RENNES. MICHEL HEFFE SUR LES TRACES DE LA BEAT GENERATION

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Dessinateur taquin et sarcastique, Michel Heffe expose à l’Institut franco-américain de Rennes, 7 quai Chateaubriand, son voyage au cœur de la Beat Generation, à San Francisco. Jusqu’au 31 avril 2022, le public marchera dans les pas empruntés par le dessinateur à la recherche d’un monde musical oublié.

Qu’elle soit nationale ou internationale, aucune actualité brûlante n’échappe au trait singulier et à l’humour grinçant de Michel Heffe, Michel Deligne de naissance. La rédaction d’Unidivers ne se souvient plus vraiment à quand remonte la joyeuse collaboration, mais, sur la page d’accueil, les vignettes satiriques de Michel Heffe saluent les lecteurs depuis plusieurs années maintenant. Elles sortent aujourd’hui de la sphère numérique et s’affichent à la bibliothèque de l’Institut franco-américain jusqu’au 31 avril 2022.

L’exposition Back to the bay raconte le périple du dessinateur et sa compagne à San Francisco, réalisé en 2018, dans les pas de la Beat Generation. Le tout en dessin, bien entendu !

michel heffe
Michel Heffe dans son bureau

Comme beaucoup, son histoire avec le dessin a commencé sur les bancs de l’école. Après s’être amusé à croquer ses professeurs pour faire rire la galerie, Michel Heffe s’est imaginé dessinateur de bandes dessinées. « À l’époque, il y avait peu de dessinateurs de BD en Bretagne, mis à part Jean-Claude Fournier, le grand maître que je ne connaissais pas encore », se souvient-t-il. « Il avait pris la suite d’André Franquin dans Spirou. » Il reçoit quelques encouragements de revues telles Spirou et Pilote, mais essuie aussi des échecs. Finalement, alors qu’il se tient sur les barricades du quartier latin en 1968, Michel choisit une toute autre voie, celle de l’armée.

Au vue de son curriculum vitae, il s’est épanoui dans plusieurs métiers au cours de sa vie – militaire, rédacteur, dessinateur et assistant de rédaction bénévole, et professeur de communication et de français. Breton pur beurre, le jeune militant et dessinateur autodidacte, âgé alors de 20 ans, manifeste en 1967 devant l’IFA (Institut franco-américain) contre la guerre au Vietnam. Qui aurait cru que plus de 50 ans plus tard, ses dessins à la ligne claire habilleraient la bibliothèque du même lieu ? Militant pour la libération de la Bretagne, et de la Corse, dans les années 80, l’arrestation et l’emprisonnement d’amis l’encouragent d’ailleurs à se servir de sa passion pour réaliser le livre Bretagne en tête à tête, en 1986. Une première expérience dans le monde de l’édition et de la bande dessinée. « J’étais le seul à traiter ce sujet donc un éditeur lorientais l’a immédiatement édité à 2000 exemplaires », raconte-t-il. Par la suite, Michel Heffe créera seulement pour le plaisir, proposant son travail bénévolement.

René-Yves Creston
René-Yves Creston, dessin de Michel Heffe tiré de Bretagne en tête à tête “.

Le temps a filé depuis, mais le militantisme de ce soixante-huitard demeure intact. Il se traduit aujourd’hui en dessins satiriques. Ses contours se sont affirmés, ses textes sont dorénavant saupoudrés d’une double dose de piquant bien placé et l’encre aquarelle écoline a laissé place à la colorisation numérique. « J’ai toujours été dans le dessin humoristique. Mais le dessin de presse politique est venu relativement tard, quand j’ai pris ma retraite de l’éducation nationale. » Face aux sujets sensibles qui traversent le monde, Michel choisit de donner le sourire aux lecteurs. « Ce n’est pas un rire aux éclats, plutôt un sourire », précise-t-il. « L’histoire de l’Ukraine m’attriste énormément, alors comment faire de l’humour avec ce genre de situation ? J’en suis venu à l’idée qu’il fallait quand même faire de l’humour, parce que l’humour c’est la liberté de sourire là où l’on devrait pleurer. »

Particulièrement passionné de cyclisme, il met bénévolement ses talents de dessinateur et de rédacteur au service de revues spécialisées comme Le Randonneur et Cyclo Tourisme. Aux côtés des dessins proches de la caricature de notre monde actuel, Michel Heffe dessine de petites scènes rigolotes de la vie quotidienne dans lesquelles la réalité flirte avec la fiction.

