Paris Investor Week et Investir Day, entre rêve d’éducation financière, dépoussiérage et mirage bling-bling

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Paris Investor Week Investir Day

Deux événements, deux styles, une même ambition : faire entrer les Français dans l’ère de l’investissement. Le 14 novembre 2025, le Palais Brongniart accueillait la première édition de la Paris Investor Week, réunissant stars de YouTube finance, jeunes curieux et créateurs de contenus. Onze jours plus tard, le 25 novembre, c’est le plus institutionnel Investir Day qui prendra place aux Salles du Carrousel du Louvre pour sa septième édition, entre conférences de sociétés cotées et rencontres avec les experts du CAC40. Entre influence et institution, deux mondes qui se frôlent, se jaugent… et disent beaucoup de la mutation du capitalisme français.

Une génération en quête d’autonomie financière

Jamais les Français n’ont autant voulu apprendre à investir. Selon l’AMF, 1,6 million de Français ont passé au moins un ordre en Bourse en 2024. Parmi eux, une majorité de moins de 35 ans. Poussés par l’inflation, les incertitudes sur les retraites et la montée du coût de la vie, ils veulent désormais maîtriser leur épargne comme un levier de souveraineté personnelle. En témoigne l’affluence record de la Paris Investor Week : près de 10 000 visiteurs, une majorité de jeunes, parfois très jeunes.

Pauline, 24 ans, venue de Bretagne, est étudiante en droit et investit déjà via un PEA ouvert sur une appli mobile : « On veut s’en sortir autrement que par le salariat. Je veux comprendre comment fonctionne l’argent, pour ne plus le subir. » Ce sentiment d’émancipation, de reprise en main, traverse les allées du Palais Brongniart. « La Bourse, c’est comme un jeu, mais avec des règles qu’on peut apprendre », dit-elle.

Pour beaucoup, l’entrée dans l’investissement passe par les influenceurs. Matthieu Louvet, 29 ans, star de YouTube avec 265 000 abonnés, signe des autographes et enchaîne les selfies. Son livre Tout le monde peut réussir en Bourse s’est écoulé comme des petits pains. Lui-même le reconnaît : « Je passe l’année dans mon studio. Là, je vois à quel point les gens ont besoin de repères. »

Deux événements, deux styles

La Paris Investor Week se vit comme une convention de fans. Dédicaces, photos, punchlines : “10 minutes par mois pour devenir rentier”, “investir, c’est pour tous”. Certains y voient un levier puissant de démocratisation, d’autres une version édulcorée, voire dangereuse, de l’investissement. Trop rapide, trop simple, trop optimiste ?

À Investir Day, les codes changent : rigueur, expertise, vocabulaire technique. On y parle de dividendes, de fiscalité, de réglementation européenne. Mais l’ambiance reste feutrée, presque désuète. Les jeunes y sont moins visibles. Pourtant, c’est là que l’on peut poser les questions difficiles : comment évaluer une action ? À quel moment sortir d’un ETF ? Quelles erreurs éviter ?

L’individu face au marché, un changement d’époque

Derrière ces salons se joue un basculement culturel. La France, longtemps attachée à un modèle protecteur, de type État providence latin, glisse lentement vers une vision anglo-saxonne de la responsabilité individuelle. Chacun devient gestionnaire de son avenir. Investir, c’est anticiper, sécuriser, mais aussi se distinguer. L’épargne devient une arme de défense personnelle. Mais ce tournant n’est pas sans risque. Les bulles spéculatives, la tentation des cryptos miracles, les faux gourous de TikTok… Tout cela menace une génération avide de réussite. Il ne s’agit pas seulement de libérer l’investissement. Comme toujours ,il faut aussi l’encadrer, le rendre éthique, pédagogique. C’est tout l’enjeu d’une éducation financière publique et indépendante. Sinon, non seulement, des individus se retrouveront sur la paille, comme toujours, mais c’est l’économie de la société entière qui peut être tirer vers le bas.

Deux salons, une même leçon

En croisant les codes du divertissement et la rigueur économique, la Paris Investor Week et Investir Day révèlent les deux visages du capitalisme pédagogique. Le premier a su capter une audience jeune, avide de comprendre et de faire. Le second rappelle l’importance du fond, du sérieux, du cadre. L’un sans l’autre serait incomplet.

Ce type d’événement est nécessaire dans sa volonté d’ouverture et d’éducation, prometteur pour le renouvellement des participants et des formats. Mais il doit impérativement être accompagné de rigueur, afin d’éviter qu’il ne devienne simplement un salon « bling‑bling » de la finance, voire obscène si le message de “succès facile” l’emporte sur celui de la responsabilité. L’éducation financière n’est pas un gadget. C’est une question de justice sociale. Et de souveraineté économique.

Portrait – Matthieu Louvet, le prof de Bourse 3.0

À 29 ans, Matthieu Louvet est devenu l’un des visages les plus connus de la finance sur YouTube. Ancien conseiller en gestion de patrimoine, il a lancé sa chaîne S’investir en 2020. Son credo : démocratiser l’investissement, sans jargon ni intimidation.

Avec plus de 265 000 abonnés et des dizaines de vidéos pédagogiques sur les ETF, le PEA ou l’indépendance financière, il s’est forgé une communauté fidèle. Son livre, Tout le monde peut réussir en Bourse, s’est imposé comme un best-seller des rayons finance en 2025.

« Toute l’année, je tourne seul dans mon studio », confie-t-il. « Voir les gens en vrai à la Paris Investor Week, c’est bouleversant. Ils ont besoin d’être rassurés, de comprendre. »

Critiqué parfois pour des messages jugés trop optimistes, il incarne néanmoins cette nouvelle génération d’influenceurs qui ont replacé l’investissement au cœur des préoccupations des 20‑35 ans. Avec une promesse : apprendre à faire fructifier son argent sans renier ses valeurs.

matthieu louvet
Matthieu Louvet

Nicolas Chéron, du parquet à TikTok

Barbe soignée, débit posé, Nicolas Chéron a longtemps œuvré comme analyste boursier dans des salles de marché avant de se tourner vers la vulgarisation financière. Aujourd’hui, il cumule plus de 158 000 abonnés sur X (ex-Twitter), et séduit aussi bien les particuliers que les institutions.

« Ce que je fais, c’est de la pédagogie appliquée à la réalité du marché. Il faut parler franc, ne pas promettre la lune. » Sur scène, il explique les cycles économiques, dégonfle les hype passagères et répète que la finance est d’abord un marathon. « L’investissement, c’est de la discipline, pas du spectacle. »

Présent aussi bien à la Paris Investor Week qu’à Investir Day, il incarne ce trait d’union entre les générations : ni gourou, ni technocrate. Juste un éclaireur qui veut aider les épargnants à ne pas confondre liberté financière et mirage spéculatif.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !