H+ explore la quête de l’immortalité à la croisée de l’héritage pythagoricien et du projet transhumaniste. Un roman-feuilleton publié par Unidivers à raison d’un chapitre par jour.
Les précédents chapitres se trouvent ici : [1] [2] [3] [4] [5] [6]
Chapitre
« Le transhumain est un homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même en déployant de nouveaux possibles de et pour sa nature humaine. » (Aldous Huxley)
« L’espèce humaine peut, si elle le souhaite, se transcender non seulement de façon sporadique – tel individu d’une certaine manière, tel individu d’une autre manière – mais dans son intégralité en tant qu’humanité. Nous avons besoin d’un nom pour cette nouvelle croyance. Le terme de transhumanisme pourrait être adapté : l’homme restant homme, mais se dépassant lui-même, en réalisant de nouvelles possibilités de et pour sa nature humaine.
“Je crois au transhumanisme”. Une fois qu’il y aura suffisamment de personnes pour l’affirmer, l’espèce humaine sera au seuil d’une nouvelle forme d’existence, aussi différente de la nôtre que celle du Chinois. Il va enfin remplir consciemment son véritable destin. » (Julian Huxley)
« Liberté : c’est-à-dire la chance offerte à chaque homme (par suppression des obstacles et mise en commun des moyens appropriés) de se transhumaniser. » (Teilhard de Chardin)
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Territoire autonome de Transhumanis, habitat flottant Seasteading à 1 km des côtes de la Polynésie française, Océan pacifique, 200 jours avant
Voilà la tour d’ivoire et le vaisseau amiral de Peter Thiel, américain d’origine allemande, philosophe libertarien, entrepreneur transhumaniste, fondateur du facilitateur transactionnel PayPal et de Palantir, éditeur de logiciels d’analyses scientifiques et des données issues du Big data. Également actionnaire du réseau Facebook (que Marc Zuckenberg a fondé grâce à son argent), sa fortune est estimée à plusieurs milliards de dollars. Cheville ouvrière de tout ce que la Silicon Valley, l’Université de Stanford et la ville de San Francisco comptent d’ambitieux entrepreneurs du Web, son rejet grandissant des institutions et son engagement en faveur de l’élection du républicain Donald Trump en 2016 a fortement dégradé son environnement relationnel jusque-là beaucoup plus démocrate. C’est pourquoi il a décidé de quitter la Californie et d’emménager au large de la Polynésie française dans la première île flottante de l’histoire humaine dont il a imaginé et financé la construction. Elle réunit une centaine d’habitations distribuées autour du bâtiment principal de sept étages qui abrite Transhumanis, l’Académie des Adolescents surdoués, ainsi que les appartements de Peter Thiel et de son mari Matt Danzeisen.
Si la luxueuse suite du couple se trouve au dernier étage à côté de l’héliport, leurs bureaux sont situés à l’opposée, dans l’eau, juste sous le socle de l’île construit à base d’écomatériaux et de béton armé truffés de millions de bulles d’hélium. Ni murs ni plancher, à proprement dit, mais une vaste pièce arrondie de quatre mètres de haut délimitée par d’épaisses parois de verre. À l’extérieur, dans l’eau cristalline de l’océan pacifique filent des poissons exotiques au gré des obstacles naturels : bouquets d’algues bleutées, amoncellements de petits cailloux dorés et toute une luxuriante flore aquatique argentée par la caresse de la lumière naturelle. À l’intérieur, l’eau dans une oublieuse oscillation miroite en vagues sur le mobilier – un large bureau d’architecte, un bar sorti tout droit d’un western, quelques étagères posées négligemment de-ci de-là, des fauteuils de relaxation, un vaste écran mural qui affiche différents dossiers, chaînes d’information et tableaux graphiques. Vagues reflets également sur le sofa en matières végétales dessiné par Philippe Starck et édité par Cassina en exclusivité pour Peter et Matt qui y sont sagement assis.
– Bienvenue Sarah ! … s’exclament de concert Peter et Matt en se levant à l’entrée de la jeune Israélienne de 13 ans au sourire de Joconde et aux grands yeux perçants.
– Je suis Peter et voilà Matt. Approche-toi, et viens t’asseoir avec nous.
Voyant la jeune fille un peu embarrassée du haut de son mètre cinquante, Matt lui indique un petit fauteuil de style anglais avant d’ajouter :
– Tu veux boire quelque chose ?
Sarah fait non de la tête. Peter reprend :
– Ton arrivée s’est bien passée, tu es contente de ta chambre ?
Sarah fait signe que oui.
