Rennes, ville de savoir. Rennes, ville d’avenir. Depuis longtemps, la capitale bretonne cultive son identité universitaire, avec ses deux grandes universités, ses écoles d’ingénieurs et de commerce, et plus de 70 000 étudiants sur son territoire. C’est un facteur majeur d’attractivité. Mais ce dynamisme cache une zone d’ombre : une précarité étudiante persistante, une fracture dans l’insertion professionnelle… et une métropole qui forme mieux qu’elle ne retient.
Une jeunesse très présente… et très exposée
À Rennes, près de 30 % de la population a moins de 25 ans. Dans le bassin de vie, plus de 64 000 jeunes de 15 à 29 ans vivent, étudient ou travaillent sur place. Ce poids de la jeunesse est un atout en termes d’innovation, de diversité culturelle, de renouvellement des générations. Il irrigue la vie artistique, les tiers-lieux, l’économie sociale et solidaire.
Mais cette jeunesse est aussi la catégorie la plus touchée par la pauvreté :
- 32 % des jeunes de moins de 30 ans vivent sous le seuil de pauvreté (contre 21 % pour la moyenne rennaise),
- le taux de pauvreté monte à 34 % chez les locataires,
- et de nombreux jeunes vivent dans des situations précaires : contrats courts, temps partiels subis, aide sociale ou familiale essentielle.
Cette tension est d’autant plus paradoxale que Rennes affiche un taux de diplômés du supérieur parmi les plus élevés de France : plus de 45 % des 25-64 ans sont titulaires d’un diplôme de niveau bac +2 ou plus. C’est un vivier de compétences exceptionnel… mais qui fuit trop souvent la région une fois les études terminées.

Une ville qui forme… mais n’emploie pas assez
Les jeunes Rennais sont formés, qualifiés, mais peinent à trouver un emploi stable et bien rémunéré sur place. Beaucoup partent à Paris, Lyon, Nantes ou à l’étranger pour trouver des opportunités correspondant à leur formation. Rennes souffre d’un décalage croissant entre son écosystème éducatif et son marché de l’emploi.

- Les filières numériques, biotech ou RSE progressent, mais les débouchés locaux restent limités.
- Les jeunes diplômés trouvent surtout des contrats courts ou en sous-qualification dans les services.
- Et le coût de la vie (notamment du logement) pousse certains à quitter la ville dès la fin des études, aggravant la fuite des talents.
Une nouvelle fracture générationnelle ?
Ce paradoxe — jeunesse éduquée mais paupérisée — révèle une contradiction centrale du modèle rennais. Car cette jeunesse :
- alimente l’attractivité de la ville, mais sans pouvoir s’y projeter dans le temps,
- vit la ville de manière dense, collective, engagée, mais reste en marge de la fabrique urbaine et des politiques d’aménagement,
- et subit des formes d’invisibilisation : les jeunes précaires, les décrocheurs, les sans-abri ou les apprentis en difficulté échappent encore aux radars des politiques publiques.
Sans réponses structurelles, Rennes risque de devenir une ville de passage, non d’installation, avec un capital humain sous-exploité.

En résumé : une jeunesse à la croisée des chemins
- Rennes concentre une jeunesse diplômée et nombreuse, moteur de son attractivité
- Mais la précarité étudiante reste structurelle, aggravée par la crise du logement
- Le décalage entre offre de formation et marché local fragilise l’ancrage territorial des jeunes diplômés
- La fracture générationnelle et sociale se creuse, au risque de produire une jeunesse invisible et démobilisée
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