Nu comme un ver, il n’ose pas plonger. Les mains cachant son sexe, la peur au ventre, il recule… Enfants, de nombreux Rennais ont éprouvé, comme lui, la frousse de sauter du plongeoir de la piscine Saint-Georges. Enfant, ils ont tous pataugé dans ce grand bassin bleu de 33 mètres.
Jeudi soir, les 200 privilégiés de Swimming poules et flying coqs par Philippe Decouflé ont renoué avec leurs réminiscences aquatiques. Car c’est là la force de ce spectacle, il replonge dans notre passé et dans nos souvenirs. On sursaute au moindre coup de sifflet intempestif du maître nageur. On peste contre l’exiguïté des cabines. On trempe enfin son pied délicatement dans l’eau pour savoir si elle est vraiment froide.
A la manière d’un Tati, les danseurs et danseuses de Découflé pénètrent dans l’enceinte bleue d’Odorico, le mosaïste de Saint Georges. Ils sont comme des êtres désarticulés à la recherche d’un hypothétique équilibre sur le carrelage glissant. Des poules et des coqs aux allures humaines qui prennent l’air dégagé d’un Gary Grant ou les moues suggestives de Marylin Monroe.
Inlassablement, Decouflé renvoie à nos angoisses corporelles de petits garçons ou de petites filles en maillots de bain trop petits. Heureusement, le plongeon dans l’intemporalité n’est jamais loin. Il soulage notre mal-être et purifie nos tracas. La piscine de Decouflé est un bain de jouvence où Johnny Weismuller retrouve avec joie sa peau de Tarzan.
A Saint-Georges, le célèbre chorégraphe remet au goût du jour les ballets nautiques d’Esther Williams où les naïades en maillot une pièce plongeaient sous les caméras de Georges Sydney. On est dans les années trente… celles de la construction de Saint-Georges. Mais loin de nous l’envie de résumer sa performance à un retour dans le passé. Decouflé est résolument moderne, jonglant avec les éclairages, la musique de Nosfell et les vidéos aquatiques.
Dans cet univers, les nageurs androgynes à l’allure de Grâce Jones croisent Christophe Salengro, président du Groland. Ils dansent pour nous, éclaboussant nos principes et leurs camarades de jeux sur un Radeau de la Méduse. Ils nous emmènent en barque vers le fond de l’eau où règnent en maîtres des sirènes masculines.
Bienvenue dans le monde de Decouflé, étrange, loufoque, mais si délibérément touchant.
Jean-Christophe