Rue de Primauguet, un ensemble de quatre logements est construit en retrait de la voie, avec derrière des parcelles de jardin. En ce petit matin grisonnant, une habitante du n° 4, rencontrée par hasard, évoque volontiers leur construction. « J’ai toujours habité là, » explique-t-elle. « Elles ont été construites en 1940, » ajoute-t-elle.
Séparées par des clôtures, ces quatre habitations en schiste du pays ont pour originalité d’être recouvertes par un toit d’un seul tenant. Elles ont été édifiées par l’entrepreneur Médard, sur des plans des architectes Derrouch et Rual. Chose surprenante pour l’époque, elles comprennent chacune un garage.
Au n°10, l’écrivain Robert Merle vécut avec quatre de ses enfants. Pour ceux qui auraient malencontreusement oublié cet auteur, il fut salué par le prix Goncourt en 1949 pour Week-end à Zuydcoote. Un ouvrage adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1964, avec pour personnage principal, un certain Jean-Paul Belmondo.
Vraisemblablement, ce récit fut achevé à Rennes. Du moins, Robert Merle y corrigea sans doute les dernières épreuves. Car l’auteur fut nommé, à la sortie de la guerre, maître de conférence à l’Université de Rennes II, avant de devenir professeur d’Anglais en 1949. Il demeura dans la capitale bretonne jusqu’en 1957, date à laquelle il rejoignit l’université de Toulouse.
Malheureusement oublié aujourd’hui, Robert Merle fut l’un des écrivains les plus doués de sa génération. On lui doit une saga historique à fort succès, Fortune de France. Il fut aussi l’auteur de La mort est mon métier, un récit qui inspira, dit-on, un certain Littel, auteur des Bienveillantes. On doit enfin à cet auteur proche des communistes, Malevil ; un roman qui fut adapté au cinéma avec Michel Serrault lui-même.
Les aficionados du romancier pourraient en citer plusieurs autres… et ainsi rafraîchir notre mémoire. Mais sachons faire la part belle également à Charles Dedeyan.
Ce professeur en Sorbonne, injustement méconnu, habita lui aussi le n°10 de la rue de Primauguet, juste avant Robert Merle. Dernièrement, en 2010, cet érudit de la littérature comparée fut honoré par ses pairs dans les locaux de la faculté parisienne. Aujourd’hui décédé, il est l’auteur d’ouvrages qui font référence dans le petit monde intellectuel des Sorbonnards. Mais c’est une autre histoire…
On retiendra simplement qu’il fut celui qui posa la plaque émaillée sur la façade de la rue de de Primauguet, portant en grosses lettres ces trois mots : Le Grand Meaulnes.
JCC