LES AMOUREUX CAGOULÉS DE VENENO FONT LE MUR DE RENNES

Après avoir graffé ses couples cagoulés aux quatre coins du monde, c’est sur le MUR de Rennes que la graffeuse Veneno donne à voir, pour la première fois dans la capitale bretonne, sa dernière œuvre encapuchonnée. Et le temps presse, œuvre éphémère, elle n’est visible que jusqu’au 25 février 2022.

Les amoureux de la révolte de la graffeuse Veneno ont trouvé refuge sur le M.U.R de Rennes depuis le 31 janvier 2022. Sur l’invitation de l’association, l’artiste s’est emparée du large panneau rue Vasselot et offre une œuvre forte et poétique, tout en contraste de noir et blanc, aux passants.

miss veneno mur rennes
Miss Veneno, M.U.R de Rennes, 32 rue Vasselot.

Bretonne de naissance, Veneno a longtemps fait partie de la scène du graffiti nantaise avant de s’installer à Paris. La talentueuse graffeuse s’épanouit depuis maintenant plus de 15 ans dans un univers à l’origine très masculin, mais actuellement en pleine mutation à ce niveau. Les femmes sont de plus en plus présentes, et surtout visibles, sur la scène du graffiti, comme en atteste les invitées que l’on a pu voir passer à la quatrième édition de la biennale Teenage Kicks à l’automne 2021. Citons entre autres les participantes du Wall of Fame : Yubia (Espagne), Laïa (Espagne), La Franz (Italie), Sofie (Italie), Honey (Allemagne), Zoia (Nantes), etc.

Celle qui a représenté la France dans l’exposition Be Graffiti, Special Ladies en 2017, dans le cadre du premier festival hip hop international féminin en Belgique, découvre à quant à elle le graff alors qu’elle n’a que 14 ans et manie ses premières bombes aérosol en 2006 dans la cité des violettes, Toulouse. S’inspirant des street-artistes réunis dans le livre Kapital, et particulièrement touchée par le travail d’Alex et Lazoo du collectif MAC, l’autodidacte se forme en redessinant les œuvres et s’essaie aux lettrages, qu’elle pratique encore aujourd’hui de manière anecdotique. « La fresque représentait une scène de rue, un peu en mode cartoon. Elle te plongeait dans un univers, une scène de vie, un peu dark », raconte-t-elle. Le travail de la profondeur, la maîtrise de la lumière et de la perspective sont autant de qualités qui l’ont frappé et poussé à se spécialiser dans les personnages, mais également les animaux, qu’on lui connaît aujourd’hui. Avec une particularité notable, celle de représenter essentiellement des visages cagoulés.

Après avoir fait le tour du monde, le Togo et la Réunion en 2021 ou encore le Mexique, ses anonymes font une halte rue Vasselot avant de s’envoler vers d’autres murs et façades, et de laisser la place au prochain invité.

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L’artiste au Togo © DR – Miss Veneno

Enlacés et complices, les amoureux du centre ville offrent de la douceur à ce qui peut être perçu parfois comme un symbole de violence. Le travail de Veneno, passionnée par l’accessoire de la cagoule, fait écho au vandalisme, et rappelle autant le milieu du graffiti que les actions des manifestations. Mais au milieu de la profusion de violence affichée par les médias, et dans la réalité des actions, le trait de Veneno donne simplement à voir l’émotion, en toute pureté. L’anonymat qu’elle présente n’est pas non plus anodin, il permet à toute personne de s’identifier. Sous la cagoule, ce peut être n’importe qui. « C’est important de montrer qu’il y a aussi de l’amour, de l’espoir, et que ça donne de la force aux manifestants. »

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Ces moments d’émotion sont nourris d’une pratique artistique propre, inspirée de l’art de la gravure. On retrouve ce goût dans le contraste du noir et blanc qu’elle travaille avec des hachures, caractéristique du procédé. Usant de la technique à chacune de ses créations, Veneno prodigue un élan de douceur et de délicatesse aux lieux qu’elle s’approprie.