– As-tu déjà fait connaissance de tes deux camarades de chambre, Aïcha qui est d’origine algérienne et Saba qui est éthiopienne ?
Sarah fait signe que oui. Au tour de Matt de rebondir :
– Tes instituteurs nous ont dit le plus grand bien de toi. Vous allez faire un beau trio avec Aïcha qui est obsédée par la peinture, les chats et la physique quantique et Saba qui, avec 142 de QI, parle couramment six langues dont le mandarin.
Sarah ne répond rien, mais ses jambes modifient un peu leur position.
– Eh bien, encore une fois, sois la bienvenue à Transhumanis !
Peter laisse passer un instant en quête d’une hypothétique réaction, mais le visage de la jeune fille reste impassible.
– Comme tu le sais, c’est moi qui ai créé l’île artificielle de Seasteading. Quant à Matt, il est non seulement ton tuteur légal, depuis que tu as obtenu la nationalité américaine il y a un mois, mais il dirige également l’école Transhumanis où tu vas poursuivre tes études. Tu vas voir, c’est une école bien différente de la Maison de Jérusalem où tu as étudié cinq ans. Pour le moment, l’Académie réunit déjà 682 élèves qui ont entre 13 et 17 ans et au minimum 125 de QI. Il va te falloir un petit temps d’adaptation étant donné qu’il y a peu de filles, surtout des garçons et presque tous blancs ou asiatiques.
Alors que Sarah n’avait pas prononcé un mot depuis son entrée dans cet impressionnant aquarium, sans doute un peu abasourdie par le volume et le silence mouvant de la vie aquatique, sa question a fusé d’un coup sans que son sourire ni son regard ne cillent :
– Vous n’aimez pas les filles, qui plus est une juive à la peau mate ?
Un instant décontenancé, Peter calcule sans tarder la meilleure répartie :
– Pas du tout ! Pas du tout. D’ailleurs, ta marraine Cixi qui t’a ramenée de Jérusalem est chinoise et c’est ma meilleure amie ! Tu vois, je ne suis ni misogyne ni raciste. Seulement, si on ne veut pas risquer de faire baisser le niveau de la future élite mondiale, il vaut mieux…
… C’est par un toussotement appuyé que Matt interrompt son mari pour prendre la parole :
– Ma petite Sarah, c’est une grande joie pour nous de t’accueillir à l’image de tous les adolescents et adolescentes qui ont la chance de venir étudier à Transhumanis, notre Académie qui réunit les plus brillants jeunes cerveaux de la planète. Tu vas y trouver toutes sortes de matériel, de laboratoires et des enseignants à ta disposition. Tu vas pouvoir donner corps à plein d’idées que tu vas imaginer en synergie avec tes enseignants et tes camarades. Ici, pas de notes, pas de concours, pas de diplômes, un seul objectif : créativité, inventivité, singularité ! Et peut-être que, dans peu de temps, tu deviendras riche et célèbre ! Mais Transhumanis, ce n’est pas que du sérieux, ne t’inquiète pas ! Toutes sortes d’activités artistiques, sportives et ludiques t’attendent, notamment tout plein de sports nautiques grâce à l’océan qui nous entoure. Il y a tout ici pour être heureuse ! Alors, Sarah, est-ce que tu penses que cet environnement génial va te plaire ?
– Oui, Monsieur… répond la jeune fille sans que ni son sourire ni son regard ne bouge d’un iota.
– Ah non, pas de Monsieur ! Pas de Moooonsieur, pitié ! lui répond Matt d’un ton faussement vexé…
– À Transhumanis, tout le monde s’appelle par son prénom. Appelle-nous Peter et Matt ! D’accord ?
– D’accord.
– Maintenant que nous avons fait connaissance et que tu as découvert notre bureau (pour info, tous tes camarades le surnomment « l’aquarium »), je vais tout de suite t’emmener découvrir le reste de l’école, les salles de conférence, les laboratoires, les deux restaurants (un végétarien, un végétalien), tes camarades et les adultes qui vont t’accompagner durant les quatre années de ton parcours H+.
– H+ ?…
– Oui, H+. Tu as déjà entendu parler de ce symbole ?
– Je ne crois pas…
– H+, ça signifie homme plus, homme augmenté, post-humain, surhomme, homme-dieu – un peut tout cela. Il résume le mouvement transhumaniste.
– Ah Ok : H+, c’est le symbole du transhumanisme !
– Donc, tu connais ?…
– Bien sûr, à Jérusalem, nos maîtres nous en parlaient souvent. Le transhumanisme, c’est vouloir un monde meilleur en améliorant la vie des hommes, faire des recherches et inventer des choses pour que les hommes souffrent moins, pour qu’ils soient heureux et vivent plus longtemps.
