Et si l’humanité avait disparu ? Plongez dans Paradox Beyond Appearances, le monde post-apocalyptique du photographe autodidacte Yoann Agnellet, originaire de la région Franche-Comté. Ce passionné donne un aperçu de ce qu’il adviendrait des villes françaises si toute présence humaine disparaissait, des photographies dignes des lieux de tournage de grands films de science-fiction…
Avez-vous déjà imaginé ce que serait votre ville si elle était entièrement dépeuplée ? Si la nature avait repris ses droits et que nos cités n’étaient plus qu’une jungle géante dont les bâtiments ne seraient que squelettes inhabités. Yoann Agnellet, photographe amateur passionné vivant à côté de Montbéliard, s’amuse depuis près de quatre ans à créer un monde dystopique en imaginant nos villes et nos rues dénudées de toute humanité, la nature comme seul maître à bord. Êtes-vous prêts à un avant-goût de ce que serait le monde si demain une quelconque catastrophe décimait la population entière ?
Fonctionnaire de police de 53 ans, Yoann Agnellet a toujours aimé la photographie et l’informatique, et est très imaginatif de nature. Depuis le premier confinement dû à la covid en mars 2020, ces deux passions fusionnent dans une pratique artistique singulière, au service d’un imaginaire qui emprunte aux codes de la science-fiction et du fantastique.
Les débuts de sa pratique photo datent d’avant la pandémie. Aux photographies classiques de paysage, il préfère les lieux abandonnés où la vie humaine ne se résume plus qu’à un spectre émanant d’anciennes bâtisses. Sa pratique flirte alors avec l’urbex (exploration urbaine) sans qu’il n’explore réellement les lieux de l’intérieur. « Je voulais faire des photos qui sortent de l’ordinaire », déclare le photographe autodidacte. « J’aimais bien ces endroits un peu figés dans le temps et les faire, quelque part, revivre en photo. »
Le montage et la retouche des images viennent plus tard, au moment du premier confinement justement. Les villes étaient désertées, la population enfermée chez elle, mais avec un métier comme le sien, Yoann côtoie la vie en suspens de l’extérieur. Il est frontalement confronté à la situation particulière dans laquelle est plongé le pays. Ces rues éteintes, ces villes isolées marquent cet esprit qui avait déjà imaginé une situation semblable avant que la réalité ne dépasse la fiction. « Je me suis souvent demandé quelle impression ça donnerait si les endroits familiers que j’ai l’habitude de fréquenter étaient complètement vides et à quoi ils ressembleraient avec la nature qui reprend un peu ses droits », confie-t-il.
Son imagination débordante prend finalement vie dans une première photographie d’Annecy. Celui qui a été bercé par les romans du maître Stephen King crée son premier monde post-apocalyptique à l’aide du logiciel gratuit, Paint.net, et d’un second payant, Luminar, pour l’ambiance. Les réactions enthousiastes sur les réseaux sociaux le motivent à poursuivre sur sa lancée.
Des lieux familiers, que tout un chacun peut reconnaître, deviennent ainsi autres dans une société qui a vécu l’effondrement pour x ou y raisons. On pense aux films tels 28 jours plus tard, 28 semaines plus tard ou Je suis une légende de Francis Lawrence, et aux séries comme la cultissime Walking dead et la toute dernière The Last of Us, adaptées respectivement d’une bande-dessinée et d’un jeu vidéo. Cependant, Yoann ne s’intéresse pas tant à un quelconque message véhiculé, écologique ou autre, qu’au travail de l’image en lui-même. « Les personnes interprètent les photos à leur façon. Certains vont essayer de trouver une concordance avec l’actualité, la guerre en Ukraine ou le covid par exemple, d’autres à des attaques extraterrestres. » Le photographe laisse libre à interprétation et à l’imagination de chacun. Comme toute pratique artistique, le propos est bien entendu propre à l’artiste, mais n’est-ce pas aussi ce que l’observateur voit et ce qu’il retient de l’oeuvre qui compte et la fait vivre ?
A contrario, ces visions alternatives bousculent autant qu’elles fascinent et réveillent parfois des angoisses profondes d’un potentiel futur, toute demie-mesure soit-il, auquel certains n’ont pas envie d’être confrontés. « D’autres sont très attachés à leur ville et ont l’impression qu’on la dégrade. »
Équipé de son fidèle appareil photo hybride Sony alpha NEX-5, Yoann capture les lieux au fil de ses pérégrinations personnelles mais, comme il ne peut se déplacer aux quatre coins de la France, certaines sont également libres de droit.
Avec le temps, son regard s’est aiguisé, sa pratique s’est professionnalisée et, avec, sa façon de prendre des photos. Dorénavant, il imagine ce que la photographie deviendra dans sa version post-apocalyptique : il pense au meilleur angle de vue, à l’éclairage et évite les éléments qui pourraient parasiter son cliché. Puis vient le travail de post-production, un travail de titan qui peut lui prendre jusqu’à 12h, même plus si la photo est complexe. « La première étape est de faire disparaître toute vie de la photo en effaçant chaque personnage manuellement et je les remplace par un décor pour combler les trous », explique-t-il. Il passe ensuite à la phase “dégradation des bâtiments”. « C‘est un gros boulot d’imagination parce que j’essaie d’être le plus crédible possible. » Le photographe intègre des tags, fait pousser des plantes, retire des portes, casse des vitres, rajoute du décor sur la chaussée, etc. avant de s’attaquer au ciel, un des derniers éléments souvent accompagnés d’un éclair foudroyant en son sein. Son univers est totalement terminé quand il a réglé les contrastes et les couleurs qui marqueront d’autant plus le caractère dystopique.
Parmi ses revisites photographiques, le Grand Ouest n’a bien entendu pas échappé à son objectif. Les monuments et rues de Saint-Malo, Cherbourg et le Mont-Saint-Michel ont ainsi pris une teinte de fin du monde. Les photos se multiplient sur ses réseaux sociaux et son site internet, mais son ambition n’est pas de faire du commerce avec. Paradox Beyond Appearances est un petit cocon dans lequel Yoann Agnellet prend plaisir à créer ce qu’il aime. Son but n’est pas de vendre, seulement de partager avec les personnes sensibles à son travail. Mais, suite à des propositions, il envisage néanmoins de faire des expositions dans un futur plus ou moins proche, un avenir qui sera, pour le coup, plus animé que sa réalité alternative.