Lucas Rahon présente le spectacle Lepère : Combat(s) choisi(s) au Tambour de l’université Rennes 2 mardi 2 décembre 2025
Dans la pénombre d’une chambre, un fils convoque ses idoles, les pères qui l’ont fait grandir. À commencer par David Bowie… Avec Lepère : Combat(s) choisi(s), le comédien Lucas Rahon rencontre tour à tour ces figures masculines qui ont marqué la construction de son identité.

Lucas Rahon, de la compagnie Mordre ta joue, a rencontré son idole à l’âge de 13 ans : sous le sapin de Noël, un DVD de la plus grande tournée mondiale de David Bowie. Sa folie libre et exubérante le happe. « Les costumes, la mise en scène poussée à l’extrême, c’était quelque chose qui n’existait pas. Il était plus moderne que les modèles que j’avais à l’époque. » Emballé au début par l’aspect scénique plus que musical, par sa capacité de transformation, l’adolescent est fasciné par l’espace de liberté que crée l’artiste. « Plus tard, il m’a donné des clés pour rêver autrement, pour ne pas rester dans des schémas classiques, sortir du cadre, et mieux me comprendre personnellement et intimement. »
Si le spectacle Lepère : Combat(s) choisi(s) a pris un nouvel envol en 2021, il est d’abord né de la colère, avoue Lucas Rahon, alors que le comédien terminait sa formation de théâtre à Besançon. « J’étais mis dans des cases en raison de mon orientation sexuelle, mon attitude et mes goûts. On m’interdisait de jouer certains rôles. » Ce qui était alors un sujet de fin d’études se libère de cette interdiction : dans ce format court (20 à 25 minutes), Lucas a choisi de jouer tous les rôles qu’on lui avait refusés.
Une autofiction, du personnel à l’universel
Il ne reste du projet initial que peu de choses. Moins intime et personnel, le spectacle s’inscrit désormais dans la volonté de la compagnie d’enquêter sur les mythologies qui nous construisent, en s’interrogeant sur les héritages individuels et collectifs.
Lepère est de cette veine : Lucas Rahon interroge la construction de son identité et de sa masculinité à partir des personnalités qui l’ont accompagné durant son adolescence. Dans un paysage culturel composé exclusivement d’hommes, il questionne la transmission ainsi que l’héritage culturel et familial. « Quand j’ai repris le spectacle, j’ai voulu intégrer le fait de grandir à la campagne, mais aussi laisser une place au lien avec mon père, ce qui m’unit à lui et comment il m’a influencé », explique-t-il. « Il a une culture très différente de la mienne, mais en même temps elle m’a énormément nourri. »
L’écriture est épisodique, en écho aux séries TV : dans une chambre d’adolescent, “Le Fils” dresse un album de famille où la figure du père est incarnée, narrée ou filmée. Le public suit ses réflexions, sa prise de conscience et ses choix, entre 11 et 16 ans, au fur et à mesure qu’il convoque les stars de la pop culture. « Ce côté télévisionnel a bercé mon enfance et mon adolescence, je voulais en conserver le rythme. » On retrouve aussi, dans ce choix de rythme, la vie d’une star, souvent segmentée par carrière, album ou période.


Une déclaration d’amour et de guerre
Chaque tableau convoque une figure et possède ses propres problématiques. « Une idole amène une piste de réflexion et une certaine version de la masculinité. » Entre incarnations et récits intimes, Lepère : Combat(s) choisi(s) traite de la fascination, de la tristesse liée à la disparition, mais aussi de la violence de la désillusion. « Quand on se rend compte que ce ne sont pas des personnes recommandables, que fait-on ? » Claude François, le glamour et les paillettes, mais un homme tyrannique accusé d’agressions ; Joe Frazier, un boxeur respecté à l’immense carrière qui a vrillé après un combat contre Muhammad Ali, etc. Sans en faire un tribunal, Lucas Rahon profite de la scène pour se venger de ces idoles qui l’ont déçu. On ne peut alors s’empêcher de penser à une problématique actuelle : doit-on séparer l’homme de l’artiste ?
Il ouvre par la même occasion une réflexion sur notre propre relation à nos idoles, ces personnes que l’on pense parfois, à tort, connaître.
Un jeu de masques pour questionner l’identité
David Bowie, Claude François, Bruce Springsteen, etc. Lucas Rahon s’attaque exclusivement à des figures masculines, mais utilise le drag pour inviter des références féminines sur le plateau. Si le public ne rencontre pas Error 404, son nom de drag queen, il fait la connaissance de cinq présentatrices de JT, inspirées de la figure de la speakerine des années 1970, cliché du genre incarné par Lucas. « Le drag fait partie de mes pistes de réflexion dans chaque création », exprime-t-il. « Au théâtre, il a cette faculté de surprendre, mais aussi de détourner et d’exagérer le propos, tout en l’amenant ailleurs. »
Dans une alternance entre le « je » et les métamorphoses, l’art drag offre des outils de transformation et de modification du corps et des traits, comme « un moyen pour contourner la bien-pensance et laisser apparaître la naïveté et la radicalité d’un fils en quête de son héritage ».

En complément du spectacle, sur le thème de la relation père-fils, vous pouvez également découvrir, jusqu’au 12 décembre, dans la Chambre claire (bât. P), l’exposition Julian & Jonathan de Sarah Mei Herman : une exploration intime et photographique des liens père-fils.
Infos pratiques :
Lepère : Combat(s) choisi(s), mardi 2 décembre 2025, 20 h, à partir de 13 ans.
Tarifs : 12 € / 5 € / 3 €. Gratuit pour les étudiants et étudiantes des universités de Rennes. Billetterie
