De la culture du viol à la culture du consentement, ce que change le vote de l’Assemblée du 23 octobre

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ras le viol

Jeudi 23 octobre 2025, l’Assemblée nationale a adopté à une large majorité (155 voix contre 31, 5 abstentions) l’intégration explicite du non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. Une étape décisive avant l’ultime feu vert attendu au Sénat la semaine prochaine. Au-delà du symbole, c’est un changement de paradigme juridique et culturel, la loi française affirme désormais que tout acte sexuel non consenti relève d’une infraction.

Jusqu’ici, le droit français reposait principalement sur la triade « violence, contrainte, menace, surprise ». Le texte voté inscrit noir sur blanc que le consentement doit être libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable, et qu’il ne peut être déduit du silence ou de l’inertie. Cette clarification répond à des angles morts bien documentés : sidération, emprise, peur, situations où la victime ne peut ou n’ose pas résister. C’est aussi un alignement avec les standards européens en matière de droits humains, où l’absence de consentement est le cœur de l’incrimination.

Porteuse du texte avec Véronique Riotton (Renaissance), la députée écologiste Marie-Charlotte Garin a résumé l’esprit de la réforme : « Quand ça n’est pas non, ça ne veut pas dire oui ; et quand c’est oui, ce doit être un vrai oui ; céder ne sera plus jamais consentir. » Après deux ans d’auditions et de navettes, la commission mixte paritaire a accouché d’une rédaction commune, saluée par de nombreuses associations féministes comme une victoire obtenue de haute lutte.

Ce que la loi change concrètement

  • Une boussole claire pour les enquêteurs et les magistrats : la question centrale devient « y avait-il consentement ? », apprécié au regard des circonstances, plutôt que « pouvez-vous prouver la contrainte ? ».
  • Un continuum des violences mieux reconnu : agressions et viols sont définis par l’absence d’accord, ce qui évite d’exclure des situations où la contrainte est psychologique, contextuelle ou implicite.
  • Des précisions techniques : la réforme affine plusieurs articles et ferme des brèches interprétatives (notamment sur les actes bucco-anaux), pour une grille de lecture plus cohérente.

La réforme a été adoptée malgré l’opposition de l’extrême droite, qui y voit une « subjectivisation » du droit. Des juristes ont aussi mis en garde contre un risque de déplacer la focale vers la conduite de la victime. Objection importante, mais c’est précisément à cela que répond la nouvelle rédaction en définissant positivement le consentement et en rappelant qu’il doit être recherché activement par l’auteur présumé. En d’autres termes, la charge sociale de la preuve du “oui” bascule.

Voter une loi ne suffit pas. Pour qu’elle produise des effets, trois chantiers s’imposent :

  1. Formation de toute la chaîne (police-gendarmerie, magistrats, médecins, avocats, monde éducatif) aux critères du consentement, au psycho-traumatisme, à l’écoute non-judgmentale.
  2. Moyens : places en unités médico-judiciaires, renforcement des brigades et parquets spécialisés, délais d’instruction raccourcis, hébergement d’urgence.
  3. Prévention : éducation à la vie affective et sexuelle, campagnes publiques répétées et évaluées, pédagogie du « oui » explicite, travail avec les plateformes et les médias.

La France rejoint une vague européenne (Belgique, Suède, Espagne…) qui place le consentement au centre. Jurisprudence et recommandations internationales convergent : la définition de l’infraction doit refléter que toute pénétration sans consentement constitue un viol. Ce n’est pas une « morale » importée : c’est la traduction juridique d’un principe simple — nul ne peut disposer du corps d’autrui sans son accord.

Notre position : une avancée nette à rendre effective

Oui, c’est une avancée, et elle sera d’autant plus forte qu’elle s’accompagnera d’une politique publique exigeante. La loi apporte la clarté sémantique qui manquait, déverrouille des obstacles probatoires et envoie un message collectif : « la zone grise » n’est pas un refuge juridique. À nous, collectivement, d’en faire un levier de justice et d’égalité, et non une proclamation sans moyens. La République française est passée maître ces dernières années dans la formulation de louables intentions qui ne sont que peu ou mal accompagnées en pratique.

  • Préciser des protocoles d’enquête centrés sur le récit et les circonstances plutôt que la seule recherche de traces de violence.
  • Déployer des modules de formation obligatoires, assortis d’indicateurs publics (taux de plaintes classées sans suite, délais, taux de condamnations).
  • Évaluer l’impact à 2 et 5 ans : chiffres de judiciarisation, satisfaction des victimes, cohérence des jurisprudences.

En bref : une victoire féministe, oui ; à transformer en victoire juridique et sociale par la mise en œuvre d’une pratique publique volontaire.

RepèresLe texte en quelques lignes
• Agressions sexuelles : définies comme « tout acte sexuel non consenti ».
• Consentement : libre, éclairé, spécifique, préalable, révocable ; ni le silence ni l’inaction n’en tiennent lieu.
• Adoption à l’Assemblée : 23 octobre 2025, 155 pour, 31 contre, 5 abstentions. Ultime vote attendu au Sénat fin octobre.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !