BINIC FOLKS BLUES FESTIVAL, LES MOMENTS FORTS DE SAMEDI 28 JUILLET

Comme on le sait, en Bretagne, l’été est rythmé par les festivals de musiques en tous genres. Mais hormis le mastodonte des Vieilles Charrues, Bobital et le festival du roi Arthur, il y en a un qu’il ne fallait pas manquer: le Binic Folk Blues Festival. Organisé par l’association La Nef des Fous et le label rennais Beast Records, il s’est déroulé du 27 au 29 juillet et a offert une programmation de qualité qui mettait notamment à l’honneur la scène rock australienne. Retour sur la journée du samedi 28 juillet, avec les prestations de Big Mountain County, Infinity Broke et Rhyece O’Neill & les Narodniks.

BINIC FOLKS BLUES FESTIVALSi le Binic Folks Blues Festival a pu conserver pendant dix ans son identité unique, elle le doit en partie à son public. Parmi les milliers de personnes qui s’y sont rendues, se trouvaient bien sûr une foule de locaux curieux et éventuellement des touristes de passage. Le festival de Binic peut néanmoins se targuer de réunir chaque année un noyau de fidèles de 5000 à 7000 spectateurs, tous passionnés des différents courants du rock. On pourrait alors se demander si son appellation de « folks blues festival » ne prête pas quelque peu à confusion : faute de groupes puristes perpétuant ces traditions musicales américaines, la présence du blues et du folk ne semblent perceptibles qu’à travers différents dérivés, principalement des adaptations via les esthétiques du « swamp rock » et du « blues rock ». C’est notamment ce qui est ressorti de la programmation de l’édition 2018, dont le tiers des artistes sont signés chez le label rennais Beast Records, premier partenaire du festival et promoteur de ces esthétiques. La journée de samedi a été, quant à elle, marquée par des groupes dont la musique peut être associée aux esthétiques du post punk ou des courants du rock alternatif, parallèlement au garage rock et au blues rock.

BIG MOUNTAIN COUNTY

A 16 h 15, la scène Banche a ainsi accueilli Big Mountain County, groupe italien formé par le chanteur-guitariste Alessandro Montemagno, le claviériste-guitariste Francesco Conte, le batteur Bruno Mirabella et le bassiste Wolfman Bob. Ce quatuor romain qualifie sa musique de rock psychédélique. En effet, on remarque que leurs chansons comportent quasiment toutes des passages à l’instrumentation directement influencée par ce courant musical. C’est notamment le cas lors des ponts, pendant lesquels on perçoit une rapide atténuation de la nuance, puis son retour à une nuance forte, comme par exemple dans la chanson Brain Machine. Mais à l’oreille, on pourrait croire que leur esthétique semble puiser avant tout ses influences du côté de la musique surf et du garage rock. Brain Machine est effectivement similaire à la chanson Surfin’ Bird (1963) des Trashmen, morceau de surf rock qui fut considéré comme précurseur de la musique garage : elle est effectivement polarisée autour de l’accord de tonique en mi majeur et d’un rythme « straight » effréné. De même, l’accès de délire mis en scène par Alessandro Montemagno s’apparente à celui placé au centre du titre des Trashmen par leur chanteur Dal Winslow.

Nous pouvons également évoquer l’énergique Fun Fun Boogie, titre dans lequel les musiciens adoptent une esthétique quasi inspirée du rock’n’roll et de ses dérivés des années 1960 : un rythme straight, une instrumentation construite autour d’un jeu presque « honky tonk » de guitare électrique en son clair. Mais par ailleurs, la ligne mélodique de la guitare solo sur ce morceau exploite également la modalité, ce qui semble refléter une certaine influence des musiques orientales.
Un set mélangeant donc psychédélisme et tempos endiablés, auquel le public de Binic semble avoir été réceptif.

JAMIE HUTCHINGS
Jamie Hutchings. Photo Clément Guyon

La performance du set suivant fut assurée par le groupe australien Infinity Broke, sur la même scène Banche. Il s’agit d’un projet du chanteur et guitariste Jamie Hutchings, mené en parallèle de son autre groupe Tall Grass, également présent dans la programmation du festival. Il était ainsi accompagné de Reuben Wills à la basse et de Jared Harrison, ancien compère de son premier groupe Bluebottle, à la batterie. D’une manière générale, les chansons d’Infinity Broke sont décrites comme relevant d’une esthétique apparentée au krautrock. Elle est marquée, en effet, par un fort aspect expérimental au niveau du timbre et parfois de l’harmonie (Sinless), donnant très souvent lieu à des improvisations dissonantes (Moonsoon). Mais certains éléments, comme l’association de la guitare saturée à un rythme straight quasi martelé, la rapproche également du rock alternatif. D’autant plus que, sous certains aspects, le timbre de voix de Jamie Hutchings s’apparente fortement à celle de Brian Molko, le chanteur solo du groupe Placebo.

Dans d’autres chansons comme Famine of Words, certains éléments de l’instrumentation semblent puisés dans les esthétiques du rock des années 1960. On y retrouve ainsi dans Only The Desert Grows des éléments semblables à ceux d’Apache, morceau instrumental enregistré et popularisé à cette période par les Shadows : cette chanson se caractérise par une tonalité en la mineur et une instrumentation articulée de motifs lancinants à la guitare électrique, ainsi qu’un rythme de cavalcade à la batterie. Mais le timbre ici saturé de la guitare évoque davantage celui utilisé par Neil Young avec le Crazy Horse. De plus, certains des morceaux d’Infinity présentent un rythme de type « shuffle twist » semblable à celui du célèbre morceau instrumental de Dick Dale et les Del Tones, Misirlou (1963). Ils ont su véhiculer une énergie qui avait elle aussi son efficacité et s’inscrivait pleinement dans la philosophie du Binic Folks Blues Festival.

Une demi-heure après, c’était au tour de Rhyece O’Neill et de ses Narodniks, eux aussi venus d’Australie comme quelques groupes programmés au festival. Le guitariste australien s’était alors entouré de la chanteuse Karli Jade, et Tim Deane comme second guitariste, Rick Studentt à la basse, Liam Wilkerson aux claviers et Mark Sibson à la batterie. On a pu remarquer d’emblée que leur esthétique contraste avec les prestations plus dynamiques de Big Mountain County et d’Infinity Broke. Même si elle est également inspirée des musiques populaires américaines, elle établit dans le même temps une atmosphère fantomatique qui la rend réellement singulière. Un aspect sur lequel nous nous attarderons plus longuement dans un prochain article, à la suite de leur passage au jardin du Thabor mercredi 1er août.

BINIC FOLKS BLUES FESTIVAL

Association La Nef-D-Fous
Mairie de Binic
2 Quai de Courcy 22520 Binic

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Pierre Kergus
Journaliste musical à Unidivers, Pierre Kergus est titulaire d'un master en Arts spécialité musicologie/recherche. Il est aussi un musicien amateur ouvert à de nombreux styles.

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