BD. La Fabrique des Français ou l’histoire de l’immigration en France

La Fabrique des Français BD

Dans cette BD documentaire La Fabrique des Français de Sébastien Vassant, c’est une histoire de la nation Française qui nous est racontée, sous le prisme de l’immigration. Éclairant et passionnant.

Au commencement, il y eut un documentaire sur France 2, « Histoires d’une Nation » de Françoise Davisse et Carl Aderhold. Quatre épisodes pour raconter la naissance de la nation française depuis 1870 « sous un jour différent, en y intégrant la participation des immigrés ». La Nation proclamée et revendiquée par la Révolution Française, n’existe pas réellement quand éclate la guerre de 1870. Clivée, scindée elle n’est en fait composée que d’étrangers, ceux-ci se définissant comme tous les individus ne faisant pas partie de la bourgeoisie dominante. Bretons, auvergnats, ouvriers sont ainsi des étrangers. La IIIème République naissante sur les décombres d’un pays affaibli par ses divisions prend conscience de la nécessité d’une unité nationale. Commence ainsi le « Roman national », œuvre fictive, faite pour agréger la nation, entité unie capable de lutter contre d’éventuels ennemis extérieurs. Nos ancêtres les Gaulois, l’école obligatoire pour tous, le français contre les langues régionales, la Laïcité, se mettent en place et constituent encore aujourd’hui des socles de notre unité.

« Qu’est-ce qu’être Français ? » devient ainsi un leitmotiv qui traverse le siècle et demi d’histoire nationale qui nous est narrée ici avec un prolongement tacite à cette question : « qui sont ceux que l’on va qualifier d’étrangers ? ». On découvre au fil du récit chronologique, raconté ici comme une histoire, que ces définitions de Français et d’étrangers vont changer régulièrement selon les besoins de l’État. Nécessités ou non de main d’œuvre, taux de natalité suffisant ou pas, vont guider les gouvernements successifs à encourager, ou pas, la venue sur le territoire hexagonal de populations étrangères. Ainsi les conditions d’attribution de la nationalité française vont varier du « droit du sol » au « droit du sang », et inversement, le tout caché derrière un vernis idéologique opportuniste qui dissimule souvent des nécessités économiques. 

À la prise en considération économique et démographique de cette main d’œuvre étrangère qui constitue une double variable d’ajustement, s’ajoute un troisième facteur, politique et idéologique : la haine de l’immigré et son corollaire immédiat, le racisme. C’est le mythe de la France Éternelle inventé artificiellement à la fin du XIXème siècle qui ressurgit utilement pour justifier le repli de la nation sur elle-même. Elles s’accompagne parfois de fumeuses théories scientifiques faites pour justifier le racisme. Sébastien Vassant par des intermèdes instructifs, rappelle ces idéologies nauséeuses et leurs porte-paroles historiques.

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« L’ étranger », change lui aussi fréquemment. Fini le breton et Bécassine, c’est désormais l’Allemand, honni, qui sert de point de départ au fondement du nationalisme, et puis, se succéderont les « macaronis », les « Polacks », « les espagnols », les arabes avec lesquels se mélangent les guerres de colonisation, boucs émissaires changeants pour justifier le renvoi dans leurs pays d’origine d’une main d’œuvre dont la France n’a plus, provisoirement besoin. Avant de les rappeler si besoin. À ces occasions, les exemples de crispations et de haine se succèdent telles les tueries d’Aigues Mortes en 1893, qu’illustra Baru dans Bella Ciao.

À ce récit historique, le dessinateur ajoute quelques courts témoignages de personnalités ou d’anonymes, montre par des détails de la vie quotidienne que la France se construit chaque jour en amalgamant des idées et des individus différents. Il personnalise ainsi un récit global historique et lui donne une touche humaniste importante. 

Un quart de la population française actuelle trouve ses racines dans les pays étrangers, ce que la BD précise utilement en citant nombre de personnalités de tous ordres d’origine étrangère, de Marie Curie en passant par Yves Montand, Georges Charpak ou Robert Badinter. Malgré cela, à chaque fait divers, à chaque élection, l’immigration devient un sujet majeur. La lecture plaisante de cet ouvrage didactique, rappelle pourtant combien ces flux migratoires sont souvent au départ désirés et encouragés avant de devenir encombrants quand l’économie n’en a plus besoin. On voudrait gérer la vie d’hommes et de femmes, comme des marchandises. Quitte parfois à se cacher les yeux ou à laisser s’exercer la haine de ce qui n’est pas soi.

Le Monde sans fin de Blain et Jancovici, Sapiens de Vandermeulen et Casanave d’après Harari, sont des exemples éditoriaux réussis qui montrent que la BD Documentaire s’installe dans le paysage et trouve ses lecteurs. La Fabrique des Français s’inscrit dans ce nouveau créneau et devrait y trouver une place de choix.

BD La Fabrique des Français

La Fabrique des Français, récit et dessin de Sébastien Vassant. En collaboration avec Françoise Davisse et Carl Aderhold. Éditions Futuropolis, mai 2023. 168 pages. 24€. 

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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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