La galerie Pictura, au Pont des arts de Cesson-Sévigné, dédie la programmation de sa saison 2021/2022 à la thématique de la lumière. L’espace d’exposition scintille au gré des mouvements de l’installation Pizza du peintre rennais Jean-François Karst. Entre représentation du réel et illusion d’optique, la pièce monumentale interroge sur les différences de perception et l’art dans l’environnement quotidien jusqu’au 6 février 2022.
Pris par les commandes publiques, le Rennais Jean-François Karst n’avait pas réalisé d’exposition personnelle depuis longtemps. Il revient avec l’installation Pizza à la galerie Pictura, au centre culturel de la ville de Cesson-Sévigné le Pont des Arts à Cesson Sévigné, pour son plus grand plaisir, et le nôtre. Entre représentation du réel, art cinétique et perception du public, l’œuvre illumine les murs de la galerie, jusqu’au 6 février 2022, en de multiples références qui ont façonné la pratique de l’artiste peintre.
Les premières lignes de l’œuvre de Jean-François Karst se sont écrites lors de sa formation à l’ESAD (École supérieure d’Art et de Design) de Reims, puis à l’EESAB (École Européenne Supérieure des Arts de Bretagne) à Rennes. Depuis l’orée des années 2000, l’artiste s’interroge sur la représentation du réel, les frontières de l’imitation et les différentes perceptions de l’illusion. Ses questionnements lui viennent de son rapport immédiat à la peinture. « Je suis certain, qu’à un moment donné, il est toujours question de représentation. Générer des images c’est jouer avec les apparences », déclare Jean-François Karst. « Ces questions d’illusion sont très inspirantes. Elles permettent de mettre une distance critique, ironique ou comique dans l’art contemporain, un domaine qui peut encore se prendre très au sérieux. »
Face à des professeurs parfois trop académiques dans leur approche de la peinture, le futur peintre s’éloigne du regard de ces enseignants et tente d’ouvrir le débat au travers de sa pratique alors étudiante. Il bouscule les lignes en tentant de démontrer que l’on peut travailler la peinture en sortant des sentiers battus de la traditionnelle, et quelque peu archaïque, combinaison châssis, toile et peinture à l’huile. « La gouache est obtenue à partir de gomme arabique et la peinture à l’huile est réalisée à base d’huile bouillie donc la peinture est déjà un mélange en elle-même. »
Convaincu que la peinture et les arts graphiques ne dépendent pas seulement des outils que l’on utilise, il prend exemple sur ses prédécesseurs qui ne se cantonnent justement pas à un seul outil. « J’ai toujours été attiré par les artistes qui changeaient de pratique ou la faisaient évoluer librement », précise-t-il. « Ca permet d’apprendre de nouvelles situations, de nouveaux matériaux, de nouvelles mises en œuvre ou construction. » Plutôt que d’épuiser les possibilités d’un seul moyen, Jean-François Karst puise dans la diversité des matières à disposition, qu’il mixe et additionne, les uns alimentant les autres. Sa curiosité l’incite à des incartades artistiques où il flirte volontiers avec l’installation ou la sculpture pour mieux servir son propos.
Dans un monde majoritairement façonné artificiellement par la main de l’homme, l’architecture, la lumière et le spectateur sont des éléments fondamentaux de ses œuvres. « Dans une pièce comme l’espace d’exposition, des éléments agissent entre eux : l’œuvre sur le mur, le carrelage du sol, les fenêtres, etc. On a un rapport étrange à cette interaction. On n’y fait pas forcément assez attention alors que ces éléments agissent aussi sur nous », ajoute-t-il pour expliquer sa fascination pour ce qui l’entoure. Le peintre se réapproprie les matériaux de notre quotidien et questionne la représentation du réel et la perception du public face à son œuvre. Ce faisant, Jean-François Karst tend à replacer l’art dans l’environnement quotidien et à lui accorder une plus grande place, en accord avec la population environnante. Le but principal étant de démettre l’idée, parfois encore prégnante autant du côté de la population que des professionnels, que l’art ne s’adresserait qu’à une élite. Il cherche ainsi à réintégrer l’individu au centre de la pratique artistique. « Une de mes préoccupations en tant qu’enseignant à l’école d’architecture est que les étudiant.e.s soient conscient.e.s que leurs réalisations agiront sur la population. Les matériaux, les couleurs vont avoir un impact direct sur la vie des gens. »
En ça le travail de Jean-François se rapproche de celui de ces prédécesseurs de l’art cinétique, mouvement né dans les années 1960, à la fin des avant-gardes. « C’était un mouvement populaire, beaucoup d’artistes ont mis en place des motifs, des formes ou des matériaux dans l’objectif d’apporter la création artistique au plus grand nombre. Ils l’intégraient dans l’espace public : dans les stations de métro, dans les cantines ou les hôpitaux. » Dans une transgression totale pour l’époque, les artistes optico-cinétiques assumaient la notion décorative de leur travail dans une approche ouverte et accessible. Parmi les initiatives des artistes de l’art cinétique, le mouvement engagé le GRAV, groupe de recherche d’art visuel, est fondé dans le seul but de rendre le quotidien plus artistique. Les artistes effacent la figure de l’artiste et impliquent le spectateur dans le processus de l’œuvre, devenant un des mouvements contestataires et radicaux les plus importants en France. « S’il y a une préoccupation sociale dans l’art actuel, elle doit tenir compte de cette réalité bien sociale : le spectateur », dira d’ailleurs un des membres.