En tant que grande curieuse des techniques, son attrait pour la gravure ne date pas d’hier. En 2015, son voyage au Mexique la replonge justement dans la technique qu’elle avait apprise en France, mais mise de côté. « La ville Oaxaca de Juárez est spécialisée dans la gravure. Je me suis perfectionnée avec des techniques mexicaines, un peu différentes de celles françaises et, pendant trois ans, j’ai vécu exclusivement de la vente de mes gravures », déclare l’artiste qui a adapté son graffiti aux caractéristiques de la gravure. Elle ajoute : « Les traits et les croisés viennent de la technique du cross hatching qui consiste à faire des croisés pour assombrir des zones. » De là vient l’absence de couleurs dans sa pratique picturale. Ses peintures se matérialisent dans des contrastes de noir et blanc ou de doré et noir pour les animaux. « L’idée du contraste se retrouve dans tous les domaines que je touche. Quand je peins des animaux sauvages, ils sont souvent imposants et effrayants. On aimerait pas se retrouver face à face avec eux », s’amuse-t-elle. « Mettre du doré apporte une autre intensité avec la lumière du soleil qui se reflète dans la peinture, une autre dimension. »

Artiste aux multiples casquettes, la pratique du tricot au crochet s’est aussi invitée dans son univers en 2007 et ne le quitte plus. Particulièrement fan de l’artiste Olek, Agata Oleksiak de son vrai nom, Veneno customise des objets issus du milieu hip hop, notamment des sneakers, des bombes de peinture, des platines vinyles afin de décharger la violence qu’ils peuvent, inconsciemment, véhiculer et leur donner une note plus légère, colorée et pailletée. Plus récemment, une bouteille de bière Corona, un breuvage particulièrement apprécié des Mexicains, devient, en un clin d’œil à la révolution mexicaine, un cocktail molotov girly.

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© DR – Miss Veneno

Artiste engagée, les projets auxquels elle participe aspirent à la solidarité et au rassemblement, à l’instar de celui réalisé au cœur de la prison d’Etla à Oaxaca au Mexique où un couple cagoulé a pris place sur une des façades, sous le regard admiratif des détenus. « J’aime que ce soit des murs avec une âme », confie-t-elle. « Mon objectif est d’en mettre un peu au quatre coins du monde, que chacun puisse avoir son couple cagoulé. »

Anciennement dans le collectif révolutionnaire mexicain ASARO, elle est membre du crew CNN199 installé à Bruxelles et fait partie du collectif Black Lines, collectif de graffiti politique et engagé co-fondé par Itvan K. et Lask en 2018. Dans une ouverture totale et une volonté de transmission et de partage, il est ouvert à tous que l’on soit débutant ou confirmé. « Je trouve ça chouette de pouvoir s’exprimer sur tout ce qui se passe en ce moment grâce à la technique du graffiti. C’est hyper important de pouvoir revendiquer et dénoncer par le biais de l’art. » Le seul mot d’ordre est un code couleur à respecter, le noir et blanc, avec parfois une touche de rouge. Une de ses dernières actions avec le collectif, une journée de fresque en soutien au peuple palestinien, s’est notamment soldée par l’arrestation de cinq artistes, embarqués par 30 policiers… La dernière en date, Bienvenue en démocratie, s’est étalée sur un mur de la rue de la fontaine aux rois à Paris. 

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Journée de fresque avec le collectif Black Lines en soutien au peuple palestinien © DR – Miss Veneno

Avant que les amoureux de la révolte ne s’en aillent, les Rennais sont invités à profiter de ce moment de tendresse offert par Veneno dans un acte d’humanité artistique qu’il serait dommage de manquer. Jusqu’à ce qu’un jour, peut-être, des amoureux prennent leurs quartiers sur une façade bretonne, mais de manière pérenne cette fois-ci…

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