Le premier concile œcuménique de Nicée marque l’un des moments les plus décisifs de l’histoire du christianisme. Convoqué en 325 par l’empereur Constantin pour résoudre la crise théologique ouverte par l’enseignement d’Arius, il a établi les fondements doctrinaux de la foi chrétienne telle que nous la connaissons aujourd’hui. C’est grâce à ce concile que les chrétiens peuvent parler de foi chrétienne trinitaire.
Après avoir rappelé le contexte historique du concile et mentionné ses principaux apports, la conférence Le concile œcuménique de Nicée (325) : son actualité pour les chrétiens d’aujourd’hui de Michel Stavrou, Doyen de l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge, présentera le 10 octobre, à l’espace Ouest-France de Rennes, à partir de 18h30, le symbole de foi dont les chrétiens sommes tous aujourd’hui les légataires.
Dans l’histoire chrétienne, les conciles œcuméniques représentent des jalons essentiels où l’Église, confrontée aux hérésies, a formulé la vérité de la foi. Pour l’Orthodoxie, ils ne sont pas une invention doctrinale, mais l’expression fidèle de la révélation apostolique. L’Orthodoxie est l’Église des sept premiers conciles, seule période où Orient et Occident partageaient encore une conscience commune de la foi.

Les conciles, manifestation de la conscience ecclésiale
La tradition orthodoxe comprend le concile comme l’expression de la « conscience de l’Église ». Il ne s’agit pas d’un parlement ni d’un décret venu d’en haut, mais de la manifestation collégiale et mystique de la vérité, par l’action de l’Esprit Saint. Le rôle de l’empereur byzantin, en convoquant les conciles, était d’assurer l’unité politique et religieuse, mais le contenu doctrinal émergeait du discernement commun des évêques et des Pères.
Les décisions de Nicée (325) et de Constantinople (381) illustrent cette démarche : elles affirmèrent la divinité du Fils et du Saint Esprit non pas comme une innovation théologique, mais comme une sauvegarde de l’expérience trinitaire vécue dès les apôtres.
L’équilibre trinitaire et la controverse du Filioque
Au IIᵉ concile œcuménique (381), le Credo proclame : « Je crois en l’Esprit Saint, le Seigneur, source de vie, qui procède du Père. » Cette formule insiste sur l’unique source de la divinité : le Père, de qui naît le Fils et d’où procède l’Esprit. C’est ce que les Pères appellent la « monarchie du Père ».
En Occident, une modification apparut progressivement : l’ajout du Filioque (« et du Fils »), d’abord en Espagne au VIᵉ siècle, puis diffusée à l’époque carolingienne et adoptée à Rome au XIᵉ siècle. Le Saint Esprit fut alors dit « procède du Père et du Fils ».
Pour les orthodoxes, cet ajout rompt l’équilibre trinitaire :
- il introduit une double origine de l’Esprit, affaiblissant sa singularité et sa liberté ;
- il met le Fils sur le même plan que le Père comme source de la divinité, alors que, dans la tradition orientale, le Fils et l’Esprit reçoivent tout du Père ;
- il favorise une vision hiérarchique et juridico-rationnelle de Dieu, au détriment du mystère de communion.
Le déséquilibre ainsi créé a des conséquences spirituelles. L’Orient souligne la complémentarité entre Parole (le Fils) et Souffle (l’Esprit), vérité objective et liberté d’accueil, tandis que l’Occident a progressivement renforcé le primat de l’autorité (la Parole) sur la liberté (l’Esprit).
Conciliarité et primauté : deux ecclésiologies
La divergence théologique se double d’une divergence institutionnelle. Dans l’Église ancienne, l’élection des évêques relevait des évêques de la province, signe de la conciliarité. Chaque Église locale était pleinement Église, en communion avec les autres. Le rôle de Rome, d’Alexandrie ou d’Antioche était une primauté d’honneur, non de juridiction.
En Occident, l’évolution alla dans le sens d’une centralisation :
- à partir du XIIIᵉ siècle, les évêques furent nommés directement par le pape ;
- Rome développa la notion d’infaillibilité (formulée dogmatiquement seulement au XIXᵉ siècle) ;
- le pape devint le garant suprême de la vérité, au détriment de la conciliarité des Églises locales.
L’Orient orthodoxe, au contraire, conserva le principe d’autocéphalie : chaque Église régionale (Constantinople, Moscou, Antioche, etc.) est gouvernée par son propre synode d’évêques, sans dépendance hiérarchique absolue vis-à-vis d’un centre unique. L’unité se fonde sur la foi commune des conciles et sur la communion eucharistique, non sur une juridiction centralisée.
Deux visions de l’Église et du mystère
Au fond, la divergence tient à deux sensibilités spirituelles :
- L’Orient orthodoxe contemple Dieu comme mystère d’amour trinitaire, insistant sur la communion et la conciliarité. Les conciles sont l’épiphanie de l’Esprit dans l’Église.
- L’Occident latin a privilégié la clarté rationnelle et la sécurité institutionnelle, mettant l’accent sur l’autorité papale et une définition juridique de l’unité.
Pour les orthodoxes, la fidélité à la vision conciliaire originelle reste la garantie que l’Église demeure le Corps du Christ vivant, et non une institution humaine surplombant le mystère divin.
Lieu : Espace Ouest-France 38 rue du Pré-Botté 35000 RENNES
Tarif: Gratuit
