Après Kerouac, Chateaubriand et Flaubert, voilà… Jarry. Euh non… Ubu ! Sur les traces d’un écrivain à Rennes, on rencontre forcément le créateur de la Pataphysique. Pourtant, il serait difficile de le consacrer grand écrivain de la ville… Enquête.


Et il y a cet autre fait, que sans Jarry nous ne connaîtrions pas Ubu, et si nous connaissons Ubu, si Ubu est devenu une œuvre d’art, et une œuvre célèbre, c’est que parmi les metteurs en scène de l’Ubu rennais, pendant que les autres choisissaient la vie de polytechnicien, de conservateur des hypothèques ou de marchand de bois, il y en avait un qui choisissait la vie d’artiste.

Cela n’empêchera pas Rennes de s’en prévaloir : une salle de spectacle célèbre porte le nom du personnage, une allée Alfred Jarry derrière les Horizons, une salle de cours à l’Université Rennes 2. La salle de concert porte d’ailleurs comme logo la Gidouille du père Ubu, spirale ubuesque représentée sur son ventre.
Le cycle théâtral Ubu a toujours été en gestation. Et sa genèse commence dans un univers scolaire potache, dont l’œuvre a conservé la marque. Il faut imaginer Jarry et les frères Morin dans leur grenier, jouant Les Polonais, un spectacle de marionnettes. Puis l’autre version, selon Paul Léautaud, représentée « en famille chez la mère de Jarry, laquelle a confectionné elle-même le chapeau de la marionnette d’Ubu ». Au-delà des pièces cultes qui suivront – citons Ubu roi en 1896, puis Ubu cocu ou encore Ubu enchaîné – on assiste dans ce petit theatrum mundi rennais à l’idée d’une littérature plurielle et polyphonique. Avec ces reconnus, ces oubliés, ces faussaires, ces génies, ces bouffons… Ubu, comme toutes les grandes œuvres, appartient au monde entier.
Dans le prochain épisode, nous retrouverons un autre grand bougon de la littérature mondiale. Où Rennes rime alors avec tuberculose…
Alfred Jarry est un poète, romancier, dramaturge et dessinateur français, célèbre pour son cycle sur le roi Ubu. Né à Laval en 1873, il est mort à Paris en 1907. Après avoir étudié à Saint-Brieuc puis à Rennes, il monte à Paris où il est notamment l’élève de Bergson et le condisciple de Thibaudet. La première d’Ubu roi au Théâtre de l’œuvre en 1896 crée le scandale. Suivront d’autres publications sur Ubu, Ubu cocu (1897), Ubu enchaîné (1899) ou encore Ubu sur la butte (1906). On lui doit l’invention de la Pataphysique. Il connaîtra une grande postérité, notamment auprès des surréalistes ou du théâtre de l’absurde.

