La scène s’est jouée dans la nuit du 5 au 6 juillet 2025, sur la dalle Kennedy, dans le quartier Villejean à Rennes. Un grondement de moteur fend le silence moite de l’été. Les riverains, déjà excédés par les nuisances répétées, alertent les forces de l’ordre : un motocross circule à vive allure entre les immeubles. Rien de très surprenant dans ce secteur où les rodéos urbains sont devenus une routine estivale. Sauf que cette fois-ci, l’affaire prend une tournure pour le moins inattendue. Chronique d’un laxisme qui inquiète les forces de l’ordre et les habitants.
Une moto, une cavale… administrative
Lorsque les policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) interviennent, ils interceptent un homme de 28 ans au guidon d’une puissante moto 450 cm³, non homologuée pour la route. Interpellation musclée. L’homme est conduit au commissariat. Mais à la vérification de son identité, les agents tombent des nues : il s’agit d’un détenu incarcéré à la maison d’arrêt du Havre… actuellement en permission de sortie. Condamné dans une affaire antérieure, l’individu avait bénéficié d’un aménagement de peine temporaire qui lui permet de passer 72 heures hors des murs. Une « confiance judiciaire » que le prévenu a manifestement choisie de trahir en participant à une activité illégale et dangereuse. La moto a été saisie. Lui a été placé en garde à vue avant d’^etre transféré en détention.
Villejean : un quartier sous tension
Ce fait divers s’ajoute à une longue liste d’incidents dans ce quartier très sensible de l’ouest rennais où les trafics de stupéfiants, les occupations de halls et les rodéos nocturnes participent à une dégradation continue du bien vivre en commun. Pour les syndicats de police, la coupe est pleine. « On ne peut pas lutter contre les comportements dangereux si les personnes déjà condamnées se voient offrir des permissions de sortie sans contrôle », déplore un représentant local d’Alliance Police.
Légal, mais à revoir ?
En France, les permissions de sortie sont encadrées par l’article 723‑3 du Code de procédure pénale. Elles permettent à certains détenus, sous conditions, de préparer leur réinsertion ou de maintenir des liens familiaux. Mais dans un contexte de pression sécuritaire et de hausse des délits en zone urbaine, leur attribution soulève de plus en plus de questions, notamment lorsque les bénéficiaires récidivent dans l’illégalité. Les rodéos urbains, quant à eux, sont réprimés depuis 2018 par une loi spécifique qui prévoit jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende avec possibilité de confiscation du véhicule. Pourtant, leur fréquence ne faiblit pas tant ces derniers sont alimentés par les réseaux sociaux et un sentiment d’impunité persistant.
Une fracture civique
Au-delà de l’anecdote judiciaire, cet épisode renforce le sentiment d’incompréhension entre les habitants des quartiers populaires et les institutions. Pour certains, le laisser-faire judiciaire alimente la défiance et dévalorise le travail des forces de l’ordre. Pour d’autres, c’est le signe d’un système à bout de souffle qui se relève incapable de concilier réinsertion et sécurité.
Un rodéo nocturne, un détenu en cavale administrative, une moto saisie, une permission envolée. En apparence, une simple chronique policière. Mais en creux, se dessine un problème plus profond : celui du nécessaire rééquilibrage entre la justice des hommes. Avant que Rennes ne devienne définitivement un phare Ouest.