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Tel est l’objet de l’exposition Back to the bay à l’IFA. Faisant suite à une première exposition, Revisiting American Idols, court-circuitée par la covid et mise en ligne pendant le confinement, cette nouvelle proposition embarque le public dans les péripéties américaines des deux protagonistes, Michel Heffe et son épouse, Odile. En une trentaine de dessins dans lesquels on sent l’inspiration des dessinateurs des années 50-60, et quelques photographies, il partage ses souvenirs de la ville dorée. Douze jours à globe-trotter, en bus et à pieds, dans les pas de la Beat Generation, mouvement littéraire et artistique découvert tardivement. « Je n’ai eu aucune culture musicale dans ma famille. J’ai commencé à connaître la musique à la fac, par le biais d’amis musiciens, mais c’était de la musique classique et contemporaine », explique le dessinateur, fan de musique répétitive, Philip Glass en tête.

Michel découvre également la musique pop américaine, celle de Woodstock et du festival de Monterey, sur le tard. C’est finalement la projection du documentaire Janis, vu un peu par hasard, qui confirmera son envie d’aller aux États-Unis. « Les lumières s’éteignent, le film commence… et ça a été un choc. Je me suis demandé ‘ mais qui est cette bonne femme ? ‘. », confie-t-il au souvenir de la voix bouleversante de Janis Joplin. « De fil en aiguille, je me suis intéressé à cette période que je ne connaissais pas, alors que c’était celle de ma jeunesse. »

Accompagné de sa fidèle moitié, fan invétérée tout comme lui, Michel s’est envolé retrouver les fantômes de cette période aujourd’hui disparue, non sans avoir fait de longues recherches. « J’avais une liste avec toutes les adresses. J’écoutais les musiques tous les soirs et je lisais des bouquins de journalistes, de sociologues sur cette période. Ce n’était pas un voyage touristique », mais plutôt un pèlerinage à la recherche d’un monde perdu, complètement évanoui. Et il n’a pas été déçu. « On a assisté à des événements magnifiques, notamment une manifestation contre le réchauffement climatique qui était extraordinaire », souligne-t-il, marqué par ce souvenir.

De cette aventure est né le journal de bord présentement exposé, et dessiné au fur et à mesure. Contrairement à d’autres dessinateurs, au croquis sur le vif il préfère la tranquillité d’un intérieur pour créer. « On a le souvenir de Cabu qui avait toujours un petit carnet dans sa poche. Il était tellement adroit qu’il mettait sa main dans sa large poche et dessinait la personne sans regarder sa feuille. C’était le seul dessinateur à le faire. » Michel n’utilise pas de grande poche, mais conserve un carnet sur sa table de nuit si une idée lui vient pendant son sommeil, ce qui arrive ! En pleine cuisine, alors qu’il lace ses chaussures, une idée apparaît et il arrête tout. Il ne faudrait pas qu’elle s’échappe.

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Ce qui explique les milliers de créations soigneusement rangées dans de nombreuses pochettes à dessins. Et parmi elles, des livres en préparation, et d’autres terminés. Y dorment des livres pour enfants et, surtout, depuis 2009, le projet d’un ouvrage dont le thème principal est l’évolution de sa ville de naissance, Lannion dans les Côtes d’Armor, à travers le regard d’un enfant. Les illustrations à la touche humoristique, toujours, retracent l’histoire de sa petite ville et les événements majeurs qui l’ont traversée : les femmes tondues sur la place, le cinéma, l’arrivée du Général de Gaulle, l’Omoco Cadiz ou encore les manifestations de Plogoff. « Comme une scène de théâtre, toutes les scènes se passent sur la place du centre ville. Les planches retracent 50 ans de la vie de Lannion, de la Libération en 1944 jusqu’en 1994, les manifestations pour les écoles bretonnes. » Ces 50 magnifiques planches colorisées à l’écoline n’attendent qu’à être reliées en un bel ouvrage, entre roman graphique et bande dessinée…

En attendant, la bibliothèque de l’Institut franco-américain nous ouvre ses portes pour (re)découvrir le travail de Michel Heffe, jusqu’au 31 avril 2022.

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Exposition Back to the bay, de Michel Heffe, à la bibliothèque de l’Institut franco-américain.

Entrée libre

7 quai Chateaubriand, 35 000 Rennes.

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