Poupées sexuelles : pourquoi attendre une « récidive » ?

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ConstatDes poupées sexuelles d’apparence enfantine ont été proposées au public français sur Shein ou Aliexpress. La DGCCRF a saisi le procureur de la République et signalé les faits à l’Arcom. Le ministre de l’Économie affirme désormais qu’en cas de récidive, il demandera l’interdiction d’accès à Shein en France. Question : depuis quand, face à un fait pénal touchant à la protection des mineurs, menace-t-on d’abord de « sanctionner la prochaine fois » ? Lorsqu’un consommateur d’images pédopornographiques est pris en flagrant délit, lui dit-on : « la prochaine fois, attention ! » Pourquoi, face à une entreprise, l’État s’autorise-t-il une logique d’avertissement plutôt que de sanction immédiate ?

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Toutes ces offres de vente de poupées sexuelles au visage d’enfant sont toujours en ligne notamment sur Aliexpress à l’heure de la publication de cet article.

Ce qui est déjà établi

  • Signalement judiciaire : la DGCCRF a saisi le procureur de la République de Paris après avoir constaté la commercialisation, sur Shein, de poupées sexuelles d’apparence enfantine. L’Arcom a également été alertée. (communiqué officiel)
  • Reconnaissance de faits : Shein affirme avoir retiré les références incriminées après les signalements médiatiques et institutionnels.
  • Prise de position ministérielle : Roland Lescure déclare qu’il demandera l’interdiction d’accès en cas de comportements répétés ou si les objets ne sont pas retirés sous 24 h, et annonce une enquête judiciaire.

Le droit en jeu : un fait pénal, pas un « dérapage commercial »

La mise à disposition de contenus à caractère pédopornographique est réprimée par le Code pénal (art. 227-23, notamment). Ce terrain est pénal, non pas simplement concurrentiel ou consumériste. Par ailleurs, l’absence de filtrage efficace exposant des mineurs à des contenus pornographiques relève aussi du cadre légal français encadré par l’Arcom. Autrement dit : on ne se situe pas dans l’« erreur de catalogue », mais dans la sphère des atteintes les plus graves à la protection de l’enfance.

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Deux poids, deux mesures ?

  • Personne physique : dès le soupçon d’un acte pédopornographique, les mesures coercitives s’enclenchent (enquête, perquisitions, gardes à vue, saisies, blocages). Personne ne parle d’« avertir pour la prochaine fois ».
  • Plateforme globale : retrait après coup, promesse de vigilance, « si récidive » on avisera. Ce décalage place l’intérêt économique au-dessus de la protection des mineurs et installe un précédent : on peut expérimenter jusqu’au tollé public, puis retirer, puis recommencer.
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Ce que l’État peut (et devrait) faire immédiatement

  • Mesure conservatoire forte : demander le blocage administratif/judiciaire temporaire d’accès à la plateforme sur le territoire français dans l’attente des suites pénales, au titre de la protection des mineurs et de la prévention de la récidive.
  • Exigence de conformité ex ante : imposer des obligations techniques et organisationnelles avant toute réouverture totale (filtrage d’accès, gouvernance de la modération, procédures d’alerte, audits indépendants, délais de retrait contraignants).
  • Traçabilité : conserver et transmettre aux autorités l’ensemble des journaux permettant d’identifier l’origine des offres et des vendeurs tiers impliqués, ainsi que l’historique de mise en ligne et de déréférencement.
  • Sanction économique exemplaire : amendes significatives, et conditionnement de toute activité commerciale physique (ex. ouverture en centre-ville) au respect vérifié d’un plan de conformité robuste.
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Pourquoi la logique « si récidive » est une erreur

  • Signal normatif désastreux : le droit devient négociable. On « tente », on retire si ça choque, on repart. Cette spirale délégitime l’État.
  • Risque systémique : les places de marché comprennent que le bad buzz management remplace la conformité. L’« après-coup » devient un modèle d’affaires.
  • Atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant : principe cardinal du droit français et international, incompatible avec la temporisation politique.

Le cœur du sujet dépasse Shein : la responsabilité des places de marché

La question n’est pas seulement « Shein a-t-il retiré ? », mais : quelle architecture de prévention ? Qui choisit, décrit, catégorise ces produits ? Quels filtres d’âge ? Quels garde-fous algorithmiques ? Quelle supervision humaine et quelle traçabilité des décisions ? Sans réponses et sans contrôle ex ante, la tentation de l’arbitrage « retirer après exposition » perdurera.

Encadré juridique

  • Art. 227-23 du Code pénal : réprime la fixation, l’enregistrement, la diffusion, la mise à disposition de l’image d’un mineur à caractère pornographique ; peines aggravées en cas d’usage d’un réseau électronique.
  • Protection des mineurs en ligne : l’Arcom peut être saisie en cas de défaut de vérification d’âge et de mesures de protection. Les autorités judiciaires peuvent ordonner des mesures de blocage.

Le gouvernement ne peut pas demander aux Français de croire à la fermeté républicaine tout en différant la sanction face à des produits à caractère pédopornographique. Le temps des avertissements est passé. La seule réponse cohérente avec la protection des mineurs est une mesure immédiate : blocage conservatoire, enquête pénale accélérée, exigences de conformité avant toute reprise normale d’activité.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !