Washington Noir, 16 nouvelles entre polar et critique sociale

washington noir, polarWashington Noir est le dernier recueil paru de la collection Noir des éditions Asphalte. Un ouvrage dirigé par George Pelecanos, natif de Washington et auteur de plusieurs séries de roman prenant place dans la capitale des États-Unis, notamment le « D.C. Quartet » et les enquêtes de Nick Stefanos.

16 nouvelles composent cet opus. 16 tranches de vie, tragiques, émouvantes, parfois drôles. Beaucoup de thèmes propres au genre du polar sont abordés – de l’indic au gérant d’une supérette de quartier harcelé par une bande de voyous en passant par les rivalités entre gangs. En arrière-plan, comme de coutume, une critique sociale désenchantée.

Parmi les auteurs, on retrouve quelques pointures du roman noir tels que James Grady, auteur des Six jours du Condor et du Fleuve des Ténèbres. Grady a souvent situé l’action de ses romans dans le monde politique et la CIA. Il livre ici une nouvelle dans les coulisses de la Maison-Blanche. Sont à l’honneur dessous-de-table, prostitution, votes truqués, vente d’armes. La dizaine de pages très efficaces s’éloignent quelque peu des autres récits qui composent le recueil, la plupart inscrivant leur toile de fond dans les rues de Washington.

Georges Pelecanos qui s’octroie la première nouvelle de l’anthologie assure le minimum, mais ne convainc pas. Sa nouvelle mériterait quelques pages de plus pour enrichir une intrigue quelque peu convenue. Les très bonnes surprises viennent des textes de Laura Lippman, ancienne journaliste et épouse de l’écrivain et scénariste David Simon, de Robert Andrews, ancien militaire et vétéran du Viêtnam, et, surtout, de Lester Irby qui a passé plus de trente ans dans des prisons fédérales pour braquages de banques.

Lippman nous entraine dans les beaux quartiers de Washington. Nous y suivons les pérégrinations d’une femme arriviste. À la suite d’un divorce, elle ne peut plus payer les traites de sa maison de luxe. Subtilement, elle trouvera une solution à son problème… C’est noir, drôle et incisif. Les problèmes sociaux chez les riches.

Robert Andrews pose son récit et ses personnages à Georgetown. Un vendeur à la sauvette est pris à partie par une bande de mafieux du quartier. Il refuse de payer le moindre dollar pour une soi-disant protection. Les menaces fusent, les coups de feu aussi. C’est une fois de plus drôle et noir, avec un final explosif.

« Dieu n’aime pas les trucs moches » est le titre de la nouvelle de Lester Irby. La découverte et le joyau de Washington Noir. L’histoire d’une rivalité entre un frère et une sœur. L’un est à la tête du gang qui dirige le quartier, l’autre est l’amante du rival qui prospère grâce au trafic de drogue et aimerait bien prendre le territoire du frère. Partant du meurtre d’une jeune femme dans les toilettes d’une boite de nuit, Irby tisse habillement son histoire, racontée par la sœur en flash-back. Ici l’humour n’a pas prise, le déchirement fraternel, le trafic de drogue, les assassinats et la prison sont les récurrences d’une histoire prenante. Avec cette nouvelle, Lester Irby frappe fort. Il se pose en digne héritier d’un certain Edward Bunker.

Washington Noir est un excellent cru de la collection Noir des éditions Asphalte. Sur seize textes, deux sont oubliables, les autres sont de véritables petites perles. À noter la très bonne traduction de Sébastien Doubinsky qui retranscrit à merveille les différentes voix des seize auteurs. Alors, oubliez les guides touristiques et jetez-vous sur Washington Noir, la capitale d’un certain monde…

Tarik Messelmi
(Cheville ouvrière du café-littéraire le Dahlia noir dont il préside aux destinées, Tarik est notamment spécialiste du roman noir)

Washington Noir, collectif sous la direction de George Pelecanos, (Traduit par Sébastien Doubinsky), Ed. Asphalte, avril 2013, 279 p. 21€

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Tarik Messelmi
Depuis longtemps passionné de littérature, avec une préférence pour le roman noir et la science-fiction, la liste est longue et les découvertes toujours intéressantes.

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