– Tu peux me donner des exemples ?
– Ben, les lunettes augmentées pour la vue ou un micro-ordinateur connecté au cerveau pour penser plus vite ou des jambes bioniques qui courent vite et longtemps en fatiguant peu le corps ou des médicaments qui réparent très vite les bobos et les maladies. Pleins de trucs dans le genre.
– Tout à fait, Sarah. Tes maîtres t’ont bien expliqué. Le transhumanisme englobe les techniques visant à éliminer le vieillissement et à améliorer de manière significative les capacités intellectuelles, physiques et psychologiques de l’être humain. C’est très bien. Et ça te plait de participer avec nous à inventer un monde meilleur ?
– Oui, bien sûr, Monsieur, bien sûr.
– Matt…
– Oui, Matt…
Pour la première fois, les lèvres de Sarah esquissent un sourire. Les traits de son visage jusque-là immobiles laissent percer sous un glacis d’intelligence le doux visage d’une enfant qui aspire simplement au bonheur.
– Formidable, Sarah, je pense que tu vas te plaire à Transhumanis, dans cette grande famille où nous mettons beaucoup en commun !
Territoire autonome de Transhumanis, habitat flottant de Seasteading à 1 km des côtes de la Polynésie française, Océan pacifique, 100 jours avant
Peter Thiel et Matt Danzeisen sont tous deux confortablement installés sur le sofa de leur aquarium. Peter a un bras posé sur l’accoudoir, un cathéter branché sur une grosse poche de liquide jaune foncé attaché à un porte-sérum derrière lui. Au-dessus de l’indication « Fresh Young Human Plasma », la marque « AMBROSIA » s’affiche en capitales.
– Bon, il reste encore combien de temps avant la fin de la transfusion ?
– Une petite demi-heure.
– Et la vidéoconférence commence quand ?
– Dans trois minutes.
– Bon, c’est pas la première fois que nos vieux potes me verront en train de sucer !…
Peter éclate de rire.
– Grand est ton humour, Peter ! Aussi grand que ta délicatesse !
Les deux époux éclatent de rire.
L’eau miroitante charrie quelques reflets de sable doré qui viennent s’éteindre à leurs pieds.
– Tu ne m’as jamais répondu, Matt : ces histoires de vampires en Roumanie, ç’a à voir avec les copains de ta secte ?
– Je n’en sais rien. Vraiment, je ne sais pas. C’est possible. Mais personne ne l’a jamais attesté. Aucune trace. Et puis, comme Karl Landsteiner, un frère autrichien, a mis au point la transfusion sanguine vers 1900, les pythagoriciens qui auraient pu s’adonner à percer les veines de jeunes humains afin de leur sucer le sang n’avaient plus aucune raison de le faire. Avant 1900, peut-être. Quant au seigneur roumain Vlad Dracul, qui a inspiré le personnage de Dracula, il était certes un ennemi sanguinaire des Turcs, mais il n’a à mon avis jamais sucé le sang de personne.
– Il était pytha, lui aussi ?
– Pas à ma connaissance.
Peter attrape un verre sur la table basse tout en s’emparant de la télécommande qu’il pointe en direction du grand écran qui occupe un pan entier de la paroi en verre de l’aquarium. Une interface de communication vidéo en groupe apparaît. La devise In transhumanitate pro nobis s’étale en lettres épaisses au-dessus de six fenêtres en attente de flux de connexion, chacune légendée d’un nom et des favicons des sociétés contrôlées : Reid Hoffman (LinkedIn, Zynga, Mozilla), Martine Rothblatt (United Therapeutics, GeoStar, Sirius Radio), Elon Musk (SpaceX, Tesla, SolarCity, Neuralink), Jeff Bezos (Amazon, Unity Biotechnology), Max Levchin (PayPal, Affirm, Palantir), Larry Ellison (Oracle, Tesla), Aubrey de Grey (SENS, Mathusalem) – la fine fleur transhumaniste de la Silicon Valley.
– D’ailleurs, à propos de transfusion, ça donne quoi les tractations avec cette société chinoise qui s’est lancée dans le commerce de sang frais avec visiblement d’excellents résultats ?
– Elle s’appelle Yongheng. Ses dirigeants ont rejeté notre proposition d’entrée au capital. Visiblement, ils refusent tous les investisseurs qui ne sont pas chinois. Pire : une autre société chinoise qui cherche à acquérir le monopole en Asie du commerce de matériel de transfusion sanguine s’est cassé les dents le mois dernier parce que son directeur n’était pas issu de l’ethnie Han qui domine la Chine.
