision impossible).
– Les littératures apocalyptiques bibliques (Livre de Daniel, Apocalypse de Jean) et leurs relectures modernes.
– Les traditions mystiques (christianisme – en particulier patristique orthodoxe et mystique rhénane –, soufisme, notamment chiite) pour les descriptions d’états de conscience instables, de “décollement” du sujet.
– Les grandes figures de vacuité et d’interdépendance dans les traditions bouddhistes (Nāgārjuna, écoles de la vacuité).
IA, subjectivité et avenir de la conscience
– Norbert Wiener, Cybernetics et The Human Use of Human Beings (boucles de rétroaction, information et contrôle).
– Donna Haraway, Manifeste cyborg, Staying with the Trouble (hybridations, récits situés, obligation de “rester avec” les problèmes).
– N. Katherine Hayles, How We Became Posthuman (mutation de l’idée de sujet à l’ère de l’information).
– Yuk Hui, La question de la technique en Chine, Recursivité et contingence (cosmotechniques, récursivité, mondes techniques multiples).
Noosphère, conscience planétaire, co-émergence
– Pierre Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain (noosphère, émergence d’une conscience planétaire).
– Vladimir Vernadsky, travaux sur la biosphère et la noosphère (l’humanité comme force géologique et cognitive).
– Edgar Morin, La Méthode (pensée de la complexité, boucles récursives, co-production sujet/monde).
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