Manon Bourhis, originaire du Finistère, est l’illustratrice Grafam. Dans ses compositions à la dynamique vintage et à la forte résonance musicale, des personnages prennent vie de manière légère et colorée, une ribambelle de références à leur actif. Rencontre.
Avec une mère et un grand frère qui dessinent, les astres étaient semblent-ils bien alignés pour que la Finistérienne Manon Bourhis, connue sur les réseaux sous l’alias Grafam, développe une passion. Ses créations graphiques sont un concentré coloré de ses inspirations passées et présentes dont elle a accepté de parler en une journée hivernale, autour d’une boisson chaude.
Avant de s’épanouir dans cette discipline, la diplômée en design graphic à l’école MJM Graphic Design de Rennes a suivi une formation dans le social. La réalisation d’une documentation fictive et une communication visuelle (affiches, flyers, etc.) dans le cadre d’un cours l’a fait tomber dans le graphisme. Et c’est lors de sa deuxième année à MJM, en alternance dans une boîte dans laquelle elle faisait de l’illustration jeunesse, qu’elle découvre la tablette graphique, devenue son outil de prédilection. « J’avais déjà les idées, mais le style est devenu plus coloré avec la tablette », déclare Grafam qui a découvert, grâce à l’outil qui ne la quitte plus, de multiples pinceaux et de palettes colorimétriques.
Manon Bourhis de son vrai nom a développé un style étincelant et joyeux marqué par des formes figuratives ondulées et des compositions aux couleurs vives. « Je n’ai jamais réussi à dessiner de manière réaliste, je suis un peu restée dans le dessin de base, ce qui a donné ses formes en vague », précise-t-elle. Son style s’est affiné et renforcé au fur et à mesure que l’illustratrice affirmait sa personnalité, en grandissant. « Au lieu de suivre ce qu’on me disait de faire à l’école – pour un peu lisser les élèves, mais c’est seulement mon ressenti -, j’ai préféré y aller à fond et continuer dans cette voie. »
Manon lance finalement sa micro-entreprise en juin 2023, après s’être fait une petite notoriété en ouvrant un compte Instagram. Son blase : Grafam, une référence aux mondes du graphisme et du graffiti et à la femme. Son logo : une lune personnifiée qu’elle met en scène régulièrement, dans un clin d’œil à sa fascination depuis enfant pour l’astronomie et l’univers, à l’expression « Être dans la lune » et au féminin. « Je me rends compte que je fonctionne beaucoup avec l’enfance. » Dans le prolongement de cette idée, ses sources d’inspiration ont évolué au fur et à mesure qu’elle se nourrissait visuellement, mais l’illustratrice a toujours été attirée par le vintage, les motifs et les couleurs.
Les références sont multiples dans les coups de stylet de Grafam. Ils naissent dans l’histoire de l’art, se prolongent dans le milieu musical et créent une boucle avec la vie quotidienne.
On retrouve dans les couleurs son amour des années 70 et 80 et les peintures de Vincent Van Gogh. Dans ses arabesques, on décèle une pointe d’Alfons Muchas et d’Art nouveau en général, dans ses déformations de corps elle avoue un intérêt mesuré pour l’oeuvre de Pablo Picasso, « en séparant l’artiste de l’homme bien sûr », précise-t-elle quand même. Son rapport à la courbe et l’aspect féminin de Nikki de Saint-Phalle inspire également Manon bien que cette dernière privilégie les personnes androgynes ou non-genrées. « C’est un sujet actuel qui me touche et une cause qui me tient à cœur, on est dans l’acceptation des différences », exprime-t-elle. « Je trouve aussi que les personnes androgynes ont un style et un charisme qui m’attire visuellement. »
Son grand intérêt pour la musique se découvre dans un premier temps dans le format carré qu’elle choisit parfois pour ses dessins que l’on rapproche facilement aux pochettes d’album ou de vinyles, et son affection pour le rock dans ses compositions et leur dynamique générale. « Faire des pochettes d’album, c’est un peu un rêve. » Mais la musique en elle-même se révèle aussi une source d’inspiration. La dessinatrice associe à ses idées des morceaux et des ressentis qu’elle a envie d’exprimer à l’écoute d’une chanson. « C’est parfois des paroles de musique ou un feeling que j’ai eu avec une musique que j’ai écouté », comme L’amour à la plage de Niagara ou Time is running out de Muse, « Je suis toujours en retard, et l’idée de courir après le temps me parler. »
Aux bars et à l’ambiance qui s’y dégage, l’illustratrice ajoute les conversations avec des potes et la famille, ou en soirée. « Il y a souvent des anecdotes rigolotes qui me donnent envie de faire un dessin ou des petites bandes dessinées publiées sur son compte. »
Si ses créations rappellent par certains aspects le travail en noir et blanc de la bédéaste suédoise Liv Strömquist, ce n’est pas un hasard puisque la bande dessinée est un des projets de Grafam dont le père est un grand lecteur de bds. « Zanzim donne des cours aux premières années de Design Graphic à MJM. Il faisait souvent le lien avec la bd, ce qui m’a donné envie d’en faire. » Les bds et les romans graphiques tels Backstage, ma vie de dominatrice d’Anna Rakhmanko (dessin) et Mikkel Sommer (texte), Radium Girl de Cy et La Baleine bibliothèque de Judith Vanistendael à l’illustration et Zidrou au texte comptent parmis ses références.
« La scène graffiti est très inspirante aussi, il y a quelque chose de brut et des styles différents qui flashent. C’est une revendication, et l’art c’est ça aussi. » L’illustratrice avoue d’ailleurs qu’elle est parfois titillée par l’envie d’essayer. Alors, si vous croisez au cas d’un mur d’expression libre une lune souriante ou des silhouettes ondulant sur un mur, ce sera peut-être elle…
Retrouvez les illustrations de Grafam sont pour le moment disponibles à la friperie Vacarme à Rennes, la boutique La Bonne aventure à Brest et Vintage factory à Quimper et Concarneau.