– La Chine et le monde… Un milliard de Hans, la plus grande ethnie que la terre n’ait jamais connue…
– C’est ennuyeux en tout cas : aucune autre société ne fournit du plasma d’une telle qualité. Et seulement à 5 000 $ l’unité, contre 8 000 $ pour Ambrosia.
– Je sais. Il va falloir peut-être trouver des moyens moins conventionnels pour les convaincre.
– Mouais… vu le contexte, je doute fortement qu’on y arrive…
– On peut en parler à ta marraine pour voir si elle peut nous renseigner, voire nous aider, c’est une princesse Han tout de même…
– Fuck : j’ai oublié de te dire que Cixi m’a appelé il y a une heure ! Désolé, l’incident de ce matin m’a déboussolé, j’ai oublié de t’en parler.
– À quel propos ?
– Précisément, elle n’a rien voulu me dire au téléphone. Mais je ne l’ai jamais senti aussi excitée. Et c’est peu dire connaissant l’habituelle réserve aristocratique toute chinoise de ma marraine. Ma marraine et accessoirement ta meilleure amie, et seule amie d’ailleurs !… ajoute Matt en éclatant de rire tandis que Peter lui jette un coussin au visage en riant également tout en commentant :
– Que veux-tu, je ne comprends pas cette espèce qu’on appelle la femme. À part Cixi et, bien sûr, notre mère spirituelle Ayn Rand. Ainsi que deux ou trois spécimens sophistiqués qu’on pourrait appeler des surfemmes.
– Je sais, mon chéri, je sais… Bref, elle vient de décoller de Samos dans son nouveau Bombardier Global 6 000, elle arrive à Transhumanis d’ici une vingtaine d’heures en fonction de la durée de son escale à Los Angeles pour faire le plein.
Un signal résonne en sourdine et le picto d’un combiné téléphonique s’affiche sur le large moniteur mural. « C’est Elon – déclare Peter en appuyant sur la télécommande – J’espère que les nouvelles de son interface sont bonnes… »
À l’écran apparaît Elon Musk. Le visage aux pommettes saillantes rayonne d’une profonde intelligence, d’une confiante maîtrise de soi mêlée à une douceur généreuse. Cofondateur de PayPal, ce libertarien dirige les sociétés SpaceX, qui produit des fusées, et Tesla, qui construit parmi les meilleures automobiles au monde. Objectif : réduire le réchauffement climatique par la production d’énergie durable et empêcher la prochaine extinction de l’homme en établissant une colonie sur Mars. En parallèle, son entreprise Neuralink élabore les premières interfaces qui relient le cerveau humain à des circuits intégrés et œuvre à l’intrication, la synchronisation et la fusion de l’esprit humain et de l’intelligence artificielle. Une fois fait, le déploiement d’un avatar – une copie numérique dans le Cloud de la conscience individuelle – sera proposé aux consommateurs en parallèle ou indépendamment de leur existence dans le monde réel. Mais deux autres sonneries résonnent, et les visages de Jeff Bezos et d’Aubrey de Grey apparaissent dans leurs fenêtres à côté de celle d’Elon Musk.
Alors retentit dans la bouche des trois hommes à l’écran et des deux hommes dans l’aquarium la même salutation :
– In transhumanitate pro nobis !
– Bienvenue à notre réunion trimestrielle. Désolé, les gars, je suis en train de finir ma transfusion mensuelle… Matt et moi, on a pris un peu de retard à la suite d’un début d’incendie survenu ce matin dans Transhumanis. Rien de grave. En outre, notre ami Reid participe à une session du Groupe Bilderberg. Quant à Max et Larry, ils vous prient également de les excuser : ils ont été convoqués à Washington en urgence par une commission d’enquête de la Chambre des représentants. Du côté de Martine, toujours aucune nouvelle. Et vous, tout va bien ? Elon ?
Elon répond d’une voix fraîche portée par un grand sourire heureux :
– Tout va bien. Je viens justement de finir ma transfusion mensuelle avec le plasma commercialisé par la société chinoise Yongheng. C’est la quatrième fois que j’utilise cette marque et les résultats me semblent bien meilleurs qu’avec les poches commercialisées par Ambrosia. Je note une réelle aide à la régénération des muscles, du foie de la moelle épinière, mais surtout, contrairement au plasma d’Ambrosia, je constate une amélioration de mon odorat et de ma mémoire. À mon avis, le fait d’utiliser du plasma issu du sang frais d’enfants prépubères constitue un avantage. Ça me paraîtrait utile de se rapprocher des Chinois de la société Yongheng pour y placer nos billes…
– Matt a essayé. Mais sans succès. Matt, tu veux en dire un mot ?
