Il nettoie les fonds marins depuis des millions d’années, mais aujourd’hui, il pourrait bien jouer un rôle crucial dans la lutte contre le cancer. Longtemps ignoré en Occident, le concombre de mer, cet étrange animal marin à l’apparence peu séduisante, dévoile peu à peu ses secrets aux chercheurs. Et parmi eux, une découverte récente attire l’attention du monde scientifique : un sucre marin aux puissantes propriétés anticancéreuses.
Un animal modeste, une pharmacopée insoupçonnée
Classé parmi les échinodermes (comme les oursins ou les étoiles de mer), le concombre de mer est surtout connu pour son rôle écologique de « nettoyeur » des fonds océaniques. Pourtant, en Asie, il est consommé depuis des siècles pour ses vertus médicinales. Ce n’est que récemment que la science moderne a commencé à valider ces savoirs empiriques.
Riche en composés bioactifs, le concombre de mer contient notamment des glycosides triterpéniques, des polysaccharides sulfatés, des peptides, et même des acides gras ramifiés. Autant de molécules qui intéressent les laboratoires de recherche en oncologie.
Une découverte majeure : le sucre anti-Sulf-2
En juin 2025, une équipe de biologistes de l’Université du Mississippi a révélé la présence, dans certaines espèces de concombre de mer, d’un sucre sulfaté unique capable de bloquer une enzyme nommée Sulf-2. Cette enzyme joue un rôle clé dans le développement des cancers : elle aide les cellules tumorales à se détacher, migrer et envahir d’autres tissus. La bloquer, c’est donc ralentir, voire empêcher, la formation de métastases.
Dans des expériences en laboratoire, ce sucre marin a freiné la prolifération des cellules cancéreuses sans endommager les cellules saines. Une avancée majeure dans la quête de traitements moins toxiques et plus sélectifs.
D’autres composés prometteurs
Les vertus anticancéreuses du concombre de mer ne s’arrêtent pas là. Une molécule appelée Frondoside A, extraite de l’espèce Cucumaria frondosa, s’est révélée particulièrement efficace contre plusieurs types de cancers, notamment ceux du foie, du poumon, de la vessie ou des ovaires.
Des études menées par les Instituts américains de la santé (NIH) ont montré que ce composé :
- induit l’apoptose, c’est-à-dire la mort programmée des cellules cancéreuses,
- freine leur migration,
- réduit l’angiogenèse, c’est-à-dire la création de nouveaux vaisseaux sanguins nécessaires à la croissance tumorale.
Mieux encore : des effets synergiques ont été observés avec des traitements existants comme la gemcitabine, ouvrant la voie à des thérapies combinées plus efficaces.
Vers des traitements d’avenir ?
Si ces résultats sont prometteurs, la prudence reste de mise. Les essais sur l’homme n’en sont qu’à leurs débuts. La plupart des recherches ont été menées sur des cellules en laboratoire ou sur des souris. Il faudra encore du temps pour confirmer l’efficacité et l’innocuité de ces molécules dans le corps humain.
En parallèle, les scientifiques attirent l’attention sur la nécessité de préserver les espèces marines. Un engouement irraisonné pour le concombre de mer pourrait mettre en danger certains écosystèmes déjà fragiles. La solution ? L’aquaculture durable et la synthèse en laboratoire des molécules actives.
Un pont entre océanographie et médecine
Le cas du concombre de mer illustre un tournant majeur dans la recherche médicale : la redécouverte des océans comme réservoirs de molécules thérapeutiques inédites. Des organismes marins jusqu’alors considérés comme anodins pourraient bien contenir les clés de traitements de demain, non seulement contre le cancer, mais aussi contre d’autres pathologies chroniques ou dégénératives.