Héritier de cet élan de démocratisation de l’art, l’artiste rennais cherche à mettre l’art au regard de tous en s’emparant de motifs familiers de par leur présence dans le passé de chacun.e. Il crée des leurres et immerge le spectateur dans une histoire, à l’instar de l’installation Pizza, imaginée par l’artiste en 2016 « Il y a un vrai plaisir de la part du public à être piégé. »
La légèreté apparente de l’oeuvre réactivée est une de ses forces. Sa monumentalité, ainsi que sa simplicité autant que sa brillance, attirent le nouveau venant tant l’objet traité est familier. Ces supports à gâteau ou pizza en carton couvert d’un pelliculage doré se succèdent le long du mur et s’agitent légèrement au gré des ventilateurs installés ci et là dans la pièce. « Cette production vient à l’origine d’une blague », sourit Jean-François Karst. « J’ai longtemps habité à proximité d’un magasin qui vendait d’excellentes pizzas industrielles cuites au feu de bois. Dans la boite, il y avait ce plateau doré. » Amusé par l’emballage à l’apparence fort luxueuse, en comparaison du contenu, le peintre commence à accrocher les disques dans son atelier, un à un. Aujourd’hui, les murs de la galerie Pictura sont recouverts de centaines desdits disques pour une œuvre physique et forte autant dans le fond que dans la forme.
Cloutés face aux fenêtres, les disques d’aluminium à fort grammage ondulent et distillent un léger scintillement, rendant l’espace immersif. La forme, la couleur, leur multiplicité ou encore leur intégration dans l’imaginaire collectif sont autant d’éléments qui alimentent un panel infini de références.
Entre la dimension décorative et l’histoire de la peinture, l’artiste interroge l’art dans sa globalité, ne serait-ce que par le réemploi d’un objet destiné à être jeté, mais également qui se révèle être un étonnant fac-similé, et à ce qu’il renvoie. Dans l’histoire de l’art, du classicisme au street-art, l’or reste une des couleurs les plus difficile à manier. « Elle renvoie aux auréoles des peintures de la Renaissance et aux icônes colorées à la feuille d’or. »
On pense également aux soirées festives, aux décors événementiels et aux robes avant-gardistes de Paco Rabanne, issues de la première collection du couturier en 1966. « Je voulais réexpérimenter des éléments vus dans le passé, notamment dans des décors à la télévision. » À l’image de ces expérimentations avant-gardistes, le reflet crée un dynamisme, une vibration lumineuse et donne un rythme.
D’apparence légère, l’installation Pizza se révèle tout aussi mélancolique, un hommage à une époque et à l’univers dans lequel le peintre a grandi. Il oppose l’image d’un luxe en apparence à la pauvreté réelle du matériau, interrogeant ainsi l’évolution de la société après le choc pétrolier, à la fin des années 70. « Avec les années 70, on a une impression d’une apogée, autant au niveau des couleurs, des formes, que du mobilier et des vêtements », souligne-t-il. « Mais après le choc pétrolier, tout s’est arrêté. Selon moi, on a fait l’erreur de penser que l’on pouvait se passer de l’esthétique alors que ça reste important. Comment vivre dans un monde linéaire ? » Conscient de ce manque, Jean-François Karst promeut un art social et questionne l’esthétique, ce qui se passe en présence de ses œuvres. « L’art lance des débats, ouvre à la réflexion et à l’échange avec des personnes que l’on n’aurait pas rencontrées autrement. »
Jean-François s’intéresse à ce que l’œuvre devient une fois expérimentée par le public. Et pour cette raison, le peintre incite particuliers et professionnels à s’emparer de Pizza pour la faire évoluer au gré des perceptions de chacun.e. Et pour la faire vivre. Il suffit simplement de le contacter…
Du 5 janvier au 6 février 2022, Pizza, Jean-François Karst, galerie Pictura, Pont des arts, Cesson-Sévigné.
Jean-François Karst : Contact : jfkarst[@]yahoo.fr
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