Rien de prévu pour la Saint-Valentin ? Les Tombées de la Nuit présentent Pling Klang de Mathieu Despoisse et Étienne Manceau à l’Hôtel de ville de Rennes, dans l’écrin de la Salle des Mariages. Pas pour se dire oui, mais pour mieux aborder la thématique du couple à travers le montage de meubles en duo… C’est à découvrir les mardi 13 et mercredi 14 février 2024.
Qui n’a jamais piqué une crise en montant un meuble, Ikea de surcroît ? Une vis à la main alors qu’elle n’est pas censée être là à cet instant précis… Si on suit méthodiquement la notice, la construction devrait être des plus simples pourtant. Mais au début, on se sent confiant et sûr de nous. À quoi bon suivre les règles, elles sont faites pour les autres et on s’en sortira très bien si on suit notre propre voie, n’est-ce pas ? Puis, on se rend compte de fil en aiguille que c’est plus compliqué que ce qui n’y paraît… Avouons qu’à chaque étape, un problème peut survenir sans qu’on s’y attende ? À un tel point qu’on arrive facilement à un point de rupture. Mais… parle-t-on encore du montage d’un meuble ? C’est à partir de cette métaphore drôlement judicieuse que les artistes de cirque et amis Étienne Manceau et Mathieu Despoisse ont conçu leur premier enfant, Pling Klang. Au cœur de la salle de mariages de l’Hôtel de Ville de Rennes samedi 14 février 2024, le duo aborde en toute sincérité leur conception du couple.
Unidivers – Pling Klang est votre premier spectacle en duo avec Mathieu Despoisse. Pouvez-vous me parler de la genèse de cette création ?
Étienne Manceau – Depuis qu’on se connaît, Mathieu [Despoisse] et moi partageons de longues discussions sur des sujets divers et variés. Un thème revient naturellement et spontanément : nos histoires d’amour, la façon de voir la vie à deux. Alors, quand on a décidé de travailler ensemble, on a eu envie de partager nos histoires et nos questionnements existentiels sur la façon de traverser l’existence seul ou à plusieurs.
Unidivers – Vous vous êtes nourris de vos expériences personnelles, mais vous êtes aussi allés chercher du côté de votre entourage. De quelle manière avez-vous procédé ?
Étienne Manceau – Nous souhaitions parler de nos expériences, mais aussi collecter des témoignages, poser des questions aux personnes qui nous entourent et à d’autres que l’on ne connaissait pas forcément.
Au fur et à mesure du processus de création, on s’est aperçu que toucher à des histoires très personnelles avait plus d’impact et de puissance dans la manière qu’avait le public de percevoir le spectacle. Il n’en a pas forcément une perception réaliste. Pling Klang rassemble des histoires qui nous sont arrivées, mais les personnes – même celles qui nous connaissent – pensent qu’elles ont été romancées, que notre travail d’écriture s’est poursuivi après avoir réuni les histoires. Les spectateurs et spectatrices se projettent dans une réalité ou dans une histoire fictive en fonction de leur envie, leur expérience et leur vécu.
« En ce qui me concerne, de manière consciente et inconsciente, Pling Klang est un spectacle autobiographique même si ce n’est pas annoncé en tant que tel. »
Unidivers – Étant donné la dimension personnelle et intime du spectacle, comment envisage-t-on la création quand on se livre autant sur scène ?
Étienne Manceau – Paradoxalement, c’est un endroit où je n’ai pas l’impression de me mettre à nu. C’est plus la sincérité qui va m’intéresser. Une création, à deux ou plus, est toujours un parcours complexe, ce sont les montagnes russes comme une histoire de couple. On passe de longues périodes ensemble, on compose en fonction des états et des humeurs de chaque personne. Aller chercher toujours plus loin et transpirer la vérité, c’est ce qui m’intéresse dans mon travail donc on passe forcément par des prises de bec, des désaccords et des moments euphoriques de connivence. Je fais un vrai parallèle entre un moment de création et la vie de tous les jours.
Unidivers – Le parallèle que vous avez choisi dans Pling Klang est justement original. Pourquoi avoir choisi de comparer le couple à la construction d’un meuble Ikea ?
