Monsieur de Pourceaugnac à l’opéra, une farce intemporelle

Après l’indiscutable succès, à Rennes, en 2012, de la comédie-ballet associant Molière et Lully, il y avait lieu de se réjouir de voir l’opéra breton accueillir à nouveau l’ensemble « les malins plaisirs » avec Monsieur de Pourceaugnac. Associés aux musiciens de Saint Julien et soutenus par la compagnie de danse « l’éventail », c’est au total une troupe de 30 artistes qui s’en est donné à cœur joie pour notre plus grand plaisir.

 

Nous vous le disons d’avance, les exégètes de Molière grinceront peut-être un peu des dents, car le parti pris de cette production est résolument de faire rire. C’est la farce qui est le maitre mot de ce spectacle, et n’en déplaise aux pisse-vinaigre de toutes catégories, on s’y amuse beaucoup. D’ailleurs si l’on considère le contexte de la création de cette œuvre, au château de Chambord le 6 octobre 1669 on parle bien d’un divertissement royal. Il n’y a aucune raison d’engendrer de la mélancolie

C’est en réalité plus à un spectacle de théâtre que de musique auquel nous allons assister, pourtant, dès les premières notes saluant l’ouverture de la pièce, la musique de Lully nous rappelle qu’elle n’est pas là pour apporter une gracieuse toile de fond. C’est Louis XIV qui est immédiatement présent et tout le faste de son règne. Quelle élégance à la française, quelle aimable distinction, on ne pouvait rêver de meilleure introduction ! Sous la direction de François Lazarévitch les musiciens de Saint Julien font revivre ces notes aigrelettes du clavecin, du théorbe, et de la viole de gambe, ils restituent avec précision la sonorité du XVIIe siècle.

L’histoire de Monsieur de Pourceaugnac est des plus simples. Comme beaucoup de sots et de vaniteux, ce brave notaire de province aspire à être gentilhomme quand sa naissance ne l’y prédispose pas. Il est donc clair que pour faire capoter le mariage qu’il prévoit, on lui fera subir de nombreuses épreuves et affronter, « comme s’il en pleuvait » humiliations et avanies.

Eraste, Maxime Costa, « l’amant », comme il faut l’entendre à cette époque, veut tout faire pour ne pas perdre son aimée, La charmante Julie, jouée par Marie Loisel. Ils sont pour cela aidés par Sbrigani, un Napolitain sans cœur et sans regrets, assisté de Nérine, intrigante qui ne vaut guère plus que lui.

Ces deux personnages habilement interprétés par Mélanie Lemoine et Laurent Prévot seront l’articulation de la pièce, l’axe central étant réservé à Pierre-Guy Cluzeau.

Parlons-en d’ailleurs de ce Pierre Guy Cluzeau. Il a vraiment bonne grâce à porter ce tonitruant costume rouge vif adroitement créé par Erick Plaza-cochet.Il est remarquable d’un bout à l’autre de la pièce et nous fait rire à gorge déployée. Le grotesque est bien présent et rien n’est plus drôle que de le voir fuir poursuivi par une cohorte de médecins, d’apothicaires et de soldats voulant à toute force lui administrer…un lavement. L’intervention qui précède cette scène, de Quentin Maya Boyé en Apothicaire et Mélanie Lemoine comme Olivier Berhault en médecin, est aussi un moment d’une drôlerie sans égal. Le jeu des acteurs volontairement outré, les costumes un peu délirants et l’audacieuse mise en scène de Vincent Tavernier renforcent l’aspect comique et contribuent au franc succès de cette pièce.

Si le résumé du premier acte était « que soupirer d’amour est une chose douce, quand à vos vœux rien ne s’oppose » celui de l’acte deux sonne comme une condamnation pour le pauvre Pourceaugnac. « La polygamie est un cas pendable ».

Le voilà à nouveau mis en accusation pour l’accumulation de dettes hypothétiques, pour avoir contracté deux mariages en des lieux et époques différentes, pour avoir délaissé des enfants qui arrivent en criant « papa, papa » sur scène. C’en est trop pour notre Limousin qui cherche le salut dans la fuite.

On arrive donc au troisième acte au paroxysme du ridicule. Tel le député Charrier dans « la cage aux folles », habillé en femme, mais toujours barbu, Pourceaugnac tente de fuir pour échapper à la pendaison. La frontière entre la réalité et une sorte de rêve délirant devient de plus en plus improbable. Il se fait « draguer »  par deux entreprenants gardes suisses, est capturé par d’autres spadassins et se fait dépouiller jusqu’à son dernier sol. La mesure est comble et « le malheureux n’a plus qu’à quitter la ville au plus vite, persuadé, d’avoir échappé au pire. » Tout est bien qui finit bien et les amants malheureux reçoivent la bénédiction du père, Oronte, campé par le solide Benoit d’Allongeville.

Puisqu’il s’agit d’une comédie-ballet, il serait injuste de passer sous silence la prestation des danseurs de l’éventail. Elle est très agréable, ayant la sagesse d’être discrète et dénuée de mièvrerie. Les danses sont bien réglées et Marie-Geneviève Massé, chorégraphe de cette production a eu le bon gout d’éviter les agaçantes minauderies dont l’époque du Roi-Soleil n’a pas toujours fait l’économie. Le port de tête est élégant, les entrechats sans excès et l’étonnant ballet final avec des danseurs à deux visages et deux costumes est une véritable réussite.

C’est en célébrant l’amour que les chanteurs, MarieLouise Duthoit, Davy Cornillot, et Jean Louis Serres vont prendre congé d’un public rennais comblé. « Ne songeons qu’à nous réjouir, la grande affaire c’est le plaisir ». Cette phrase en forme d’adieu qui résume le troisième acte, sera reprise par toute la troupe dans un final éblouissant.

Écoutez notre conseil, et allez respirer un grand bol de bonne humeur, après tout le rire n’est-il pas le propre de l’homme et en des temps souvent tumultueux, un moment de franche gaieté est bien préférable à un tube d’antidépresseurs. Vous en serez les seuls juges.

 

Monsieur de Pourceaugnac, jeudi 26 février à 20h, samedi 28 février à 18h, Opéra de Rennes, place de la Mairie, Rennes

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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