– Oui, mais court. En fait, les trois dirigeants de Yongheng sont des Chinois Hans racistes. Nos infos indiquent qu’ils sont membres ou proches d’une société secrète chinoise qui gagne en puissance : le Han Power.
– C’est quoi le Han Power ? Un White Power couleur citron ?
– Son objectif – pour le moins délirant – est la soumission progressive de toutes les nations à un pouvoir mondial contrôlé par l’ethnie Han. Bref, le rapprochement entre nous et eux n’est pas pour demain… Mais, précisément, à propos de sang, Aubrey, ça donne quoi du côté de SENS ?
Aubrey David Nicholas Jasper de Grey tourne son visage et sa longue barbe de druide celte vers la webcam de son ordinateur qu’éclaire la lumière tamisée du ciel de Cambridge en Angleterre.
– Eh bien, mes équipes poursuivent leur recherche sur les sept causes du vieillissement humain afin de les contrer et d’étendre à l’infini l’espérance de vie. Évidemment, nous suivons de près les avancées en matière de transfusion de plasma et de parabiose. C’est plus qu’une piste, c’est une voie d’avenir pour la médecine régénérative, mais à condition d’être couplée avec d’autres traitements.
– Concrètement, vous faites comment ?
– Chaque jour, les équipes de SENS croisent les infos que font remonter les mouchards implantés dans les logiciels Palantir utilisés par les universités, les labos et l’industrie pharmaceutique. On travaille dur, mais la concurrence est rude avec les Russes, Allemands, Français, Chinois et même les Indiens qui s’y mettent. Sans parler du cartel Google-Alphabet-Calico de ce trou-du-cul de Larry Page qui marche directement sur nos plates-bandes… Heureusement pour nous, aucun logiciel, aucun mouchard, aucun moteur de recherche ne rapporte autant de données confidentielles que ceux produits par Palantir.
– Merci, Aubray, pour ce compliment qui me va droit au cœur. De fait, j’ai bien niqué Larry Page avec Palantir !
– C’est clair, Peter ! Cela étant dit, en parallèle des recherches d’United Therapeutics sur la méduse turritopsis nutricula qui est l’unique être pluricellulaire doté d’un cycle de vie réversible et le requin du Groenland dont l’âge peut dépasser les 400 ans, la dernière avancée sérieuse sur laquelle SENS a concentré une bonne partie des outils de renseignements, c’est un traitement à base de « poussière cellulaire ». Une équipe de chercheurs français menée par le CNRS a obtenu des résultats spectaculaires dans la régénération de lésions cardiaques, hépatiques et rénales. La version grand public de cette thérapie régénérative devrait voir le jour et rapporter une fortune. Comme on a réussi à copier les brevets et les formules secrètes, un labo de SENS vient de lancer une série d’essais. On devrait arriver à produire un traitement sûr d’ici six à douze mois. Combinée avec une transfusion régulière de plasma d’enfants, je pressens que l’effet pourrait se révéler d’une efficacité redoutable ! La suite lors de notre prochaine réunion…
– Tu es sûr que les États seraient prêts à acheter ce médicament ou cette thérapie en grande quantité et à un prix élevé ? Je te rappelle qu’on a déjà misé lourd sur la Rapamycine, la bactérie découverte sur l’Île de Pâques. Les résultats de cette cure de jouvence ont été plus que décevants et on a perdu beaucoup de fric.
– Peter, les sociétés dépensent des fortunes pour maintenir en vie des personnes dans un état où elles sont inutiles à la société. Et, au final, elles meurent. Cette thérapie régénérative à base de poussière cellulaire fonctionne quasi à 100 % sur le foie et le cœur. Elle contribue donc à optimiser les forces de production d’une société. Économiquement, il serait suicidaire pour les États de ne pas la financer. J’irai même jusqu’à dire qu’ils ont tout intérêt à l’offrir gratuitement aux populations.
– Ok, c’est ok ! Je vais donc proposer aux CNRS que nous participions à travers différentes sociétés au financement de la production grand public de leur traitement. Par contre, avec les Français, ça va durer encore des plombes avant que la mise sur le marché soit autorisée. En attendant, préviens-nous dès que ton labo l’aura mis au point pour notre propre usage – je suis impatient… Jeff, à toi la parole, et j’espère pour de bonnes nouvelles…