Depuis plusieurs années, la question de l’usage du plastique dans les cantines scolaires est au cœur des débats environnementaux et sanitaires. L’association Cantine Sans Plastique France, ainsi que de nombreuses ONG et parents d’élèves, militent activement pour une restauration collective plus respectueuse de la santé des enfants et de l’environnement. La loi EGalim, promulguée en 2018, avait acté la suppression progressive du plastique dans la restauration scolaire. Cependant, un projet de décret gouvernemental en consultation publique propose aujourd’hui de réintroduire la vaisselle en plastique réutilisable dans les cantines et crèches.
Un projet de décret controversé
Le gouvernement justifie ce revirement par des préoccupations économiques et logistiques, arguant que certaines collectivités ont des difficultés à s’adapter aux alternatives au plastique, telles que l’inox ou le verre. Ce retour en arrière inquiète fortement les associations environnementales, qui dénoncent un recul sous la pression des lobbys industriels.
L’association Cantine Sans Plastique France a vivement réagi, qualifiant ce projet d’« hérésie » et rappelant que l’exposition des enfants aux perturbateurs endocriniens contenus dans les plastiques constitue un risque sanitaire majeur. Selon France Info et Le Monde, ce revirement est perçu comme une victoire des industriels du plastique, qui auraient exercé un fort lobbying auprès du gouvernement.
Des enjeux sanitaires et environnementaux majeurs
Le plastique, même réutilisable, pose plusieurs problèmes :
- Risque sanitaire : des études montrent que des microparticules de plastique et des substances toxiques (bisphénols, phtalates) migrent dans les aliments lorsqu’ils sont chauffés.
- Impact environnemental : bien que qualifié de « réutilisable », le plastique reste un matériau polluant qui génère des déchets difficiles à recycler.
- Éthique et cohérence politique : revenir sur l’interdiction du plastique dans les cantines va à l’encontre des engagements pris en matière de transition écologique et de protection de la santé publique.
Les alternatives existent déjà
De nombreuses collectivités ont réussi à mettre en place des alternatives au plastique, en utilisant des contenants en inox ou en verre, malgré les défis techniques et financiers. Des villes pionnières, comme Strasbourg et Grenoble, montrent qu’une cantine sans plastique est possible avec de la volonté politique et un accompagnement adapté.
Un retour du plastique sous conditions ?
Si le décret venait à être adopté, il pourrait s’accompagner de conditions strictes pour encadrer l’usage du plastique en cantine, notamment une interdiction des plastiques à usage unique et des obligations de recyclabilité renforcées. Toutefois, pour les défenseurs d’une restauration saine et durable, cela ne suffira pas à compenser les risques pour la santé des enfants et l’impact écologique.
Une consultation publique décisive
Les associations appellent les citoyens à se mobiliser et à participer à la consultation publique pour faire entendre leur opposition. La décision finale du gouvernement sur ce décret pourrait avoir des répercussions majeures sur la politique environnementale et sanitaire des prochaines années.L’influence du lobby des plastiques dans le débat sur les cantines scolaires et la vaisselle en plastique est significative et repose sur plusieurs leviers de pression, allant des arguments économiques aux stratégies politiques et médiatiques. Voici les principaux aspects de cette influence :
1. Une pression économique forte
Les industriels du plastique, représentés par des fédérations comme Plastics Europe ou la Fédération de la Plasturgie et des Composites, défendent leurs intérêts en mettant en avant plusieurs arguments économiques :
- Maintien des emplois : Le secteur du plastique représente plusieurs milliers d’emplois en France et en Europe. Les industriels alertent sur les risques de pertes d’emplois si l’interdiction des plastiques dans les cantines se généralise.
- Coût des alternatives : Ils avancent que l’inox ou le verre sont plus coûteux à l’achat et à l’entretien, ce qui pourrait poser problème pour les collectivités locales disposant de budgets limités.
- Compétitivité des entreprises : Ils soutiennent que l’interdiction des plastiques fragilise certaines entreprises françaises face à la concurrence étrangère.
2. Un lobbying politique efficace
Les industriels du plastique entretiennent des relations étroites avec les décideurs politiques :
- Pression sur les ministères : Des représentants du secteur rencontrent régulièrement les responsables du gouvernement pour défendre leur vision et proposer des solutions alternatives.
- Interventions auprès des élus locaux : Ils sensibilisent les collectivités en leur proposant des études et des solutions qui favorisent l’utilisation du plastique réutilisable.
- Groupes d’influence à Bruxelles : Au niveau européen, de puissants groupes de pression agissent pour freiner ou assouplir la réglementation sur le plastique.
3. Un discours axé sur l’innovation et le « plastique vert »
Plutôt que de s’opposer frontalement à l’interdiction, le lobby du plastique adapte son discours :
- Le recyclage et le plastique réutilisable : Les industriels affirment que certains plastiques sont désormais réutilisables et recyclables, ce qui leur permet d’éviter d’être assimilés aux plastiques à usage unique.
- Le plastique biosourcé : Ils mettent en avant des plastiques « écologiques », fabriqués à partir de matières végétales, pour répondre aux critiques environnementales.
- Doutes sur les alternatives : Certains acteurs du lobby financent des études mettant en doute les bénéfices des alternatives comme l’inox ou le verre, en soulignant par exemple leur impact carbone lié à la production et au lavage.
4. Une stratégie médiatique et de communication bien rodée
- Articles et tribunes : Le secteur finance des études et des publications dans des journaux économiques ou spécialisés, mettant en avant les bénéfices du plastique.
- Communication grand public : Ils jouent sur l’image du « plastique moderne et pratique » pour rassurer l’opinion.
- Contre-discours sur la santé : Certains acteurs minimisent les risques liés aux perturbateurs endocriniens, en mettant en avant des études qui relativisent leur impact.
5. Des résultats concrets : un retour en arrière ?
Une influence durable sur la réglementation : Dans d’autres secteurs, les industriels du plastique ont réussi à repousser ou alléger des interdictions en négociant des dérogations.
Le projet de décret en consultation publique qui propose la réintroduction de la vaisselle en plastique dans les cantines montre l’influence directe des lobbys.
L’affaiblissement de la loi EGalim : Malgré l’adoption de la loi interdisant le plastique en cantine, les pressions ont conduit à des retards et des exceptions dans son application.