ABD AL MALIK Camus ou l’art de la révolte

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Abd al Malik, artiste multi-casquettes, rappeur, auteur et réalisateur, était l’invité des Champs Libres le samedi 14 janvier 2017. Du slam ? Pas complètement, puisque Abd al Malik a présenté son dernier livre, Camus L’art de la révolte, paru en 2016 aux éditions Fayard. Dans Camus L’art de la révolte  Abd al Malik convoque la figure de l’intellectuel engagé. Absurde ? Non ! Camus, son « frère » est, selon lui, « l’homme révolté » dont notre époque a besoin.

 

Abd al Malik CamusAbd al Malik, on le connaissait pour le slam, l’islam, l’album Gibraltar ou le livre La guerre des banlieues n’aura pas lieu. Convoquer Albert Camus ? Rien d’étonnant. L’œuvre d’Abd al Malik est traversée de références et figures tutélaires de la littérature. Converti à l’islam, prônant tolérance et intégration, Abd al Malik opère une sorte de syncrétisme humaniste entre deux cultures. Comme Albert Camus, prix Nobel de littérature en 1957, romancier, dramaturge et philosophe, Abd al Malik se veut un artiste engagé, s’entend : dans les luttes de son époque. Il milite notamment contre l’illettrisme et a soutenu en 2011 le chef indigène brésilien Raoni dans sa lutte contre le barrage de Belo Monte.

Abd al Malik CamusCamus, L’art de la révolte se comprend comme une amitié littéraire (à sens unique, fatalement) entre l’auteur de La Peste et Abd al Malik. Une amitié, voire même une fraternité, par-delà les époques. Albert Camus avait structuré sa pensée, philosophique et littéraire, autour des thèmes de l’absurde et de la révolte, le deuxième étant la réponse au premier. Camus, lors du discours de Suède en 1957, disait : « Le rôle de l’écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent ». Sur ces traces, et ces paroles, Abd al Malik chemine, entre engagement de citoyen et production artistique. Que ce soit sur le plan littéraire ou musical, il s’engage : aussi tente-t-il de relier, voire de dépasser, la dimension sociale et politique du rap français par des affinités électives diverses et variées. D’autres critiquent également son consensus et la facilité d’un discours que les partis politiques ne manquent pas de récupérer.

Abd al Malik CamusEt la littérature, dans cette histoire ? Camus, L’art de la révolte se présente comme un projet hybride, mêlant photographies – mettant en scène l’auteur lui-même – fragments de texte et paroles de rap ou slam. Dans le prologue de Camus, l’art de la révolte Abd al Malik décrit son protocole : « Brouiller la narration linéaire et conventionnelle : collages, intertextualité, cuts de DJs, soupirs et demi-soupirs, citations façon samples de rap. Une partition de mots. Un hymne au hip-hop et à l’esthétique du multiple. Une harmonie du divers où la narration, interrompue souvent, sonnerait jusqu’au bout ». S’en suit la découverte, adolescente, de Camus, l’intérêt pour la monotonie du Meursault de L’Étranger, que le rappeur utilisera pour son flow, ou encore leur histoire en miroir. Si les paroles rappées, incrustées au texte, donnent au texte un rythme littéraire assez inédit, le reste du livre peut sembler convenu, du moins stylistiquement. Emphatique, enflé de phrases nominales, le souffle littéraire ne vient pas des tripes, ou alors, seulement du nombril. Camus, l’art de la révolte, un peu trop exemplaire, reste tout de même divertissant. Lors de la conférence donnée aux Champs Libres, Abd al Malik a été accueilli avec enthousiasme. Entre lectures (slamées) et discours sur la fonction de la littérature et le rôle des intellectuels à notre époque, l’artiste a donné à un public conquis ce qu’il semblait attendre. Applaudissements dans la salle. « Qu’est-ce qu’un homme révolté » ? demandait Camus  : « Celui qui dit non ».

La conférence d’Abd al Malik Camus, L’art de la révolte a eu lieu samedi 14 janvier à 15 h 30 aux Champs libres, salle de conférences, 10, cours des Alliés à Rennes.

Abd Al Malik Camus, l’art de la révolte, éditions Fayard, novembre 2016, 192 pages, 17 €

 

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