Étienne Manceau – Comme on vient tous les deux du cirque, notre rapport au risque et au défi est très présent. La performance plane toujours au-dessus de nos idées et de notre manière d’aborder la création. Quand on a initié le projet, plusieurs situations nous intéressaient : une partie de ping-pong, changer un pneu de vélo ou un pique-nique à vélo – car Mathieu est acrobate à vélo – mais l’idée du montage de meuble nous a semblé la plus pertinente. D’abord parce qu’on considère que construire en couple, qu’il s’agisse de travaux et de montage de meuble, est un défi à relever, mais on s’y prête volontiers. Puis, la manière d’aborder le montage nous a semblé riche de sens. Le meuble est droit et carré avec des cases, il faut suivre le mode d’emploi pour le construire, rentrer dans des cases, etc., mais en réalité on s’aperçoit que ça ne nous correspond pas forcément. Toute cette métaphore de l’existence est relayée par cette histoire de notice et les futur.e.s spectateurs et spectatrices se projettent instantanément. Sans trop en dire, on a décidé de glisser à des endroits inattendus…
Unidivers – Ces réflexions sur le couple sont très actuelles : on questionne le couple et son schéma, sa construction, notamment dans des essais. Avez-vous eu des inspirations plus littéraires ?
Étienne Manceau – Mathieu est très client de ce genre de sources. Elles m’intéressent, mais j’ai plus de mal à me plonger dans les écrits. J’aborde la création de manière plus empirique.
Comme l’équipe est exclusivement masculine avec Bram Dobbelaere comme œil extérieur et coauteur [il a également imaginé le dispositif scénique, un meuble Ikea Kallax en 4×2 cases, laqué blanc Ndlr.], et Mathieu et moi au plateau, cette vision masculine nous a questionnés justement. On a fait appel à une amie, Marie, pour avoir la conscience la plus aiguisée possible sur ce qu’on raconte. C’est une femme, mais elle est aussi très calée sur le sujet : les rapports de domination, la masculinité, la féminité, le féminisme. Les mots que le public allait entendre devaient être pesés pour ne pas faire d’impairs, ces sujets étant facilement glissants. Les termes employés sont très fins, car les mots peuvent avoir un impact très différent. Même en étant documentés et ouverts, certaines choses peuvent nous échapper et le conditionnement social que l’on a traversé nous rattrape souvent.
Unidivers – Par un biais ou un autre, abordez-vous justement toutes les formes de relation dans Pling Klang de manière à parler à plus de monde ?
Étienne Manceau – Pling Klang parle de nous, et Mathieu comme moi avons gravité dans des sphères où l’on peut parler de ces sujets en connaissance de cause. En partant d’expériences personnelles, le propos n’est pas discutable, il s’agit de choses que l’on a traversées, éprouvées, qu’on a émotionnellement analysées. C’était aussi ce qui fait la force du spectacle, choisir des moments personnels plutôt que des témoignages d’histoires que nous n’avons pas vécu. Il est possible de relayer les propos de quelqu’un, mais ce qui nous intéressait, c’était de parler des sensations et des émotions que l’on éprouve dans ces histoires, ce que ça vient interroger et titiller chez nous, en se servant de cet axe classique de construction.
Unidivers – La création est récente donc il est peut-être encore un peu tôt, mais une nouvelle collaboration a-t-elle déjà été abordée ?
Étienne Manceau – On en a déjà parlé quelques fois, en filigrane, mais c’est un peu comme avoir un deuxième enfant. On vient d’avoir le premier, on va le laisser grandir un peu.
Unidivers – Je vous remercie Étienne Manceau.
INFOS PRATIQUES
Durée : 1h10
Mardi 13 février 2024 et Mercredi 14 février 2024 – 19:30 > 20:40
Hôtel de Ville, Rennes
Salle des Mariages
8€ Tarif plein, 6€ Tarif moins de 18 ans et étudiants, 3€ Tarif Sortir!
Pour que nous puissions vous accueillir dans les meilleures conditions, merci aux personnes à mobilité réduite de contacter Alice Butet en amont du spectacle : abutet@lestombeesdelanuit.com