Arrivant à la moitié du festival, il y a comme un paroxysme qui se crée, un sommet qui pointe à l’horizon. Et voilà que c’est un des grands Jacques (Higelin) qui pointe son nom à l’affiche du Cabaret Botanique qui ouvrira ses portes à guichet fermé.
Le public est donc là, en avance et nombreux, entre fans de la première heure et personne n’ayant jamais vu Jacques Higelin, poète et baladin en prestation scénique. Le ton est donné dès que l’on pénètre le lieu. Au centre de la scène, un piano trône, un tabouret devant un micro donne le cadre devant lequel l’artiste – au cinquante années de carrière au compteur – donnera sa prestation.
Car de prestation, c’en est une qui vaut le détour même pour le plus néophyte de l’univers que le poète musicien a su mettre en mot et en parole. Alternant ballade et chanson au style un peu plus enjoué, les mots qui sont le fer de lance de Mythos résonnent dans la bouche et les enceintes qui sont offertes au public. On sent Monsieur Higelin bien entouré et entouré par ses musiciens et une osmose musicale pleine de respect et de camaraderie règne sur ces quelques mètres carrés. On prend plaisir à écouter ces vers qui nous sont proposés comme autant d’anecdotes et de tranches de vie que nous livre ce grand Jacques au détour d’intermèdes.
Ceux-ci, laisse place à la parole, à la beauté du verbe et bien que le flot de digressions puisse en rebuter certains, l’artiste se livre et nous narre – non sans malice et fantaisie – de longues présentations qui montre combien le poids et le jeu des mots lui semblent importants entre actualité récente et hommage à une ville ou une personne les mots s’enchaînent et l’on prend un réel plaisir à écouter un chanteur qui le temps d’une présentation se transforme en conteur d’une vie riche en expériences, mais aussi en anecdotes.
Même si le public est demandeur de « tubes » ou de vieilles chansons qui ont fait son succès, il sait rabrouer avec classe et style ces demandes et en profite pour rappeler qu’un Jacques Higelin est déjà mort au XIXe siècle ou que cela fait partie d’un processus naturel de la vie. On sait que la mort rôde et taraude, mais on ne peut clairement pas blâmer un homme qui au-delà de soixante-dix ans ne s’interroge pas, même avec la plus grande ironie d’un fou chantant, sur la mort et son devenir.
Les nouvelles compositions s’enchaînent dans la bonne humeur, mention spéciale à Irradié où le mot « révolte » prend tout son sens dans la bouche de Jacques Higelin face à une orchestration foutraque, mais maîtrisée, sorte de rébellion du band face à l’artiste dans une ambiance amicale. Jacques oscille entre piano et voix, guitare et accordéon en splendeur. Pour un dernier vers, vous reprenez bien un peu de Champagne.
C’est donc un concert d’exception, matinée de faux baroud d’honneur qui révèle un set tout en poésie qu’il serait dommage de rater.